Chapitre 2

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C'est le chien qui me réveilla, en me marchant dessus. Je ris doucement et m'efforçai de le repousser, pour pouvoir respirer. Il s'assit et remua la queue en attente de caresses. Je l'enlaçai et embrassai son museau. Je posai un pied sur le sol et comme la veille, et ce malgré le parquet, je frissonnai. J'attrapai quelques vêtements plutôt chaud, c'est à dire un jean et une chemise plus épaisse qu'habituellement. Le chien me suivit jusqu'à la salle de bain et s'assit sur le tapis de celle-ci en attendant que je m'habille. Je réglai soigneusement l'eau avant de me laver le visage puis, après m'être séché, je m'habillai rapidement. Les cicatrices bien visibles sur mes cuisses me firent grimacer mais je préférai ne pas trop m'attarder dessus ce matin.

En bas, l'allée était vide et encore une fois, cette constatation me mit un coup au cœur. De plus, de fines gouttes de pluie mouillait le goudron du petit lotissement. Je soupirai et détournai les yeux pour ne plus voir ce paysage désolant. J'ouvrai le frigo et, malgré le fait que nous étions en début de semaine, je le trouvai vide. Tant pis. Je me servis un verre d'eau en guise de déjeuner et remplis les gamelles du canidé, qui me remercia d'un regard avant de se jeter dessus. Je remontai ensuite pour aller chercher mes affaires, mais aussi me brosser les dents. J'en profitai également pour préparer mes affaires de sport pour cette après-midi. Je trainai volontairement, non pas pour éviter la pluie, puisque cela ne me dérangeait pas mais parce que je ne voulais pas voir le garçon de la veille. Au moment de passé dans l'entrée, un détail me perturba; je n'avais pas mon chapeau. Pendant un court instant, je sentis la panique m'envahir. Celle-ci ne fit que se renforcer lorsque je me rendis compte que, la veille, j'étais rentré sans. Cela me motiva pour de bon et je me précipitai au dehors. Je trottinai sur le chemin, pour arriver au plus vite mais, malheureusement, j'avais trop trainé et je dus me glisser, à regret, dans les rangs de ma classe.

Alors que je reprenai mon souffle, je sentis quelque chose se poser sur ma tête. Je le retirai en cherchant d'où ça pouvait venir et vu que le garçon d'hier me souriait. Je baissai les yeux sur le couvre-chef et mon regard s'illumina lorsque je reconnu mon chapeau. Une présence, dans mon dos, me fit me retourner. Je me retrouvai le nez contre le torse du brun. Je reculai en chancelant, les joues rouges. Il n'en tenu pas compte.

—Tu avais oublié ça, hier, alors je l'ai récupéré pour toi.

Je marmonnai quelques remerciements et détournai le regard. Le garçon s'excusa de devoir me laisser, même si cela me convenait parfaitement et s'éclipsa en direction de sa propre option. Le professeur nous fit entrer et m'arrêta à la porte.

—Tu es le nouveau ? Nathanaël, c'est ça ?

J'acquiesçai doucement.

—Ne t'inquiètes pas concernant le rattrapage des cours. Contente toi d'écouter chaque jour et reprend les anciennes leçons quand tu pourras. Rien ne presse, le prochain DS sera le mardi 18.

Il me fit entrer, d'une simple pression dans le dos et me désigna une table vide, devant le bureau. Je m'installai et sortai mes affaires, intrigué par ce personnage curieux et avenant. Son cours fut passionnant et j'osai même participer une ou deux fois. C'est donc de bonne humeur que je ressortis de la salle pour aller profiter de ma récréation. Je me trouvai un coin tranquille et sortis mon carnet pour écrire quelques rimes, un sourire aux lèvres. Une ombre me gâcha ma lumière et je relevai un peu mon chapeau pour voir qui en était le responsable.

Encore lui...

—T'es un timide toi.

Il s'accroupit devant moi avec un air enjoué qui devenait un peu trop familier à mon goût

—Tu me fais lire ? demanda-t-il en remarquant mon carnet.

Je le refermai un peu violement et le rangeai soigneusement au fond de mon sac avant de le refermer, sur la défensive.

—Ne soit pas si agressif...

Je l'ignorai et me levai, près à m'en aller. Il me bloqua le passage. C'était la même situation stressante que la veille...

—Écarte toi.

Il fronça les sourcils, mécontent.

—C'est hors de question ! Tu vas encore t'enfuir et m'esquiver !

—S'il te plait !

Et voilà que je devais me rabaisser aux formules de politesse avec lui. Il sembla hésiter en comprenant mon effort.

—Ne m'esquive pas...

J'étais collé au mur et je détestai ça. Je me sentai terriblement oppressé et cela me rappelait de mauvais souvenirs. Je le repoussai, la tête basse et m'écartai rapidement. Il afficha une mine dépitée. La sonnerie retentit et je me précipitai en direction de la salle d'anglais. Cela me parut un peu fade mais je suivis tout de même activement, en prenant soigneusement mes notes au fur et à mesure. J'évitai le garçon toute la journée et refusai même de manger, par peur de le croiser.

