La femme de ma vie qui ne m'aime pas

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Je ne connais personne de plus cynique que la vie. Vous me direz que la vie n'est pas une personne, bah elle n'en reste pas moins la chose la plus cynique qui soit.

En ce moment, j'crois bien que j'aime une femme. Je l'aime d'un amour que je n'ai jamais senti aussi sincère, tellement que cet amour est arrivé à un stade ou il est borderline avec la stupidité. Je parle de stupidité car quand on aime au point de soufrir, c'est aussi bête que de s'retourner un couteau dans la plaie au sens propre du terme.

Donc, j'aime une femme. Evidemment, vu que je l'aime, je la trouve incroyablement irrésistible, je me questionne longuement sur pourquoi encore aucun grand artiste ne l'a immortaliser en tableau tellement elle est un modèle de toute la beauté que peut contenir un être féminin, et je pourrai pondre un paragraphe de haute littérature pour décrire chaque détails de ses membres. Je pourrai expliquer qui elle est, décrire ce qui m'attire tant chez elle, et faire fantasmer le monde entier sur cette femme que je convoite tant. Mais n'est-il pas étrange de vouloir rendre amoureux les autres de l'être qu'on convoite ?

Et quand bien même je faisais cela, je mentirai au monde en idéalisant chaque parcelle de cette personne, car comme personne elle n'est pas parfaite, peut-être même est-elle plus proche de l'imperfection que de la perfection. Il n'y a qu'une seule expression que je trouve juste, pour coucher sur papier ce qu'elle est pour moi, rien qu'une. Ce n'est pas une "Amazone guerrière", ni une "Cléôpatre", ou bien une "Bérénice", non. Je crois que c'est tout simplement la femme de ma vie.

Femme de ma vie, vous me direz, c'est un peu fort comme expression jeune homme. Tout à fait et j'en suis conscient. Qu'il est démesuré, à vingt-deux ans d'employer un tel terme alors que j'ai passé plus d'années à être puceau qu'à fréquenter des femmes. Je sais bien et pourtant l'expression m'échappe, sort de ma bouche comme si mon cerveau n'était concerté pour utiliser le terme. Vous avez déjà eu cette sensation, que les mots sortent de votre bouche, comme ça, sans vraiment que vous y réfléchissiez ? Qu'on me le dise si ça vous arrive, parcequ'il n'est jamais trop tard pour apprendre qu'on est fou.

Mais comme ma bouche le sort d'elle-même, j'utiliserai l'expression "femme de ma vie", sans aucun problème, en emmerdant toutes personnes qui oseraient rire de moi. Laissez-moi donc être romantique, ça en fera rêver quelques-uns. En tout cas je ne veux plus me justifier sur l'utilisation de cette expression, car bien qu'elle m'échappe, quand j'y réfléchis je la trouve fondée. Et là vous êtes censés avoir envie de savoir pourquoi.

C'est assez simple, au final, tout en étant à la fois, extremement complexe. Mais voila, jamais je n'ai été aussi bien, en la compagnie d'une femme. C'est complétement bateau comme explication, j'en conviens, mais ça n'en rend pas la sensation moins puissante. On a tous des personnes dans notre entourage, avec qui on se sent bien, souvent nos amis, notre famille, mais chacun nous prodigue son confort à lui. On ne peut pas dire que tous nos amis nous font nous sentir aussi bien, il y en a forcément quelques uns qui se sortent du lot. Et bien imaginez-moi, ou plutôt, imaginez l'intérieur de mon crâne, au sens figuré évidemment, et vous verrez que cette femme me rend d'un bien plus bien que tout le bien dont on a bien voulu me bénir. Avec elle, je me sens comme avec personne. Je suis moi, totalement moi. Vous me direz peut-être "Si tu n'es pas toi quand tu es avec tes amis, alors c'est que tes amis sont mauvais, car tu devrais être toi à tout moment". A ces gens-là je leur répondrai, oui, mais ta gueule, gros blaireau. Bien sûr que je suis moi-même le reste du temps, et évidemment d'autant plus avec mes amis. Mais ici, quand je parle d'être soi-même, je parle du vrai soi-même, celui qu'on ose être seulement lorsque l'on est seul. Celui qui est nous, le plus nous, tellement nous qu'il a l'air de plus nous ressembler que nous. Est-ce que vous voyez ce que je veux vous dire ?

