IV - Le Rituel de l'Aspire - Partie 4
Le double sortilège percuta avec violence Lunera, mais encore une fois, ce fut l'aura qui encaissa le choc. Pour la troisième fois, le Rituel de l'Aspire fut interrompu.
Oubliant toute retenue, Lunera hurla de rage et se précipita vers la porte où elle sauta littéralement à la gorge d'Aswad, comme une bête sauvage. Elle asséna des coups furieux de sa Lame Jahanama auxquels Aswad répliquait en faisant apparaître une barrière qui annulait l'attaque. La jeune fille ne se décourageait pas, et ne cessait de riposter, tout en marmonnant des insanités, et autres paroles outrageantes. Malgré sa jambe de bois, Aswad était vraiment habile lorsqu'il manipulait la magie.
— Rah ! ragea-t-elle en battant en retraite. Ce sera un duel magique, pour monsieur ! Apocalypsus Tenem !
Une déflagration retentit, et des jets noirs, ténébreux, tous droit venus du néant se dirigèrent à toute vitesse vers Aswad. Celui-ci riposta, tant bien que mal, avec une Incantation de Lumière Majeur. L'impact fut titanesque, envoyant valser les deux assaillants. Lunera se releva, voulant encore en découdre. Elle fit pleuvoir sur lui une avalanche de sortilèges tandis qu'Aswad esquivait, conjurait des protections, et répliquait par des mouvements lestes de sa baguette magique, comme un chef d'orchestre. Une mélodie explosive découlait de leur affrontement.
— Alors ? C'est tout ce dont tu es capable ?
S'en suivit d'une malédiction particulièrement noire, qui percuta Aswad à l'épaule. Il tomba à la renverse, lâchant ainsi son arme. Lunera commençait à fatiguer. Sans compter ses trois rituels ratés, son duel endiablé avec Aswad, d'un tout autre niveau, l'avait épuisée.
— Eh bien ? On s'arrête là ? Je t'accorderai mon pardon infini si tu t'agenouilles et embrasses l'ourlet de ma robe ! dit-elle en avançant un pied.
— Plutôt mourir !
Lunera gloussa. Aswad se releva promptement, faisant fi de son épaule, qui saignait abondamment tout en exhalant une vapeur noire, et hurla :
— Aqualevia Vaguiem !
Deux rayons bleus filèrent vers la jeune fille, qui invoqua un puissant égide, bloquant ainsi le sort.
— C'est tout ? railla-t-elle.
Elle n'eut pas le temps de rajouter autre chose que trois maléfices la heurtèrent. Le premier atterrit au ventre, lui coupant brutalement la respiration. Le second laissa une estafilade impressionnante sur sa jambe. Quant au troisième, il la propulsa en arrière, et la malheureuse s'écrasa contre la bibliothèque, avant de retomber par terre de nombreux livres lui tombant dessus.
Épuisé, Aswad s'écroula, sa jambe valide incapable de le supporter plus longtemps. Il jeta un coup d'oeil derrière lui, et entreprit d'annuler tous les charmes entravant ses amis. Une fois tout le monde capable de bouger, Assad passa un bras autour de la nuque de sa fille, un autre autour de ses genoux, et la souleva. Pâle comme la mort, une bosse ornait son front et son poignet laissait voir une blessure faite au couteau. Le coeur meurtri mais soulagé, il déposa un baiser sur son front, avant de se retourner vers ses compagnons.
— Partons, vite !
Zahya réfréna leurs ardeurs, à la plus grande stupéfaction des autres. Aswad se vidait de son sang. Elle devait à tout prix faire quelque chose, sinon il serait aussi desséché qu'un fruit sec. Experte en magie blanche comme elle était, la reine de Sultakara entreprit de nettoyer la plaie avec quelques potions trouvées sur les étagères. Il y avait de quoi le soigner dans le vaisseau, mais elle devait au moins arrêter l'hémorragie. Rapidement, grâce à son expertise, le sang cessa de couler à flots. On ne put apercevoir qu'une cicatrice béante désormais.
— On s'en va ! Allez ! les pressa Amérius.
Zahya aida Aswad à se relever, et tous ensemble, le petit groupe s'apprêtât à sortir de cet endroit sinistre, pour rejoindre l'aéronef.
— NON ! beugla la voix enragée de Lunera.
Tant bien que mal, elle se leva. Ses yeux étaient auraient pu, s'ils en étaient capable, lancer des éclairs meurtriers. Une aura dévastatrice, reflet de la colère noire qui l'animait, l'entourait, et ses cheveux, pourtant bien peignés auparavant, étaient dressés follement sur sa tête.
