— Bouge pas ! m’ordonne un des complices lorsqu’il déboule dans la pièce en hurlant, une arme à la main.

Et lui semble parfaitement la manier, contrairement à moi !

— Lâche ton flingue et lève les mains, exige un deuxième gars qui débarque en courant, tout essoufflé.

Je les regarde un à un. Eh ben, ils n’ont pas l’air de plaisanter ces deux-là, et franchement, face à eux, je ne vois pas comment je pourrais faire le poids. Furieuse, je continue tout de même de le menacer pour jouer la montre.

— Tu sais, lâche Connard numéro deux, si tu n’as pas l’intention de le tuer, pose ton pétard, car contrairement à toi, je n’hésiterai pas à te tirer dessus !

Ça, je n’en doute pas un seul instant. Et comme je n’ai pas prévu de mourir aujourd’hui, même si cela paraît mal engagé, je n’ai pas vraiment le choix. Consciente du danger de me retrouver désarmée face à eux, je balance le revolver près du bac à douche, là où personne ne pourra le récupérer. C’est à cet instant que je découvre le quatrième bougre dans l’embrasure de la porte à me mater avec de grands yeux. Génial ! Les Dalton au grand complet !

Une fois debout, je comprends… À poils au milieu de cette salle de bain devant quatre malfrats vraisemblablement en manque de sexe, je suis vraiment mal barrée. Celui qui tient le pistolet fait un signe de tête aux deux autres qui se précipitent sur moi. Un de chaque côté, je me retrouve bloquée. Mon agresseur se relève difficilement.

Oh non ! Qu’ils ne me touchent pas ! Pitié, faites qu’ils ne me touchent pas ! Pétrifiée, ma respiration s’emballe. Mon cœur risque de me lâcher. Comment me sortir de là ?

— Que s’est-il passé ici ? jappe l’ordure armée.

Pleurnicheur, le gros dégueulasse qui me tripotait encore quelques minutes plus tôt commence sa complainte…

— Elle m’a appelé. Et quand je suis entré, elle s’est jetée sur moi.

Non, mais, quel acteur !

— C’est faux, me défends-je en sanglotant malgré moi, je n’ai jamais tenté de fuir…

L’autre, qui doit penser que son intelligence se cache dans son pétard, prend un air inspiré en clamant :

— Pourquoi notre pote nous mentirait ?

Ben devine ! Non, mais, il est con ou quoi, ce mec ?

— Vous n’avez pas une idée de ce qu’il faisait avec moi ?

Vu la tronche que les trois cerveaux démunis de neurones me tirent, je comprends que la réflexion leur est totalement inconnue.

— Sun-ny ! Sun-ny ! hurlé-je sans la moindre illusion, mais poussé par le désespoir.

Au lieu de les calmer, ma supplication semble les amuser. Connard numéro deux - celui qui tient l’arme - ricane. Puis il regarde furtivement dans le couloir avant de refermer la porte, nous cloitrant dans l’espace confiné embué. Je tiens à peine debout tant j’ai peur.

— Dis donc, Paul, il faudrait peut-être la punir pour ce qu’elle t’a fait, non ? Vas-y, finis ce que tu as commencé, on te couvre.

— Non ! Non ! Pitié ! les imploré-je en voyant Connard numéro un, qui s’appelle donc Paul, s’approcher de moi

Je voudrais m’évanouir, ne pas être consciente quand ils vont me violenter.

— Sunny… chuchoté-je, larmoyante. Pourquoi ne reviens-tu pas ?

Le type est à nouveau contre moi. Sa paume s’écrase crûment sur mon épaule, puis descend le long de mon torse jusqu’à atteindre ma poitrine, tandis que les deux gars à mes côtés me verrouillent les bras. Je ne peux plus bouger. Cette fois, il va aller jusqu’au bout et rien ni personne ne l’arrêtera… Déjà, ses yeux insistants me salissent. Non… Je ne peux pas accepter. Il faut que je tente quelque chose, n’importe quoi. Désespérée, je hurle le prénom de Sunny sans interruption jusqu’à ce que la seconde main de Paul ne se pose sur ma bouche, étouffant mes cris. Démunie, une larme annonce ma fin prochaine, ma capitulation.

Dans peu de temps, je serais marquée à jamais par cette ordure. Résignée, je ferme les paupières, et attends, soumise, que la sanction de mes bourreaux soit mise à exécution.

Alors que je pensais être foutue, la porte vole soudain en éclat contre le mur. Surprise, j’ouvre de grands yeux et découvre Dave et Sunny débouler dans la pièce. Comme un fou, Sunny fonce tête baissée sur les trois hommes, bousculant au passage Connard numéro deux qui en perd son flingue.

— Lâchez-la ! hurle-t-il, hors de lui.

