Sam n’en croit pas ses yeux

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Où est Lou ? Lou a disparu, on s’inquiète. Décidément c’est la journée ! Quand on entend un bruit de gros moteur à l’extérieur sur le parking. Les enfants se réjouissent et sortent en courant.

Mais, mais ils n’ont pas le droit !

Celui qui s’exclame de la sorte est maire du village. On l’a appelé à la rescousse, mais il est très secoué par ce qu’il voit, se frotte les yeux :

je rêve, je rêve !

Non il ne rêve pas. Sur le parking de l’école un trente tonnes manœuvre. Devinez qui le conduit ? Un camionneur chevronné parce qu’un engin pareil aussi long, aussi large, avec des roues énormes, qui pourrait bien s’en charger. J’entends des voix derrière moi. Vous avez deviné.

Lou bien sûr.

Mais comment fait-elle pour arriver aux pédales. Le siège du conducteur est trop haut pour elle et si elle pouvait le baisser elle ne verrait pas à travers le pare-brise. Mystère. Je l’interrogerai plus tard quand elle sera moins affairée.

Il faut vous dire qu’une file s’est constituée à l’arrière du semi-remorque, les enfants, leurs parents, toute une école, tout un village et plus. Chacun fait don qui d’un spaghetti rouge de tomate et soigneusement enroulé dans un bout de papier, qui d’une feuille de salade saucée, qui d’un quartier d’orange.

On range tout dans des boîtes, les boîtes dans des cartons, les cartons dans le camion. Vu du ciel on dirait une fourmilière et sa cérémonie de fourmis noires fort affairées. Quand la remorque est remplie à ras bord, Lou reprend le volant de ses petites mains, direction la plage.

Lorsque Sam ouvre la porte du camion il y a des tonnes de spaghetti sauce tomate, comme il les aime. Les feuilles de salades font une immense salade avec des grains de maïs, et tellement de quartiers d’Orange qu’on pourrait en faire des hectares et des hectares d’orangeraie, si la terre était bonne. Ici ce n’est que du sable. Mais il gardera les pépins.

Oh !

Sam n’en croit pas ses yeux. Lou tourne sa tête dans le même sens que son ami de slikeline et de rot d’ogre. Là-bas au fond de la plage. Là où le sable se noie dans les vagues, un point noir qui grossit à vue d’œil se rapproche, s’élargit, bourdonne comme une ruche mais ici il n’y a pas d’abeilles. C’est une nuée, la nuée se fait nuages, les nuages tornade. La plage se couvre de silhouettes sombres d’où s’élèvent des cris – de joie j’espère. L’invasion se rapproche. Sam ferme la porte arrière du camion. Lou se met au volant. Sam s’assied sur le siège passager hypnotisé par ce qui arrive. Une horde de cris. Menace. Fuir ? Lou démarre par prudence et manœuvre le trente tonnes pour qu’il soit face à la route.

Sam lance un regard dans le rétroviseur. Sa mère dort, imperturbable. Elle n’a pas bougé depuis le début de l’histoire. Imaginez la durée que cela représente.

Que faire, songe le gamin, la réveiller ? Non, je ne pourrai pas, c’est trop tard.

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