IV - Le Rituel de l'Aspire - Partie 3
Ils atterrirent enfin près du Palais des Chimères. Shems restait dans le vaisseau, prêt à le démarrer rapidement en cas de danger. Ainsi, Assad, Zahya, Fenrir, Amérius et Aswad prenaient part à cette mission de sauvetage.
— Je croyais m'être débarrassé à jamais de ce sinistre palais, frissonna Aswad, en observant la façade austère de la maison.
— C'est la première fois que vous y entrez, n'est-ce pas ? demanda Fenrir.
— Oui, répondit Amérius, cet endroit a été protégé par des sorts de protection que nous n'avons pas réussi à dissiper. Des sortilèges très puissants, qui ont d'ailleurs brisés la jambe d'Aswad.
Ce dernier releva sa robe de mage, et dévoila une jambe de bois. Fenrir hocha la tête, et raffermit sa prise sur son épée.
— Trêves de bavardages, nous devons sauver Saphir, déclara Assad avant d'entamer sa marche.
Ils suivirent le roi, et arrivèrent dans le grand hall. Le tapis rouge brodé d'or et les gracieuses statues draconiennes qui y figuraient, auraient pu donner un certain charme au palais. Mais celui-ci était beaucoup trop froid, beaucoup trop silencieux, pour qu'on puisse s'y sentir à l'aise. Les lieux suintaient la mort. Après le hall, il y avait un escalier qui descendait dans les catacombes du palais, ainsi qu'un couloir qui s'ouvrait vers les autres pièces.
— Nous allons nous séparer en deux groupes, dit Assad.
Ils se mirent vite d'accord entre eux et allèrent chacun dans leur direction.
— Si vous trouvez Saphir, prévint Assad, envoyez l'un de vous pour nous chercher. Nous affronterons Lunera ensemble ! Celui qui reste doit à tout prix occuper cette forcenée. Ne la provoquez surtout pas ! ajouta-t-il en élevant la voix, alors qu'Amérius et Fernrir s'éloignaient.
Assad se détourna, et pressa le pas, Zahya et Aswad à ses côtés. Ils atteignirent rapidement la chambre de Lunera, vide, avant de tomber sur celle de Darkodem. Bien que pressé, le roi s'abandonna à une contemplation mélancolique de la pièce, un mélange de colère et de tristesse sur le visage. Il fallut que Zahya l'appelle plusieurs fois pour l'y arracher. Ils fouillèrent le reste de la maison, la cuisine, le salon principal, la remise, sans jamais trouver la trace de Lunera. Cependant, partout où ils allaient, ils ne pouvaient faire abstraction de la funeste aura qui les oppressait. Le Palais des Chimères portait bien son nom : il n'inspirait que la vacuité et la froideur.
De leur côté, Fenrir et Amérius avaient fouillé les sous-sols. Couloirs obscurs, portes verrouillées, salles poussiéreuses, ils mirent pas mal de temps à chercher la trace de Lunera. Jusqu'à ce que...
— Attends, siffla Amérius en ceinturant Fenrir par la taille.
Le battant de la porte entrouvert, il avait voulu défier Lunera lorsqu'il avait aperçu le corps endormi de la Princesse. Heureusement que Lunera tournait le dos à la porte. Dans son habituelle brusquerie, Amérius poussa le garçon et fit passer discrètement sa tête. Ses yeux s'écarquillèrent à la vue du Cercle d'Uraera couvert de sang.
Un rituel ?
Ils s'étaient tous demandés ce que Lunera allait faire de Saphir, mais jamais, ils n'auraient pensé à ça ! Ce qu'elle disait à Sultakara prenait tout son sens... Darkodem lui avait laissée de grands atouts, décidément. Restait à savoir comment il se l'était procuré...
— Je m'occupe de Saphir ! murmura Fenrir interrompant les pensées d'Amérius. Toi, vas chercher les autres.
— Tu n'es qu'un idiot, marmonna Amérius. Tout seul, elle te mangera tout cru.
— Je suis certain d'être capable de la canaliser un moment, fais-moi confiance. Si tu restes, elle te tuera sans hésiter.
— C'est ta mère qui me tuera ! Le chevalier preux, volant au secours de sa chère demoiselle en détresse. Peut-être qu'un baiser de ta part suffira à la tirer de son sommeil éternel ?
— Tu es toujours aussi indiscret et sournois, cingla Fenrir, son visage s'empourprant.
Amérius lui donna une tape sur l'épaule, avant de faire volte-face. Il s'empressa de regagner le hall. Fenrir inspira profondément, et entra, déterminé.
— Tu croyais peut-être que tu allais gagner !
Prise d'un sursaut, Lunera se retourna. Elle observa Fenrir avec des yeux ronds, surprise. Elle secoua sa tête, et un sourire froid fendit son visage.