Avec elle, je suis dans la version la plus naturelle de moi, qui est en fait la version de nous dans laquelle nous n'avons plus peur de rien. Je dis ce que je veux, sans avoir peur d'avoir l'air idiot, que l'on se moque de moi, ou même d'être blessant. Bien qu'elle ne soit pas toujours d'accord avec moi, ses phrases sont toujours tournées d'une manière que je comprends, et qui est, j'ai l'impression, la meilleure manière de me causer. Elle peut être en face de moi nue, érotisée à en rendre jaloux Brigitte Bardot, ou bien dans un costume voulant imiter Gérard Dépardieu, que la beauté que je vois en elle n'en serait pas changée. Elle a un visage et un corps moulé d'une façon faisant que peu importe la situation, je la trouve radieuse. Et même par rapport à moi, je ne ressens pas cette pression de désir qui vous fait vous regarder dans un miroir, tellement je me sens beau rien que d'être avec elle.

Et par dessus tout ça, elle a ce don de me faire rire d'un rien. Je l'idolatre autant que je me fous de sa gueule, et elle fait de même envers moi. Son rire m'est le plus contagieux qui soit, si bien qu'elle se taperait des barres à mon enterrement que je m'en réveillerai pour la rejoindre. En sa présence, il y a une sensation que jamais je n'ai ressenti; l'ennui. Il ne me vient aucun souvenir d'avoir pensé un jour "je serai mieux ailleurs, qu'ici à côté d'elle à ne rien faire." Je hais ne rien faire, et pourtant avec elle, je pourrai faire cela toute ma vie. Elle me rend bon public de tout, car peu importe le film, l'émission ou la vidéo que je regarde, le faire avec elle rend l'activité captivante. Ses remarques sur les choses, sa manière d'aimer ou de ne pas aimer ce qu'elle voit, ses moqueries, font parti des phrases que je classerai dans les plus drôles jamais entendues dans ma vie. Sa voix et ses paroles me plaisent tant, que même l'idée de coucher avec elle me rebute, car cela la ferait taire. Et pourtant de son corps, j'en rêve comme un adolescent tous les soirs dans mon plumard.

Le poète dirait qu'il n'y a pas assez d'arbres sur la terre pour faire le papier nécessaire à la rédaction de toutes les magies dont cette femme l'emplit. De manière plus moderne, je dirai bien que la planète n'est pas assez grande pour accueillir toute la mémoire dont Internet aurait besoin pour que je rédige en quoi elle est la femme de ma vie. Mais tout cela ne servirait à rien, car la femme de ma vie ne veut pas de moi.

Elle ne veut pas de moi, et moi je ne veux qu'elle. Encore ici, nous nous complétons un peu, non ? Qu'il est pathétique d'aimer à ce point sans recevoir d'intérêt sur sentiment, mais la femme de sa vie n'est pas un investissement logique, et c'est pour cela que j'accuse la vie de cynisme, en me maudissant de n'aimer qu'elle pour toute la vie, mais en la privant elle de malédiction. D'habitude, quand celle que vous aimez ne vous aime pas, on devient triste. Mais triste, je ne le suis même pas. J'ai l'impression que les souvenirs de ce bien-être incommensurable m'offrent la force nécessaire à échapper à la tristesse, et je ne souffre pas de manque d'amour, je souffre seulement de cynisme. Ca rend cynique le cynisme, alors on s'amuse à écrire sur Internet qu'on aime une femme, qui est celle de notre vie, et qu'elle ne nous aime pas. Ce titre me fait sourire, sans me rendre triste, mais en me rappelant que ma situation l'est un peu.

Ma foi, je crois que mon texte est fini. Il y en aura d'autre, sûrement, car la vie et moi n'avons pas finis d'être cyniques. Pour l'instant, j'apprends à vivre dans mon cynisme, qui me fait même réaliser qu'ayant trouvé la femme de ma vie, les autres femmes m'intéressent autant que les actualités actuelles. Ca doit être la première leçon, de savoir qu'une fois qu'on a goûté à un soupçon de la femme de notre vie, on ne peut faire semblant d'apprécier l'intégralité de celles qui sont de simples femmes de passage dans notre vie. Mais j'apprendrai à faire avec, et peut-être bien qu'un jour, j'arriverai à ne plus avoir à être cynique, en écrivant que la femme de ma vie, ne m'aime pas.

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