Chapitre 24 : Un calvaire sans fin

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Matt

Une rue qui ne m’était pas inconnue, un petit garçon de 6 ans en short qui jouait au ballon sur le bas-côté de la chaussée, la voix hurlante d’une femme qui sortait d’une maison et un homme qui lui retient le bras. La femme se libéra après avoir claqué la joue de l’homme, elle descendit les escaliers en courant, en emportant une valise. Elle attrapa la main du petit garçon et traversa la route. Elle ouvrit la porte d’une voiture rouge mais l’homme referma violemment la porte. Le petit garçon était apeuré, il paniqua et pleura. Il recula sans regarder derrière lui effrayé et tomba au milieu de la route. Un bruit de klaxon, un cri strident, une voiture qui freina, la femme poussa le petit garçon et la voiture la percuta. Le corps fut envoyé dans les airs sous le choc et retomba sans bruit. L’homme s’approcha de la femme en courant, désespéré, il passa sa main sous la tête de la femme et tomba en pleurs, ses mains étaient couvertes de sang. L’homme de la voiture sortit paniqué, il appela les secours. Le petit garçon regardait sans bouger la scène qui se déroulait sous ses yeux, il avait arrêté de pleurer, ni même de respirer, il ne faisait que tendre le bras vers sa mère, inerte.

Je me réveillai, transpirant comme jamais, le bras tendu vers le plafond de ma chambre. Je m’épongeai le front avec mon poignet et trouvai une positions assise. J’avais arrêté de compter les jours et je perdais de plus en plus la notion des jours. Les seuls moments où mon père m’autorisait à sortir étaient pour faire mes besoins. De toute façon, il me donnait presque plus rien à manger, je ne recevais que le minimum pour pouvoir survivre. Ma chambre était plongée dans le noir et j’étais toujours attaché au pied du lit, incapable de me mouvoir comme je le voulais. Le temps passait lentement et je priais pour que la porte s’ouvre et que quelqu’un me sorte de mon calvaire. Le fait d’être enfermé dans le noir vous fait perdre tous vos repères et vous vous raccrochez seulement à vos pensées et vos souvenirs. Au début de l’emprisonnement, mes pensées n’avaient été que douleur et reproches, à présent, elles étaient aussi noires que les profondeurs de l’abysse. Cela faisait des mois que je n’avais pas rêvé de l’accident de ma mère. Mais le fait d’être enfermé avait fait rejaillir en moi mes plus sombres souvenirs. Cela datait de dix ans et cela me terrassait toujours. Je me recroquevillai alors sur moi-même et essayai de me rassurer. Mon corps tremblait sans s’arrêter et les larmes coulaient de plus belles. Le bruit d’une clé tournant dans un verrou me fit sursauter et mes yeux croisèrent la carrure imposante de mon père.

« Tourne-toi ! » m’ordonna-t-il sans retenue, d’un ton cinglant.

J’obéis et lui dévoilai alors mon dos. Je serrai alors les dents quand je sentis sa main sur mon dos. La douleur avait disparue avec le temps mais les marques rouges laissées par les coups de ceinture étaient toujours présentes. Il grogna et sortit sans demander son reste. Je me laissai alors tomber sur le lit – Combien de temps ce petit jeu allait encore durer ? Les gens n’allaient-ils pas s’inquiéter de ne plus me voir ? Qu’avait bien pu dire mon père pour justifier une si longue absence ? Et Alex ? – Les larmes redoublèrent et je ne vis plus rien. Je mis un bon moment avant de pouvoir me calmer. Je ris jaune et me bloquai les yeux à l’aide de mon bras. Je devais trouver une solution pour survivre, je l’avais promis à ma mère. C’est bien cette promesse qui me permettait de tenir… de tenir ? Ou plutôt qui m’emprisonnait. Je me mordis la lèvre inférieure jusqu’au sang et le liquide rougeâtre s’engouffra dans ma gorge. Je toussai et fermai les yeux lentement.

***

Une rue, Alex Lecomte qui me faisait face. Nous nous embrassâmes, contents de nous retrouver. Je décidai de lui raconter la vérité, il me repoussa froidement, me traita de dégénéré et s’en alla après m’avoir balancé au visage une multitude d’insultes. Je le suivais désespérément, le rattrapa, mais il me fit valser. Il s’enfuit en courant, traversa une ruelle et se fit tamponner par une voiture.

