Chapitre 3
J'accélérai le pas, sur le chemin, de manière à arriver en avance devant ma salle et ainsi, éviter les paysans qui affluaient en masse devant le lycée, aux alentours de sept heure et demi. Je m'accroupis devant ma salle et fermai les yeux pour laisser mon esprit s'évader un peu, loin de tous ces campagnards.
Mes paupières se relevèrent un peu brusquement et je relevai soudainement la tête. Le garçon d'hier, mais aussi d'avant-hier, était là, juste au-dessus de moi, mon chapeau entre ses mains. Je me relevai d'un bond et mes rêveries d'il y a quelques secondes s'évaporèrent brusquement. Je lui ordonnai de me rendre mon bien mais il se moqua de mon comportement et qualifia ma mine énervé d'adorable et enfantine. Je tentai, vainement, de récupérer mon chapeau mais il s'amusa à l'agiter au-dessus de moi, comme s'il en tirait une certaine satisfaction. Il rit même de me voir sautiller comme un gamin.
Ce chapeau était un cadeau de ma mère, le seul, et il était tout bonnement impensable que je le laisse aux mains de ce type tordu !
Je m'égosillai en jurant comme un charretier et sa seule réaction fut de pouffer puérilement.
Cette fois-ci, je m'énervai pour de bon et abandonnai tout contrôle. Ma main s'abattit violement sur sa joue. Il s'arrêta aussitôt et laissa retomber ses bras le long de son corps. J'en profitai pour récupérer mon précieux chapeau. Je reculai en serrant mon trésor contre moi et me rendis compte de l'agressivité de mon geste lorsqu'il porta sa main à sa joue, complètement hébété. Je me détournai et tentai de fuir, désormais complètement paniqué.
Je n'étais pas de tempérament violent et mon propre geste m'étonnait.
Je commençai à m'inquiéter de la conséquence de mon acte et, pour couronner le tout, le garçon attrapa mon poignet pour m'empêcher de m'échapper. Ce geste m'inquiéta un peu plus et je me recroquevillai sur moi-même.
—Nathanaël...
—Lâche moi !
Je me dégageai brusquement de son emprise et m'écartai. Un professeur apparu derrière l'adolescent, ce qui provoqua chez moi un soupir de soulagement.
—Il me semble que ta salle se trouve à l'opposé de ce bâtiment.
Le quadragénaire consulta brièvement sa montre.
—Le gong retentit dans exactement trente secondes jeune freluquet. Je te recommande de filer et de laisser ton camarade tranquille.
—Mais monsieur !
—Quinze secondes ! répliqua l'homme.
Son ton sans appel fit déguerpir l'adolescent. L'enseignant de ma spécialité; LLCA, se tourna vers moi et ses traits d'adoucirent.
—Tout va bien Nathanaël ?
J'acquiesçai, un peu perdu et fut soulagé, pour une fois, de voir les autres élèves arriver. Je rentrai dans la salle en même temps qu'eux et m'assis à ma place, un peu ébranlé par ma précédente altercation avec le brun. Je restai dans cet état toute la matinée et je végétai toute l'après-midi, trop perturbé pour faire quoi que ce soit. Lorsque mon père rentra, aux alentours de dix-huit heure, j'étais toujours au même endroit à fixer désespérément le plafond.
—Nathanaël ! Dis-moi que tu n'es pas là depuis que tu es rentré !
—Hm ? bredouillai-je, la bouche pâteuse..
—Je t'ai demandé si tu avais bougé depuis ce midi ! Est-ce que tu as mangé, au moins ?
Je me redressai difficilement et ne vis rien d'autre que le noir pendant un instant, ce qui était sûrement dû au manque de fer. Mon père agita sa main devant mon visage.
—Tu as mangé ?
—Non...
—Qu'est-ce qui s'est passé, pour que tu sois dans cet état ? demanda-t-il
—Rien...
—Pas de ça avec moi Nathanaël !
Il me força à me rasseoir et s'installa à mes côtés.
—Explique moi, exigea-t-il
—Je l'ai frappé... Je ne voulais pas faire ça, j'en ai pris conscience qu'après mais c'était trop pour moi...
—Qui est-ce que tu as frappé ?
—Il y a un garçon, qui ne me lâche pas depuis que je suis arrivé ! Je le déteste tellement ! crachai-je sous le coup de la colère.
—De quoi tu parlais quand tu disais que c'était trop ? demanda mon paternel avec douceur.
—Il m'a pris mon chapeau et il l'a agité au-dessus de ma tête en rigolant comme un demeuré !
—Ne t'énerves pas... C'est fini maintenant, ça ne sers plus à rien de fulminer.
Je me calmai un peu, apaisé par la voix grave de mon père. Je posai ma tête contre son épaule et, résigné, je me laissai câliner.
—Tu es sur les nerfs depuis le déménagement. Prends une douche chaude et joue un peu de guitare, ça va te détendre. Je t'appellerais pour manger.
J'acquiesçai en expirant profondément, comme si ce simple geste allait faire disparaitre toute ma colère. Mon père m'offrit un sourire et ébouriffa mes cheveux avant de sortir de la pièce. Mon chien, qui s'était jusque-là disparu, sûrement pour échapper à mon courroux, osa poser une patte dans l'habitacle. Il finit par entrer et grimpa sur mon lit pour me lécher la joue, en guise de consolation. Je passai mes bras autours de son encolure et enfouis mon visage de son poil en inspirant.