Mais, à la sortie, le même schéma se répéta; moi, coincé contre le mur et lui, en face, à une distance tout de même un peu plus raisonnable que ce matin.

—Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu ne me laisses pas tranquille...? l'implorai-je

Il ignora tout bonnement ma question précédente pour m'en poser une autre.

—Tu me laisserais te raccompagner ?

Je baissai les yeux. Il était hors de question qu'il sache où j'habitai.

—S'il te plait...

Si je refusai, il me suivrait quand même...? Cette idée me glaça le sang.

—Si je dis non...commençai-je dans un murmure.

—Je serais déçu mais je respecterais ta volonté.

—Alors non.

Il acquiesça et s'écarta pour me laisser passer. Je m'éloignai timidement, en jetant quelques coups d'œil en arrière. Il ne me suivit pas et je pus rentrer chez moi sans encombres. Mon chien m'accueilli joyeusement, comme la veille. Mon père, comme la veille, n'était pas encore rentré.

À mon arrivée dans ma chambre, mon regard fut directement attiré par ma guitare, qui était soigneusement rangé à sa place. Malheureusement, je ne pouvais pas me permettre de jouer alors que j'avais des devoirs, je l'avais promis à mon père. Je posai mon sac, le chien s'assit sur le lit et je sortis lassement mes affaires. J'ouvris mon agenda à regrets et soupirai. Malgré mon arrivée tardive, les professeurs ne m'épargnaient pas et je me devais de faire tous mes devoirs, comme les autres. Il fallait que je corrige ça rapidement, sinon, l'écart entre les autres et moi se creuserait encore et deviendrait impossible à combler.

À cause du déménagement, je n'avais pas pu aller en cours. Il avait fallu partir précipitamment et mon esprit déjà fragile l'avait mal supporté. J'avais donc manqué quelques jours de plus, le temps de pouvoir me remettre...

Je ne posai mon stylo que lorsque mon père entra. Il embrassa ma tempe et sembla ravi de me voir travailler. Mon cœur se gonfla de fierté et je souris doucement.

—Tu t'en sors ?

—Ça va, pour l'instant...

—Prends ton temps et continu comme ça, on mange dans une petite heure, assure toi de te doucher avant.

J'acquiesçai et m'empressai de retourner à mes cours. Plus vite ce serait terminé, plus vite je pourrai jouer. Je jetai un coup d'œil à ma guitare et souris. J'avais hâte d'essayer de poser mes quelques lignes de ce matin sur des accords.

Lorsque j'eu terminé ce que j'étais en train de faire, je pris une douche rapide et m'assis sur le lit, les cheveux encore humides. Je décrochai mon instrument du mur et tendis la main pour attraper mon carnet. Je l'ouvris et tournai quelques pages, précautionneusement, jusqu'à trouver l'objet de mes désirs. Je fredonnai timidement tout en grattant les cordes, à la recherche des bonnes notes.

Bientôt, mon père m'appela pour manger et je dus quitter mon instrument, à regret. Je descendis en trainant les pieds, mécontent de devoir m'interrompre ainsi, puis m'assis à table.

Le calme régnait dans la pièce, seulement perturbé par le bruit que faisaient nos couverts en raclant les assiettes.

—J'avais oublié mon chapeau, hier.

—C'est vrai que je ne t'ai pas vu avec, en rentrant. Tu ne t'en étais pas rendu compte ?

—Non, pas avant ce matin.

—Tu l'as récupéré à la vie scolaire ?

—Non, on me l'a rendu...

Notre conversation s'arrêta là. C'était souvent ainsi, enfin, surtout depuis que nous avions quitté ma mère. Ma relation avec mon paternel avait toujours été ainsi, et ce en partie à cause de maman.

Souvent, elle était ivre et elle parlait sans s'arrêter, devenant un véritable moulin à parole.

Les effets de l'alcool, m'avait un jour confié mon père. Et ce jour-là, j'avais scellé une promesse; celle de ne jamais boire, pour ne pas devenir comme la femme qui m'avait mise au monde...

Malheur à celui qui avait la malchance de l'interrompre dans son flot intarissable de paroles. Cette règle, je l'avais apprise à mes dépends. Les autres fois, celles où elle décuvait, pas un mot n'était prononcé. Jamais. Il n'y avait qu'un lourd silence, pleins de non-dit, qui durait éternellement. Ce code là aussi, je l'avais compris, bien qu'un peu plus tardivement.

Tout cela avait peu à peu changé à notre arrivée ici. Au départ, nous finissions les journées éreintées par le déménagement puis, doucement, la fatigue, en tout cas, la mienne, avait été remplacé par un profond désespoir. Nous avions conservé ce silence-là, bien loin d'être aussi inconfortable qu'avant.

C'était plus confortable pour nous deux.

Pour moi, qui avait été élevé dans ce mutisme profond et pour mon père, qui n'aimait plus discuter de banalités. C'était, pour lui, synonyme de malheur et ça empêchait, apparemment, d'avoir de véritables conversations. Pendant longtemps, je m'étais demandé si ces paroles ne dépeignaient pas ce qu'il s'était passé avec ma mère.

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