***

Je sortis en courant de l’appartement, Alex Lecomte qui me faisait face. Nous nous embrassâmes, contents de nous retrouver. Je décidais de lui raconter la vérité, il ne me jugea pas, me prit dans ses bras pour me rassurer et m’accepta comme j’étais. Heureux, nous nous rendîmes chez lui, main dans la main. Soudainement, des freins qui crissèrent, mon père qui sortit de la voiture, m’attrapa par le bras et me força à monter sur la plage arrière. Alex qui essaya de s’interposer, qui mit une droite à mon père, celui-ci sortit de sa poche un canif et le planta dans le ventre d’Alex. Enfermé dans la voiture, je criais, je tapais contre les vitres de la voiture tandis que le corps de mon aimé gisait au sol.

J’ouvris les yeux brusquement et criai. Haletant, je mis un bon moment avant de pouvoir reprendre mes esprits. De nombreux jour étaient passés et les cauchemars m’assaillaient de toutes parts. Cela faisait plusieurs jours que je créai des « scénari » dans le coin de ma tête me demandant ce que je devais faire. Si je devais tout lui avouer ou si je ne devais rien lui avouer. Toutes les scènes qui passaient dans ma tête me poussaient vers une seule possibilité : la solitude et le désespoir.

***

Les jours passèrent et la porte de ma chambre s’ouvrit de nouveau. Mon père entra et se pencha vers moi. Il détacha la corde qui me retenait et ouvrit les volets de ma chambre avec force. La lumière du soleil m’aveugla et je bloquai alors les rayons avec mon maigre bras. Mes yeux brûlaient d’avoir été contraints depuis des semaines à ne percevoir que la pénombre de ma chambre.

« Le directeur m’a appelé tout à l’heure. Il s’inquiétait de ton absence. Du coup, tu reprends le lycée dès demain, m’annonça-t-il avec froideur.

Je n’avais pas bougé de ma place et j’acquiesçai alors naturellement.

— Pff, s’il n’avait pas appelé, je t’aurais bien laissé quelques jours de plus dans cette pièce, grogna-t-il sans pudeur.

Il alla quitter la chambre quand il s’arrêta sur le seuil de la porte et se retourna, le visage menaçant

— J’ai bien précisé que tu étais encore fragile et donc que tu ne pouvais pas encore faire de sport, ne fais pas de conneries » m’avertit-il cruellement.

J’hochai la tête et le regardai disparaître. Une fois mes yeux habitués à la lumière aveuglante, je me levai doucement. Mes membres étaient faibles et j’eus du mal à me tenir debout. Mais je devais rapidement récupérer mon aisance pour pouvoir donner le change le lendemain. Je traînai alors mon faible corps en direction de la salle de bain et fermai derrière moi le verrou. Une vision d’horreur m’apparut quand mon corps se refléta dans le miroir. Je n’avais plus que la peau sur les os et mon visage était terriblement creusé et cerné. Je détournai alors les yeux et entrai dans la douche lentement. L’eau chaude qui coulait sur mes blessures m’arracha un gémissement mais je le supportais. J’étais dans un piètre état et il m’était impossible de me rendre au lycée dans cet état. Une fois lavé, je m’habillai et me dirigeai vers la cuisine. Mon ventre avait arrêté de m’avertir de son mécontentement suite à ma pauvre alimentations des dernières semaines, mais je devais manger pour retrouver des forces. Sur la table, mon père avait laissé un plat de pâtes que j’avalai difficilement. Alors que je lavais l’assiette, mon père sortit de sa chambre, apprêté pour se rendre à son boulot. Il posa sur la table mon portable et siffla entre ses dents :

« Je te le rends, je l’ai éteint car ton petit copain n’arrêtait pas d’appeler et que cela me cassait les oreilles. »

Mon sang se glaça quand il prononça le mot « petit copain ». Je ne pus bouger tant qu’il était là mais me précipitai sur le cellulaire dès que la silhouette de mon père disparut. Une tonne de messages et d’appels manqués étaient répertoriés et un seul message envoyé de ma part s’affichait sur mon portable :

Rompons !