— Oh ! C'est toi. Vous vous en êtes sortis, visiblement... Je me demande comment... Mon Drain est pourtant capable d'assécher complètement les arbres. En tout cas, ajouta-t-elle en haussant les épaules, c'est peut-être mieux ainsi, vous assisterez au sacrifice de la fille.
Fenrir fronça ses sourcils.
— Franchement, mon cher...
Lunera laissa sa phrase en suspens, attendant que le jeune homme ne se présente.
— Fenrir ! aboya-t-il avec hargne.
— Un nom qui ne sied pas au louveteau que tu es... murmura-t-elle, sarcastique. Mon cher Fenrir, reprit Lunera en prenant un air faussement compatissant. Je ne t'en veux pas, tu ne m'as rien fait. Pars ! Va-t'en ! Ne te mêle pas d'un conflit qui te dépasse ! Va vivre ta vie, et laisse ces chiens se faire tuer un par un, pour leur stupidité !
Le jeune homme l'observa, incrédule. Dans d'autres circonstances, il aurait éclaté de rire tant c'était incongru.
— Tu es complètement folle ! Ils arrivent, et on va te détruire !
Lunera émit un claquement de langue dédaigneux.
— Laisse-moi rire ! À Sultakara, je vous ai maitrisés avec une facilité déconcertante. Je compte jusqu'à dix, mon ami. Ma proposition tient encore.
Dans un scénario idéal, Fenrir aurait fait demi-tour, et juste avant d'avoir franchi la porte, Lunera l'aurait tué. Invraisemblable, bien évidemment.
— Sept... Huit...
— Je serai celui qui t'achèvera ! l'interrompit le jeune homme, offusqué de l'audace d'une telle proposition.
Il leva son épée, et courut vers Lunera, prêt à trancher son visage malfaisant. Elle gloussa, amusée de cette témérité mal placée mais non moins désopilante. Cependant, elle n'avait pas de temps à perdre avec ses enfantillages. Lunera fendit l'air de sa main.
— Explodor !
Un arc de cercle lumineux stoppa Fenrir dans sa course. Il avait levé son épée pour le dévier, dans une tentative de défense qui se solda en un échec. Fenrir heurta alors le mur de plein fouet, et tomba par terre. Il se releva promptement, étourdi par le heurt.
— Immobilis ! s'exclama-t-elle, ne lui laissant même pas une seconde de répit.
Une vive lumière verte éblouit la salle comme un flash, et se figea, incapable de bouger.
— Maintenant, fiche-moi la paix !
Il faut faire autrement. Vite. Je dois gagner du temps !
— Que fais-tu ?
Lunera soupira. Visiblement, il n'allait pas la laisser tranquille. Elle lui expliqua brièvement le principe du rituel, tout en continuant de chercher la formule. Lunera se mit sur la pointe des pieds, et repéra un grimoire, bien caché par d'épais ouvrages.
— Ah !
Elle le feuilleta pendant quelques instants, avant de se souvenir de la présence insignifiante de Fenrir. Lunera leva les yeux vers lui en réalisant soudain qu'il était bien silencieux. Le pauvre garçon était atterré. Lunera se délecta de son expression de désespoir, et gloussa. Le jeune prince, furieux, sembla retrouver la parole.
— Tu es horrible, malfaisante, et tordue ! lui jeta-t-il, acide. Saleté ! Pourriture ! Satan ! Ton père et toi n'êtes que des déchets qui salissent la vie d'honorables gens !
Ce flot d'insulte lassa grandement Lunera, qui s'apprêtât à lui lancer un Charme Mutique. Mais à la mention de Darkodem, elle passa du calme à la colère noire, aussi vite qu'un éclair qui zèbre les cieux. Son visage se tordit en une grimace terrifiante, pleine de folie.
Je ne te le permettrai pas !
Le livre lui tomba des mains et Lunera s'approcha lentement de lui. Son pas s'accéléra et Fenrir prit peur. À sa hauteur, elle annula le Sortilège d'Anti-Mobilité, et le gifla de toutes ses forces. Le pauvre garçon vacilla, et tomba par terre, la joue écarlate et douloureuse. Lunera réactiva le sortilège, et s'agenouilla près de lui.
— Ose mentionner encore une fois mon père avec des propos aussi ignobles, et j'arracherai ta langue de mes mains, murmura-t-elle en posant son front sur le sien de sorte à bien l'intimider. Jamais tu ne comprendras notre souffrance. Vous avez persécuté mon père, et chaque action que vous avez mené contre lui, a contribué à nous éloigner de plus en plus. Le temps presse, la tuer passe avant ton meurtre à toi, petit individu.
