Le Loup, le Lapin et le Renard

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Rudes sont les hivers pour les gens du terrier.

Maître Lapin convia chez lui Maître Renard :

« Venez souper, dit-il, car la proie devient rare,

Et j'ai autre cuisine à vous faire essayer.

- Grand merci dit Renard, j'allais dîner chez Loup,

Peut-être une autre fois. » « Eh, qu'il se joigne à nous »,

Pria Maître Lapin, soucieux de partager.

Son trou était rempli des fruits du potager.

Potirons et navets, châtaignes de saison,

Bientôt un doux fumet embauma la maison.

Messire Loup, la babine excitée,

Vint aux fourneaux, qu'il voulait visiter,

Puis s'écria : « Qu'a-t-on fait de la viande ? »

- Ah, fit Maître Lapin, pertinente question.

Bien sûr, vous en avez la dent friande ;

Acceptez cependant qu'on en fasse abstraction.

Chétif, point je ne tue, et voudrais épargner

Aux miens comme aux agneaux de fatales saignées.

Pour cela je vous offre, ô affamés compères,

Abondance en chaleur et mon meilleur couvert. »

« C'est bien » dit le Renard, le Loup dit « J'en conviens,

Mais tenez compte, à votre tour

Que moi, mon régime s'entoure

De chair absolument ! De mets rabelaisiens ! »

À ces mots il ajoute un civet au ragoût,

Qu'il économisait pour les jours sans le sou.

Maître Lapin pâlit, mais n'osa plus rien faire.

On servit sous ses yeux le corps de feu son frère,

Et puis l'on festoya, du moins pour ainsi dire...

En effet Maître Loup s'empressa d'engloutir

En grognassant la pitance ôtée de sa bourse.

D'aucun plaisir non plus ne jouît Maître Lapin.

Légumes dans le sang, point n'était là son pain.

L'on vit de ses yeux émerger deux sources,

Renard s'en affligeait, écœuré doublement,

De contempler le Loup croquer passablement

Pour son ire apaiser. Gelé devant l'assiette,

Ami Renard sentit qu'il devait s'exprimer :

« L'on veut s'unir à table et chacun est brimé ?

Il nous faudrait tomber d'accord sur la recette !

Cher Loup, depuis longtemps, vous ruminez la vôtre,

Et pourriez vous réjouir qu'on en propose une autre.

Nous allons essuyer de glaciales semaines.

Pour mieux nous réchauffer, cohabitons sans haine.

Prenons le temps de voir la diète supérieure

Entre viande beaucoup, un peu ou pas une once,

Et dressons le bilan, de santé, de saveur,

D'économie surtout ! Qu'enfin l'on se prononce ! »

Maître Lapin hoquette et prend respiration :

« Frère, sage Renard, vous parlez justement,

Servez nécessité et optimisation,

Mais si ma voix n'arrive en haut du classement

Que vous nous suggérez, qu'advientra-t-il de nous ?

La nation des Lapins serait donc exposée

Aux crocs très acérés de nos voisins les Loups !

Accepter ce pari, mais qui pourrait l'oser ? »

En entendant cela, Messire Loup s'indigne :

« Comment, Maître Lapin, oreille de tyran

Sourde aux raisonnements, votre patte trépigne?

Voilà comment sont ceux qui composent vos rangs !

L'on s'agenouille à peine et vous voulez tout prendre

Sans vous être battus. À de saines pensées

Mollesse et sentiments ne savez qu'opposer !

Vous réclamez justice? À moi de vous l'apprendre ! »

Puis il fondit sur lui comme un rapace fou.

Renard n'ajouta rien, dont l'âme y voyait flou.

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