Je tressaillis quand je lus ce seul mot, écrit par mon père à l’adresse d’Alex. Il me fallut tout le reste de la journée pour finir de lire ses messages désespérés et ses excuses laissées sur le répondeur. Bien que ma décision était prise, voir cela en vrai m’affectait énormément. Je pris une profonde inspiration et commençai à écrire un message sur mon portable.

To Alex :

Retrouve-moi demain à midi au potager.

Matt

Je fermai alors le portable et m’assoupis dans un profond sommeil, j’avais besoin de force pour lui faire face sinon il se pourrait bien que je faillisse devant ma résolution.


Alex

Mon portable vibra dans ma poche et je stoppai net ce que j’étais en train de faire. J’étais sorti courir pour extérioriser tout le stress et l’inquiétude que j’avais emmagasinés depuis un mois. Je n’avais reçu aucune nouvelle de sa part depuis ce fameux soir où je l’avais laissé avec son père, seul un message me demandant de rompre. J’avais essayé de l’appeler pour comprendre son geste mais je n’étais que tombé sur son répondeur. Cela m’avait rendu tellement fou d’inquiétude que mes parents s’en étaient aperçus. Ils avaient essayé alors de comprendre mon désespoir mais je ne leur avais fait aucune révélation. Je devais d’abord comprendre pourquoi Matt ne répondait plus à son portable et l’erreur que j’avais faite qui méritait une telle froideur. Il n’était pas réapparu au lycée depuis un mois et j’avais réussi à obtenir l’information de son absence par Juliette. D’après ses dires, Matt avait été hospitalisé suite à un accident et se remettait de ses blessures à domicile. Mon coeur se serra quand je lus le message que je venais de recevoir et j’appelai alors de suite le propriétaire de ce numéro. La messagerie de Matt retentit dans mes oreilles et je faillis jeter mon portable sur le sol. C’en était de trop, je ne le comprenais plus. J’avais ressenti un état de panique suite à son premier message, puis de la peur et de l’inquiétude à l’annonce de son accident, mais à présent, j’avais un goût amer au fond de la bouche. La rencontre tombait à pique, j’allais lui faire cracher tout ce que je voulais savoir le lendemain.

***

12H – Je me levai de mon siège et partis en courant en direction du potager. Mon coeur battait à cent à l’heure et j’avais du mal à respirer. Je n’avais pas fermé l’oeil de la nuit et ma concentration avait été un désastre toute la matinée. La foule d’élèves m’empêchait d’avancer et je dus me retenir pour ne pas leur crier d’avancer plus vite. Je traversai en courant la cour et descendis en panique la côte. J’atterris avec lourdeur sur le sol et dévisagea la silhouette qui se tenait devant moi. Matt Henri, se tenait debout, en face de moi, le visage sombre. Bien que le printemps était au rendez-vous, je ne ressentais aucune joie dans mon coeur. Son visage exprimait toute la froideur que j’avais devinée à travers le silence de mes appels et je me figeai alors, incapable de faire un pas en avant. Je ne connaissais pas la personne qui se tenait devant moi, enfin, je crus la connaître. – Que t’était-il arrivé Matt, me demandai-je déconcerté. Il rompit le silence et s’approcha de moi tout en faisant craquer les branches qui se trouvaient sur son passage. Je voulais lui crier toute ma colère mais aucun son ne sortait de ma bouche, alors j’attendis que nos visages soient à quelques centimètres de l’un et de l’autre pour lui demander des explications :

« Salut, me dit-il froidement.

— S.. alut, répondis-je en balbutiant, pris de cours.

Il ricana et me poussa contre un arbre. Je fus surpris par ce geste et cette attitude que je ne lui connaissais pas.

— Je peux savoir pourquoi tu m’as envoyé autant de messages ? me demanda-t-il sèchement.

Sa main m’avait frôlé et se trouvait à présent contre le tronc de l’arbre sur lequel j’étais appuyé. Son attitude me rendait perplexe et j’eus espérer que ce n’était qu’un rêve et que j’allais bientôt me réveiller.

