Cette fête stellaire fut mémorable. Les danses folkloriques avaient échauffé les cœurs et le récit cosmique avait été aussi profond que poétique. Quant au fils du Gardien, il avait surpris certains membres du village lors de sa démonstration combative. Tout participa à la réussite de cette soirée et renforça la chaleur communautaire intrinsèque du clan Orion. Cette nouvelle saison s’annonçait d’une grande richesse.

Le quotidien reprit son cours. Les deux jumeaux, fils et fille de Neptune et Théïa, comblaient leur temps avec des occupations de leur âge. Lorsqu’ils ne se divertissaient pas avec leurs semblables du même âge, ils participaient à des missions du village telles que la cueillette de baies et herbes aromatiques sauvages, ou la confection d’armatures végétales isolantes par exemple. Cette manufacture nécessitait une dualité de feuilles spécifiques, pour assurer une étanchéité suffisante, et l’assemblage résultant servait à couvrir le toit des huttes du village. Leur renouvellement était fréquent au cours d’une même année.

Mars et Lune profitaient aussi du temps qu’ils avaient pour éveiller un peu plus leur lumière intérieure. Ils rentraient parfois tard au village, et Titania ne les surveillait plus comme auparavant. Ils étaient grands maintenant. Quant à leur père, il était très occupé. Cela s’était accentué depuis les derniers évènements, et il devait parfois s’absenter pendant de nombreux sôls.

Les jumeaux avaient l’habitude, ils étaient les enfants du gardien et ils devaient savoir se débrouiller. Ils se divisaient les tâches ménagères, la réalisation des repas, l’entretien de leur hutte et la vérification des différentes armatures végétales. Pour s’approvisionner en nourriture, ils se ravitaillaient dans la réserve du clan. La règle était simple, la réserve était commune et chacun pouvait se servir. La bienséance et la conscience commune faisaient que tout le monde approvisionnait le stock, tant et si bien qu’il était toujours bien rempli. Le gâchis était de plus proscrit. Prius et Amento s’assuraient de cette mission en proposant des recettes prêtes à l’emploi dans de grands récipients en bois et pour qui le souhaitait, à l’aide des produits qui allaient se périr. L’équilibre, l’une des vertus essentielles du peuple des Oraï, se reflétait dans leur mode alimentaire.

Un soir, Mars et Lune rentrèrent à leur hutte et furent surpris de découvrir leur père qui les attendait en train de préparer un plat gourmet.

• Vous voilà enfin, s'exclama-t-il à leur arrivée.
• C’est Saturne qui se moque de Jupiter, répondit Mars.
• Tes missions sont de plus en plus prolongées, indiqua sa fille tandis qu’elle et son frère s’installèrent autour d’une table irrégulière faite d’un bois massif.
• J’ai été retardé pour cette affaire. La région de Zota du Nord n’est pas toute proche.
• C’est la première fois que tu t’aventures si loin, souligna Lune.
• Tu as raison c’est assez rare, mais rien de grave. Rien qui ne puisse gâcher cette mémorable recette que je vous ai préparée.

Mars salivait rien qu’à l’odeur qui se dégageait de ce plat qu’il connaissait si bien. C’était une des spécialités de leur mère. Neptune s’était promis de réaliser cette recette aussi souvent que possible pour faire vivre le souvenir de sa partenaire spirituelle, mère de ses magnifiques enfants. Il s’agissait d’un mélange de légumes racines crus, et de légumes bulbes confits avec soin au fourneau commun. Le tout était assaisonné de baies pimentées et d’herbes aromatiques acidulées.

Ils se régalèrent comme à chaque fois que leur père prenait le temps de cuisiner. Ils vinrent ensuite s’allonger tous les trois dans la grasse verdure derrière leur habitation. Ils s'installèrent en étoile, avec leur tête au centre de sorte qu’ils puissent discuter librement. Ils contemplaient la voûte céleste. À cette occasion, Neptune avait l’habitude de leur parlait de Théïa en leur racontant une nouvelle anecdote à chaque exercice.

Mars et Lune étaient heureux de vivre ces souvenirs à travers la voix pleine de vie de leur père. La dernière fois, il leur avait raconté comment il avait rencontré leur mère. À l'origine, Neptune n’était pas du clan d’Orion. Ce fut lors d’une nova, un rassemblement festif des différents clans de la terre d’Aïtorn, qui n’arrivait que tous les neuf ou dix solstices, qu’il rencontra pour la première fois Théïa. Et ce fut lors du regroupement suivant qu’il décida de rejoindre le village d’Orion auquel la mère des jumeaux appartenait. Un temps passa ensuite avant qu’il s’unisse avec elle, la fille du Gardien de l’époque, Intercrus. Les migrations ponctuelles entre les différents clans étaient courantes et nécessaires pour assurer une diversité et une mixité bénéfique, et Neptune n’avait pas hésité une seconde à l’aperçu de Théïa.