— COUREZ ! tonna Assad.
Ils sortirent de justesse de la salle, tandis que des flèches obscures s'écrasaient sur la porte, l'explosant au passage. Amérius et Assad se regardèrent : ils s'étaient compris.
— Fenrir, prends Saphir. Amérius et moi la retarderons.
Assad les couvrit dans leur fuite, et Amérius commença à ériger des protections. Avec la férocité d'une bête sanguinaire, Lunera, les rejoignit vite en déversant sur eux une pluie de maléfices. La vitesse fulgurante à laquelle les jets lumineux s'approchèrent des rois, était à faire pâlir le plus farouche des hommes. Amérius et Assad joignirent leurs forces, et ripostèrent. Les impacts provoquèrent de formidables explosions, si brutales, que des pans pierreux se détachèrent des murs, levant ainsi un nuage de poussière irritant.
Lunera hurla de colère. Elle fit sauter les pierres qui bloquaient son chemin grâce à son halo magique, décuplé par les sentiments haineux qui la saisissaient.
— Explodor Maxima ! EXPLODOR MAXIMA ! vociféra-t-elle, comme une damnée.
Les deux hommes se mirent à détaler, aussi vite qu'ils purent. La barrière installée par Amérius éclata en mille morceaux sous la force du premier sortilège, et le deuxième le heurta au dos. Avec un grognement douloureux, il tomba, et dans sa chute, il se foula la cheville.
— Rah ! Cette sale petite... Lévitas !
Léviter allait sûrement lui être salvateur, à Amérius... Cependant, rien ne l'était quand Lunera se trouvait dans les parages.
— Soyez maudits ! Que les affres et les flammes de l'enfer consument votre chair ! JAHANAMA !
Assad se retourna et perdit le peu de couleur qui lui restait. Une effroyable conflagration retentit, et un brasier apocalyptique ravagea tout sur son passage. L'air était suffoquant, et la chaleur était telle, que de la sueur perlait sur son front, reflétant l'avidité luciférienne de ce feu. Un feu déconcertant par sa vitalité extraordinaire, qui semblait être doué de volonté, obéissant sans doute aux ordres de sa maîtresse.
Sans demander son reste, Assad s'arracha à la contemplation du sortilège, et se mit à courir vers la sortie du plus vite qu'il put, le corps flottant d'Amérius le suivant à toute vitesse derrière lui. L'adrénaline pulsait dans ses veines au même titre que la panique. Les escaliers vers le hall étaient sans fin, et avec sa magie, rendue labile par la terreur, Assad fatiguait.
Soudain, au loin, la vision de la sortie raviva l'espoir d'Assad de s'en échapper. Mais c'était si loin ! Malheureusement, la distance qui les séparait d'une mort certaine était infime comparée à celle qu'il faudrait parcourir pour atteindre les lourds battants du portail d'entrée.
— Amérius ! À toi !
Ne se faisant pas prier, le roi d'Éterneige rassembla ses forces, et érigea une splendide barrière toute de glace, promettant d'arrêter l'élan infernal du feu. Jahanama le brisa sans peine, dans une explosion encore plus forte que dans les sous-sol. Le souffle emporta violemment les rois dehors, tandis que la porte s'arrachait de ses gonds.
Le Saphir Bleu était juste au-dessus du palais, et les deux hommes furent immédiatement happés par le mécanisme de téléportation. Ils se retrouvèrent sur le pont du vaisseau, et avant même qu'Assad ne puisse dire un mot, Zahya lui sauta au cou, le serrant dans ses bras à l'en étouffer. L'engin se mit en marche rapidement, et fila dans les cieux.
Assad se détacha de l'étreinte de son épouse et s'appuya sur la rambarde du pont. L'entrée complètement défoncée, une fumée noire et épaisse s'échappant à grandes volutes, peut-être que Lunera avait fini dévoré par sa propre haine ? À peine cette pensée traversait son esprit, qu'elle surgit, le regard fou, et les cheveux en bataille. Des éclairs violets grésillaient autour d'elle, sa magie étant hors de contrôle. En voyant Le Saphir Bleu déjà loin, Lunera hurla comme elle n'avait jamais hurlé. Elle se griffa le visage en tonnant des insanités envers ses ennemis.
Au loin, le groupe d'Assad entendit Lunera les maudire de toute la force de son âme, mais ça n'avait aucune importance. Au moins, ils s'en étaient sortis !
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