Tant pis
C'est la dernière chose qui pouvait m'arriver. Dix ans d'études et me retrouver marchant sur un sentier inodore, incolore, impalpable, avec une promiscuité sans grade et sans décence. Ce noir dans la suite des choses, ne m'annonçait rien d'optimiste. Où avais-je mis ma tendresse?
C'est la dernière chose qui pouvait m'arriver. Cent ans d'esclavage sur cette butte en proie à tous les malaises, à toutes les difficultés, à tous les mécanismes d'opposition, sans avoir le droit de me défendre. Inconséquence des choses, immatérialité de l'immobile, symbiose fatale entre le visible et l'invisible, le palpable et l'impalpable, le décent et l'indécent.
C'est la dernière chose qui pouvait m'arriver. Etre là pendu aux lèvres d'un oracle, tandis que la foule se rue sur les restes encore chauds d'une civilisation, morte d'avoir trop voulu civiliser.
Je n'ai plus de ressources, je n'ai plus d'énergie, plus envie de parler, d'écrire, de penser. Je suis un chevalier sans armure, un cheval en détresse, un bateau en perdition, une femme stérile, une chanson sans air. Où sont les preux et les prouesses de naguère? Peut être enfouis sous les débris, peut être malades et affaiblis, errants dans une autre dimension qui n'est pas la leur, qui ne le sera jamais. Dans une autre dimension où la roue tourne aussi sans pitié et sans discrimination. Et moi, témoin de tout cela, je suis incapable de comprendre ce qui se passe
C'est la dernière chose qui pouvait m'arriver. Ca n'avait pas de prix. Tant pis.
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