— Je peux savoir pourquoi tu n’as pas répondu à mes messages ? demandai-je durement sans me démonter.

Un silence s’installa entre nous. Ne le voyant pas répondre, je continuai alors sur ma lancée :

— Je suis au courant de ton accident, j’ai dû demander à Juliette qui l’a apprise du directeur.

J’aperçus une mince hésitation dans son regard mais elle dura un si court instant que je me demandai alors si je ne l’avais pas rêvée.

— Et alors ? C’est quoi le rapport ? Tu espérais sans doute que je change d’avis après l’accident ? Je t’ai pourtant envoyé un message pour dire que c’était fini entre nous, me dit-il avec mépris.

Mon coeur bondit dans ma poitrine et j’attrapai alors son bras, le tirai vers moi pour changer de place avec Matt. Il gémit quand sa tête rencontra le tronc et je lui bloquai alors toutes échappatoires avec mes bras. Il se mordit la lèvre inférieure mais continua de me défier du regard. Devant autant d’insistance, je le relâchai et reculai de quelques centimètres.

— Je ne comprends pas Matt, je suis perdu, lui avouai-je, la voix tremblante. Tout semblait aller bien entre nous et du jour au lendemain tu me demandes de rompre par message.

J’avais du mal à m’exprimer mais je continuai alors mes explications, désespéré :

— Si j’ai fait quelque chose de mal tu peux me le dire ! l’informai-je avec une voix cassée. Je ne suis pas parfait mais je peux m’améliorer, je te jure. Tu es le premier pour qui je ressens un sentiment aussi fort et je suis certain que tu m’aimais aussi, alors pourquoi ? Parce que ton père l’a découvert l’autre soir ? Je saurais être plus prudent, je te le jure.

Les larmes roulaient sur mes joues et j’avais bien du mal à me contrôler. Un rire à vous donner froid dans le dos résonna dans tout le potager. Matt se tenait le ventre et riait aux éclats.

— Aimer ? se moqua-t-il sans retenue. Tu crois vraiment que je t’ai aimé ! me balança-t-il avec froideur. Mon pauvre Alex, je ne t’ai jamais aimé.

J’étais complètement estomaqué par ces révélations. Ce n’était pas possible, j’avais dû mal entendre.

— J’en ai assez de toi Alex ! me lança-t-il au visage. Il est temps que ce petit jeu s’arrête, me révéla-t-il avec dureté.

Il arracha le bracelet que je lui avais offert, me le lança au visage, puis tourna les talons pour partir. Le sang me monta à la tête et je m’élançai alors sur lui. Nos deux corps roulèrent et je l’immobilisai alors au sol. Je déposai alors mes lèvres sur les siennes et forçai sa langue à s’enrouler autour de la mienne. Il essaya de se dégager mais j’étais bien plus fort que lui. Il me martelait en vain avec ses petits poings mais je ne lâchais pas pour autant ma prise. Nos visages se décollèrent et il me cracha au visage avec toute sa hargne. Un sourire narquois se dessina sur mon visage et sans prévenir, avec force, je fis glisser ses vêtements et m’emparai alors de son membre. Il eut un soubresaut quand mes doigts se refermèrent autour de son sexe et m’insulta de tous les noms. Je commençai alors à dompter la bête et ses cris furent assez vite remplacés par des gémissements de plaisir. Je continuai alors sans retenue jusqu’à ce qu’il jouisse et le relâchai. Il attrapa ce qui lui passa sous la main et me l’envoya au visage. Je savais très bien que mon acte avait été impardonnable mais sa conduite froide m’avait fait perdre complètement mes moyens. Je me relevai et le toisai de toute ma hauteur.

— Si tu veux que je t’oublie, je t’oublierais, mais ne va pas me faire croire que tout ça n’était qu’un jeu pour toi. Je te laisse le bracelet, tu peux le jeter, j’en ai plus rien à faire, dis-je sans aucune émotion dans la voix. Je vais juste retrouver ma vie d’avant, celle où je ne te connaissais pas » finis-je avec froideur.

C’est sur ces derniers mots que je tournai les talons et laissai mes derniers espoirs derrière moi.

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