Un tout petit chapitre pour commencer la semaine. Bonne lecture.

Je suis réveillée au plein milieu de la nuit par le chant du coq. Après un passage obligatoire aux toilettes, je me recouche, encore épuisée. Je remarque une couverture sur le lit. Sunny… Que d’attention… Une fois allongée et blottie dans le plaid, je peine à retrouver le sommeil, obnubilée par la conversation qu’ils ont eue, Dave et lui. J’ai conscience que cette situation peut paraître invraisemblable. Parce qu’il a raison, je ne peux le nier, un lien se tisse bien entre nous deux.

Lucide sur l’issue de toute façon fatale de notre duo, je me demande pourquoi une pointe d’amertume me submerge lorsque je repense à cette Stella. Qui est-elle ? Que représente-t-elle réellement pour lui ? Et surtout, où est-elle ? Cela ne devrait pas être mon problème. Il devrait pouvoir se taper qui il veut puisque nous ne sommes rien l’un pour l’autre. Et pourtant !

Au fond de moi, je sens que rien de bon ne sortira d’une idylle entre nous. Rien, à part de la souffrance.

Dave a vu juste. On se plaît, plus qu’on ne le devrait. D’avoir entendu Sunny se confier avec une telle intensité, m’a rempli le cœur pour mieux me le briser aussitôt. Déjà avant notre rencontre, les dés étaient jetés : nous n’appartenons pas à la même catégorie de personne. Lui, va continuer de fuir avant de braquer à nouveau une autre banque, et moi, je vais retrouver ma petite vie tranquille, avec ma fille, Lyloo. Mes idées s’embrouillent et c’est en pensant à la platitude sentimentale qui m’attend que je sombre peu à peu dans le sommeil.

* * *

La lueur du jour, mêlée à un tintement de clé tournant dans la serrure, me sort trop tôt à mon goût de mon rêve. Agressée par la clarté, mes mains se hâtent de couvrir mes yeux. Il me faut un temps d’adaptation avant d’apercevoir Dave pénétrer dans la pièce.

— Bonjour, Meg. Alors, bien remise de votre escapade nocturne ?

Il est bien guilleret, ce matin ? La nuit semble lui avoir été bénéfique !

— Oui. Merci de vous en inquiéter.

— Ne sois pas si modeste ! s’exclame-t-il en me fixant alors que je me redresse sur le lit pour m’asseoir en repoussant la couverture. En tout cas, Sunny ne cesse de vanter tes mérites. Tu te bats comme une lionne à ce qu’il m’a rapporté.

Et maintenant, il me passe de la pommade ?

— Oui, bon, abrégé-je, venez-en au fait. Qu’est-ce que vous me voulez ?

Devant son air surpris, je ne me démonte pas.

— Vous avez quelque chose à me demander, je me trompe ? attaqué-je tout en recoiffant brièvement ma queue de cheval ébouriffée.

Son mouvement de recul, presque imperceptible me conforte dans mon idée.

— Tu ne te trompes pas, en effet, approuve-t-il de nouveau imperturbable, écoute, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je ne sais pas exactement ce qu’il se passe entre vous, et pour tout te dire, j’en ai rien à foutre. En revanche, Sunny est mon ami. Et je ne veux pas qu’il souffre de cette histoire. Alors, pour son bien, il faut que tout ça cesse, et vite.

Oh non… Il n’est pas venu me parler de « ça » ! Aussitôt, mon cœur s’emballe, battant à un rythme non autorisé. Je ne dois rien laisser paraître… RIEN !

— Quoi, tout ça ? demandé-je, volontairement évasive.

— Ne fais pas l’imbécile avec moi, s’agace-t-il, tu sais très bien de quoi je parle. Je fais allusion à ce « truc », qu’il tilt entre lui et toi.

— Ce qui tilt entre lui et moi ? répété-je, espérant lui faire entendre l’absurdité de ses propos. Vous êtes en plein délire ! Dois-je vous rappeler qu’il m’a enlevé, et qu’il me séquestre depuis plusieurs jours avec une bande de dégénérés ?

— Bien sûr, souffle-t-il, je sais tout ça. Seulement, je ne suis pas aveugle, et je vois aussi vos regards, ses attentions et tes réactions quand il se trouve à tes côtés. Honnêtement, demande-t-il en s’approchant de moi, comment envisages-tu votre avenir ? Sois lucide… Ou tout du moins, fais-le pour lui. Tu te doutes bien que c’est lui qui a le plus à perdre entre vous deux. Lui, risque sa liberté ! Alors, si je ne me trompe pas et que tu tiens également à lui, fais-lui sentir que ce n’est pas réciproque pour toi. Il doit recommencer à penser à lui. Comprends-moi, nous sommes en pleine cavale !

Sunny… en prison… Rien que l’idée de mettre ce type en captivité me brise le cœur. Il a raison. Je dois agir en adulte responsable, même si cela me peine.

— Je sais, capitulé-je en baissant la tête pour étudier mes doigts, j’ai conscience de tout ça.

— C’est bien, acquiesce-t-il, victorieux, je vois qu’on est sur la même longueur d’onde.

Sans rien ajouter, il tourne les talons et ressort aussitôt. Figée par la voix de la raison, je reste silencieuse un instant. J’ai la désagréable impression que ma gorge se resserre. Je ne devrais pas ressentir cette tristesse et pourtant… Submergée, un flot de larmes embut mes yeux.

Mon Dieu ! Dave a tout compris. Il a vu la dangerosité de ce jeu qui déjà nous dépasse. Nous n’aurions jamais dû nous laisser porter comme deux ados.

Je perçois à nouveau la clé tourner dans la serrure. Stoppant net mes pleurs, j’essuie rapidement les larmes sur mon visage. Mon cœur rate un battement lorsque Sunny apparaît, mon plateau à la main. Il faut que je cesse de le fixer comme s’il s’agissait d’une friandise. Pourtant, je suis sûre qu’il doit être un amant passionné. La sensation de passer à côté de quelque chose m’afflige.

Il est encore à tomber ce matin ou alors je ne suis pas objective lorsqu’il s’agit de lui. Seulement, ce tee-shirt noir qui souligne avec délice ses formes saillantes booste mon imaginaire. Et lorsqu’il se retourne pour pousser la porte, je devine, à travers le tissu de son treillis militaire, un fessier ferme sur lequel mes mains rêvent de se balader.

Avant qu’il ne s’aperçoive de mon regard animal, je détourne les yeux, espérant que cela suffise pour apaiser mon esprit fertile.