« … Oui…Où en étais-je ?...

Ah oui ! Excusez-moi, les enfants. J’ai eu une légère absence.

Vous savez, votre chère conteuse n’est plus si jeune. Il faut être indulgents. Elle a tant et tant d’histoires dans la tête…

Et puis parfois elle est victime des spasmes temporels, votre conteuse ! Comme tout le monde.

Ah ? Vous ne connaissez pas les spasmes temporels ? Allons bon !

Prenez… Le sommeil, par exemple ! Vous croyez que la nuit vous restez dans votre lit, peut-être ?

Et bien vous avez raison ! Ah ! Sauf qu’en fait votre incarnat est suspendu, c’est ça le spasme temporel ! Un hoquet de Temps. Tantôt vous êtes là, fringuant, préparant votre journée du lendemain, ensuite : PAF ! Vous dormez – enfin, votre carnat dort – mais l’incarnat, lui, c’est une autre question. Où est-il passé durant le temps de votre nuit ? Qu’est ce qui fait que d’un seul coup, pour vous, c’est le lendemain ? J’vais vous le dire moi : le Temps l’éteint, bien sûr ! Quand je vous dis que le nuit est un instant maudit, vous ne me croyez pas !

Je vous dirai ceci : le Temps est trop régulier, trop strict. Une telle rigueur ne va pas sans quelques – disons – à-coups ! Voilà, vous avez compris, les hoquets de Temps sont ses décrochages, ses petits moments où il perd le fil. Et Comme nous avons tous un lien spécifique à lui, il n’est pas étonnant que ces décrochages ne tombent pas sur tout le monde en même temps.

Sauf la nuit, bien entendu. Car, la nuit, le Temps dort. Même sous forme de lune, il somnole.

Quoi ? Les rêves ? Quoi ? Avec quoi vous venez ?

Ils ne sont pas la preuve que nous sommes encore là, comme vous avez l’air de penser. C’est une illusion. Quand le Temps s’éveille, la Messagère en profite pour entasser vite fait dans nos caboches ce qu’elle voulait nous transmettre. Si bien qu’on a le sentiment étrange que la nuit nous rêvons.

Réfléchissez ! Si, à ces instants éteints, nous sommes en suspension, on ne peut pas recevoir d’images ou de mots, puisque nous ne sommes pas là ! C’est logique tout de même ! »