Alors, elle lui balafra le visage de sa dague. Le pauvre garçon poussa un cri de douleur. La blessure s'étendait verticalement et marquait tout son visage. Le sang coulait à grandes gouttes. Elle se releva, et lui lança son regard le plus venimeux.
— Saphir est innocente ! répliqua-t-il, en trouvant le courage de tenir tête à Lunera.
Lunera retourna auprès de la princesse. Elle reprit son livre, et se hâta de trouver le sortilège. Elle avait perdu bien trop de temps.
Ça, c'est une affaire entre elle et moi.
— La formule est Aspawa Annihila ! trouva Lunera, ravie, après avoir parcouru quelques pages.
Il eut l'impression que son coeur tombait au fond de sa poitrine. Où étaient donc ses amis ?
— Maintenant, observe ta chère Saphir, et profite de la beauté du Rituel. Il y a peu de chance que tu ne le revoies un jour !
Sans même écouter ses hurlements désespérés, Lunera se positionna devant la jeune princesse, toujours endormie. Elle ferma les yeux, et serra les poings. Lunera essaya de concentrer toute son énergie magique. Des éclats de lumière rouge, des étincelles roses et des éclairs violets étaient projetés par la formidable magie qu'elle déployait. Un bruit assourdissant secouait les murs tandis que le sol s'était mis un trembler. À terme, Lunera ouvrit sa bouche. Pourtant, ce ne fut pas sa voix qui parla.
— Explodor !
La magie d'Assad se manifesta en une déferlante de puissance, rendue encore plus virulente tant il était hors de lui. Hélas pour lui, Lunera ne fut pas touchée, sa magie réagissant instinctivement en un égide protecteur. L'aura intense qui l'entourait, presque palpable, s'évanouit.
Lunera ouvrit ses paupières, et darda son regard mauvais devant les ennemis de l'Adrastée, dressés devant elle, les mines revêches, leurs armes en main, prêts à se battre avec férocité. Elle n'avait d'yeux que pour le sabre d'Assad, aussi menaçant que son maître. Amérius et Zahya se tenaient derrière lui, prêts à formuler.
— Vous ne me laisserez donc jamais en paix ? La défaite dans votre vénéré royaume ne vous a pas suffi ? Vous voulez sûrement une autre correction. Protectda !
Une barrière étincelante se déploya, et entoura Lunera et Saphir, les enfermant sous un dôme. Ils essayèrent de la faire tomber à coups d'épées et de sortilèges, mais elle était très résistante.
— Viens nous affronter ! rugit Assad, sans cesser ses violents coups de sabre. Tu te terres derrière une misérable protection, comme le faisait ton maudit père. Je vois que la lâcheté est de famille chez vous !
Encore une fois, le rituel de l'Aspire fut annulé, mais par Lunera, cette fois-ci. Son regard bicolore s'attarda sur Assad. Son expression était étrange, comme si on l'avait giflée. Elle dissipa le bouclier.
— Comment osez-vous ? Je n'autorise personne à m'insulter, et encore moins à souiller la mémoire de mon père ! Laissez-moi donc vous donner une autre fessée !
Elle dégaina sa Lame Jahanama, au moment même où les trois amis criaient ensemble, d'une même voix :
— Métasidéral Lumen !
L'atmosphère sembla un instant se courber autour d'Assad et de ses amis. C'était comme si le sortilège ployait le temps et l'espace. Furent alors expulsées une myriade de flèches azurées de lumière, qui fondirent sur Lunera. Celle-ci répliqua par un bouclier miroitant qui renvoya l'Incantation de Lumière Majeure vers ses assaillants, plus puissante encore si c'était possible. Ils s'éloignèrent à temps, et le sortilège s'écrasa sur le sol, formant un cratère d'une taille effarante.
— Tout repose sur le mouvement du poignet, expliqua-t-elle, très sérieuse, avant qu'une fumée incommodante envahit la salle.
Sentant ses nerfs s'échauffer, Lunera usa d'Incantations de Vent Mineur pour rétablir une meilleure visibilité. Une fois sa besogne achevée, elle constata qu'ils l'avaient encerclée, voulant certainement créer un effet de confusion. Mais elle avait perdu patience.
— ASSEZ ! Explodor Maxima ! Immobilis ! Mutisma !
Sans même qu'ils n'aient le temps de réagir, une onde de choc les saisit, anéantissant tout espoir de victoire. Immobilisés, muets, et blessés, le courroux et la folie de Lunera avaient eu raison d'eux. Après un dernier regard plein de mépris, elle reprit le rituel là où elle l'avait laissé. L'aura mortifère l'enveloppa à nouveau, et le sol se remit à trembler.
— Aspawa...
— Explodor Maxima ! EXPLODOR MAXIMA ! hurla une voix venant de l'entrée.
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