Je m'écartai et tirai la langue en sentant quelques poils sur celle-ci.
Cela faisait plusieurs semaines déjà que je n'avais pas pris soin de la brosser et ma terrible négligence me sautait maintenant au visage.
Dans les deux sens du terme.
Je me promis de faire le nécessaire ce week-end et me levai pour aller prendre ma douche. Je pris appui contre le mur, le temps de me stabiliser, puis je me dirigeai vers mon armoire pour récupérer un pyjama propre. J'emmenai l'autre dans la panière de linge sale puis m'enfermai dans la salle de bain.
Comme mon paternel me l'avait conseillé, je profitai longuement de ma douche, ce qui était devenu rare depuis que nous avions emménager ici. En effet, il n'y avait qu'un petit ballon d'eau chaude, deux cent litres tout au plus et celui fonctionnait principalement grâce panneau solaire qui étaient installé sur le toit. Je ne sortis que lorsque l'eau tiédit. Je pris le temps de me sécher et me coiffai soigneusement devant la glace, un léger sourire aux lèvres.
J'enfilai mes vêtements en observant, dans le miroir, mon corps dépourvu de musculature. J'attachai ensuite mes cheveux pour éviter de les avoir dans les yeux lorsque je commencerai à jouer. Je sortis de la petite pièce dans un nuage de buée et traversai rapidement le couloir pour regagner ma chambre. Je constatais immédiatement que mon chien n'y était plus. J'esquissai une moue déçu en attrapant ma guitare. Cependant, je retrouvai rapidement mon sourire en commençant à jouer.
J'avais toujours aimé la musique.
Il y a de çà presque deux ans, un club avait ouverts, dans mon ancien collège.
Comme cela me permettait de rentrer plus tard, le soir, et que je détestai chaque minute passée à la maison, j'avais sauté sur l'occasion. Le professeur, un vieil homme un peu défraichit, avait alors entreprit de m'apprendre à jouer. Au début, je l'avais fait pour continuer à rester dans le club puis, peu à peu, j'avais trouvé mon style et j'y avais pris goût. J'avais demandé une guitare, pour le Noël de mes quinze ans et j'avais poursuivi mon apprentissage, seul, en sortant du collège. Ma passion pour l'écriture s'était combiné à celle que j'avais pour l'instrument et je m'étais mis, de moi-même, à poser quelques notes sur mes paroles. Depuis, je ne vivai plus que pour ça.
Alors que j'entamai un accord plutôt compliqué, la porte de ma chambre s'entrouvrit sur le faciès de mon paternel. Il m'invita à finir mon morceau d'un signe de tête et je repris avec hésitation, un peu stressé par la présence de ce nouveau public. Je jouai les dernières notes puis je me tournai vers lui en attente d'un avis. Mon père m'offrit un sourire, silencieux, pour me dire que c'était réussi. Je me levai pour ranger l'instrument à sa place habituelle, devinant qu'il était l'heure de manger.
Je redescendai aux côtés de mon père et donnai à manger au chien avant de passer à table. Je grignotai ma plâtrée sans grande envie mais finis tout de même mon plat, pour ne pas inquiéter mon paternel.
À la fin du repas, je sortai le chien dans le jardin, pour que celui-ci puisse gambader puis aidai mon père à débarrasser.
—On ira faire des courses en ville, la semaine prochaine. Il faudra se lever tôt, m'informa-t-il alors que je m'appliquai à essuyer les assiettes.
Je grimaçai un peu.
—Tôt comment ?
—On doit partir à huit heure.
—On ne peut pas manger là-bas, à midi ? On aurait plus de temps pour faire les course et on pourrait quitter la maison plus tard.
—Ça va être compliqué, ce mois-ci mais on peut organiser ça pour une prochaine fois, proposa mon paternel.
J'acquiesçai, satisfait de cette réponse.
—Il faut prendre de quoi tenir le mois. Faire des aller-retour chaque semaine nous prendrait trop de temps et puis, l'essence a beaucoup augmenté.
Je hochai de nouveau la tête. Il ébouriffa mes cheveux, comme il aimait tant le faire, et me remercia pour la vaisselle.
—Tu vas te coucher maintenant ?
—Oui, je suis fatigué. Tu pourras me monter Nina dans cinq ou dix minutes ? Je préfère lui laisser le temps de se défouler un peu, avant de se coucher.
—Bien sûr.
Il embrassa mon front puis me poussa avec délicatesse vers l'escalier. Je pris le temps de passer par la salle de bain, pour me brosser les dents pui préparais mon sac et mes vêtements pour le lendemain. Je fermai les volets et le vent frais qui entra dans la pièce me dépêcha de les refermer. J'allumai ma petite lampe de chevet et éteignis la plus grande, avant de me blottir entre les draps. Ma chienne fit son apparition, quelques minutes plus tard. Mon père la fit monter sur mon lit et nous recouvrit correctement. Il me souhaita une nouvelle fois une bonne nuit et éteignit la lumière. La porte se referma doucement derrière lui. Je fermai les yeux et gigota un instant avant de trouver une place confortable et bien chaude aux côtés de ma chienne. Je m'endormis après quelques expirations.
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