Adieu
Alors que je tape ces premiers mots que vous lisez, je ne sais absolument pas où cet écrit va mener, et avoue même douter qu'il mène bien quelque part.
Aujourd'hui, c'est mon anniversaire, et j'ai vingt ans. Il est une heure du matin, et je peine un peu à respirer à cause de ce surplus de fumée dans mes poumons. En attendant que ça passe, je vais fumer une cigarette.
Une fois la cigarette roulée, l'allumette craquée, l'encrassage peut continuer.
J'ai vingt ans. À l'heure actuelle des choses, ce n'est pas le nombre de printemps à mon actif que je compte, mais les jours depuis lesquels je suis seul. Ils sont à l'ordre de trente-deux aujourd'hui, et la survie est dure. Beaucoup trop pour mon corps et mon esprit.
Peut-on vraiment appeler « esprit » un cerveau qui n'a plus que l'idée de mourir en tête ? Je vivais un amour vrai, pur, mais personne ne prévient des effets secondaires de cette drogue. L'amour est mort en moi, remplacé par le désordre et la folie, mais je ne peux continuer de vivre avec ces nouveaux hôtes dans ma tête.
Comment les choses peuvent-elles évoluer si vite ? Comment cette femme avec qui je partageais tout, a pu devenir en aussi peu de temps, une inconnue ? Je ne suis plus rien pour elle. Pas même un proche, ni même un simple ami. Je ne suis qu'une histoire ancienne, à oublier, triée dans le tiroir cérébral des souvenirs passés. Plus jamais, je n'entendrai ou lirai ses phrases, puni par ce que je suis, qu'elle ne veut plus voir.
Je veux l'attendre, mais cette attente est longue, douloureuse et incertaine. J'appréhende avec effroi le moment où elle m'annoncera que son corps a été donné à un autre homme. Je dis attendre, mais sans savoir vraiment quoi. Tout est déjà joué, rien n'est rattrapable, je le sais mais j'attends. J'attends peut-être d'elle simplement qu'elle me donne le courage nécessaire à mon suicide, dont les vertus m'attirent de plus en plus.
J'écris son nom partout où je le peux, comme si en l'écrivant il sortirait de mes pensées. Les gens autour de moi me disent de ne pas faire cela, que pour l'oublier complètement, je dois faire un maximum de choses, rencontrer de nouvelles personnes. Apparemment, c'est ça le secret pour fuir les problèmes, mais je sais très bien que ce n'est qu'un leurre.
Je ne peux pas l'oublier en restant ici. Chaque quartier de cette ville me la rappelle. Au premier arrondissement, je repasse devant son ancien appartement, où nous passions des journées ensemble à ne rien faire d'autre que baiser. Au deuxième arrondissement, je vois des étudiants en médecine manger leur sandwich assis sur le banc sur lequel nous avions fait l'amour un soir d'été. Au troisième arrondissement se trouve le bar dans lequel nous avions bu notre premier verre ensemble. Au quatrième, je revois un petit square dans lequel nous avions dansé après le premier verre. Dans le cinquième, je retrouve le petit parc qui avait accueilli notre première dispute. Dans le sixième se trouve son nouvel appartement, le septième est marqué par notre premier baiser, le huitième par notre rencontre ; et le neuvième est là où elle m'a quitté.
Je dois partir. Très vite, très loin.
J'ai vingt ans aujourd'hui, il est une heure trente du matin. Elle doit dormir à l'heure qu'il est, et je devrais faire de même mais je ne peux pas, car je cherche un endroit où partir.
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