Cette fois-ci, il leur raconta la raison de la coloration unique des cheveux de leur mère. Elle était la descendance d’un clan particulier. Ses lointains ancêtres avaient prospéré dans une région montagneuse à l’est, dont la terre, rocailleuse pour l’essentiel, était riche en minéraux telluriques. Leur alimentation, gorgée de métaux naturels, avait imprégné leur organisme qui s'en était autant enrichi que leur lumière intérieure s’étaient saturées des énergies régionales. Toute leur descendance bénéficiait ainsi d’une vigueur physique notable et d’une teinte capillaire rouge sombre, presque terreuse. Et Mars en avait hérité.

Le cœur chaud et l’âme épanouie, les jumeaux eurent les yeux exorbités d’images réjouissantes. Mars se sentit investi d’une force nouvelle. Lune, non tant jalouse, mais plutôt curieuse, se questionna sur son cas, elle qui disposait d’une chevelure d’un blanc gris unique.

• Ne t’en fais pas ma fille. Tu n’es pas en reste en ce qui concerne l’hérédité. Tu le découvriras bien assez tôt. Et puis quoi de plus extraordinaire que d’avoir un brin capillaire similaire à notre astre lunaire.

Mars acquiesça. Ils regardèrent tous les trois l’étoile scintillante qui les surplombait. Lune avoua qu’elle ne pouvait pas se plaindre. Son existence était liée à l’étoile la plus proche et la plus familière qu’il soit. Elle ne se lasserait jamais de l’apercevoir dans le ciel céleste.

Ensuite, jugeant qu’il était temps, Neptune leur indiqua l’identité de leur grand-père. Le père de leur défunte mère, Intercrus. Lune qui l’avait appris par l’intermédiaire de Titania, avait informé son frère il y a quelque temps déjà. Ils ne jouèrent donc pas les surpris.

• Pourquoi ne pas nous l’avoir dit plus tôt papa ? demanda Lune.
• C’est une bonne question.

Neptune prit une inspiration.

• Il s’agit d’une décision d’aîné. Dont la logique souffre parfois d’un hermétisme, pas moins dénué de sens que celle d’un jeune sot.

Les jumeaux n’étaient pas sûrs de comprendre l’insinuation, mais ne cachèrent pas leur fierté d'être les petits-enfants d’Intercrus.

• Avait-il les cheveux rouges lui aussi ? demanda Mars.
• Tout à fait. Mais il a choisi de se raser le crâne depuis maints solstices. Cela lui donne un air plus sérieux qu’il ne l’est déjà et parfois, quand je l’entrevois de loin, il m'arrive de confondre son occiput avec une montagne à l'horizon.

La petite famille ria en cœur.

• Tu as de la chance qu’il ne t’entende pas. Sinon il ne manquerait pas de te corriger, pouffa Lune.
• Tu as raison, je dois faire attention ! Il poursuivit après quelques secondes : « Votre grand-père est un Ora incroyable et aussi respectable que l’on puisse l’être. Il a beaucoup œuvré pour le bien-être du clan, de l’environnement et des relations avec les autres espèces civilisées. Il mérite d’être considéré à juste titre ».
• Était-il un plus grand Gardien que toi ?

La question était sortie simultanément de la bouche des jumeaux. Cette curiosité chez ses enfants n’étonnait pas Neptune.

• Cela n’a pas de grande importance. Mais à ce jour, il y a deux Oraï que je n’aimerais pas combattre sérieusement et il en fait partie. Quant au second, il s'agit du Gardien du clan Scorpius.

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   Neptune dut repartir quelques jours plus tard pour une nouvelle mission, qui durerait un temps indéterminé à nouveau. Cette fois-ci c’était dans le sud de la région qu’il était missionné. Avant son départ, il confia à ses enfants que lorsqu'il reviendrait, il les guiderait lui-même dans leur entraînement spirituel. Il s’était de plus entretenu avec Titania et Alya pour éclairer respectivement Mars et Lune sur leur propre voie en attendant son retour. Titania et son type du renforcement, était toute désignée pour entraîner le fils de Neptune. Alya de son côté était une Ora du domaine sensoriel, et elle avait bien connu leur mère Théïa.

Avant de partir, il fit une accolade à ses enfants. Pressés contre ses hanches de ses mains puissantes, il caressa non sans fierté la tête de ses enfants. Il leur assura rentrer dès que possible pour leur faire découvrir les secrets de leur lumen. Il leur demanda aussi d’être à l’écoute de leur mentor respectif. Puis il prit la route, impatient et heureux.