Un soupir de soulagement m’échappe. Mais ma joie est de courte durée. Je ne veux pas que Sunny me voie dans cet état de nudité où je me sens ridicule. Ce n’est pas le fait qu’il me découvre nue qui me gêne, mais les circonstances, ma faiblesse. Au comble de la honte, je fais deux pas en arrière, la main tendue dans sa direction pour lui interdire d’approcher. Dépité, il stoppe net, me fixant avec incompréhension.

Humiliée et ne trouvant aucune issue, à part la bonde de la douche si toutefois j’avais la chance d’être une goutte d’eau, je me laisse tomber à genoux sur le carrelage froid. Au sol, je tente de me cacher au maximum, plaquant mon torse contre mes genoux que j’encercle de mes deux bras. Sans bouger, je plonge ma tête dans cet étau de sûreté pour ne presque plus respirer.

— Meg… susurre Sunny entre pitié et surprise. Mais… Qu’est-ce qu’il s’est passé, ici ? crie-t-il à l’intention des quatre hommes lui faisant face, silencieux et blancs comme des morts.

Non… Sunny… Ne me regarde pas comme ça ! Sans s’attendrir, il se presse de retirer son blouson pour me le déposer sur le dos.

— Hey ! gronde Dave à l’assistance muette. Je crois que Sunny vous a posé une question ! Qu’est-ce qu’il se passe ici ? Et puis, qu’est-ce que vous foutez tous là, avec elle ? C’est pas possible, ça ! Je m’absente une heure et c’est le bordel !!!

Ma tête demeure toujours blottie dans son cocon protecteur.

— C’est l’otage, tente d’expliquer l’un d’eux d’une voix vacillante. Elle a voulu s’enfuir et a attaqué Paul.

Quelle ordure !

— Et pour s’enfuir, elle est montée dans la salle de bain pour se foutre à poil ? hurle un Dave en transe. Tu te fiches de ma gueule ? jappe-t-il dans un fracas laissant à supposer qu’il vient de repousser le gars violemment contre le mur.

Quand même ! Une part de moi jubile de voir le vent tourner. Mais de l’autre, je me sens toujours aussi minable.

— Raconte-moi, toi. Hey… Meg… Regarde-moi. S’il te plaît… me prie Sunny après s’être accroupi à mes côtés, une main me pressant contre lui et l’autre me caressant les cheveux.

Oh, Sunny… Il a fallu que je frise la catastrophe pour que je m’autorise à le laisser m’approcher. Comme je me l’imaginais, je me sens bien contre lui. En sécurité. Hésitante, je relève des yeux humides vers lui. Il est si beau. Ses traits sont si doux lorsqu’il me regarde ainsi. Pourtant, je ressens toute la colère qui l’anime. J’aimerais tant tout lui expliquer, mais je suis dans l’incapacité de parler. Il attend, s’impatiente, veut savoir. Alors, je sors mon index de sa veste pour désigner Paul qui se cache presque derrière les trois autres.

— C’est lui… murmuré-je d’une voix incertaine au creux de son oreille.

Aussitôt, je sens les quelques mèches échappées de sa queue de cheval me chatouiller la joue lorsqu’il se redresse, furibond, plantant des yeux d’une noirceur sans égale dans mon regard perturbé.

— Qu’est-ce qu’il t’a fait ? m’intime-t-il sans pour autant cesser le contact de sa main bienveillante sur mes cheveux.

Il m’intimide… Puis j’ai honte d’être dans une telle posture…

— Il m’a…

— Touchée ? termine Sunny, pressant, une lueur de haine dans les yeux.

Et alors qu’il fulmine à cette seule hypothèse, je sens le débordement poindre lorsque je fais un oui timide de la tête.

— Sunny… Tu me crois, hein ? réussis-je à lui demander, suppliante. Je te jure que je n’ai pas essayé de me sauver ! Il… Il est entré dans la salle de bain alors que je prenais ma douche. Et puis… Il m’a arraché ma serviette et a posé ses mains sur moi… bredouillé-je prête à fondre en larmes. Mais quand je me suis défendue et que j’ai eu le dessus, il a hurlé pour que les autres viennent l’aider.

Un grognement bestial retentit quand Sunny se relève brusquement.

— Paul ! gronde-t-il en se précipitant dans sa direction pour lui mettre son poing en pleine figure. Comment as-tu osé ? Je t’avais dit de ne pas l’approcher !

— Sunny, essaie de se justifier Paul, le nez probablement cassé par l’impact, j… J’te jure, elle ment… C’te nana, depuis le début elle te mène par le…

Un deuxième coup résonne de nouveau, stoppant net ses pitoyables explications.

— Sunny, intervint Dave qui le retient en s’interposant, calme-toi…

Il y a un moment de flottement, où un silence lourd s’installe dans l’espace. Un instant où tous sont suspendus aux lèvres de ma gueule d’amour.

— Sortez ! crache-t-il, comme fou. Sortez tous ! Vous me faites honte !

Sans piper mot, ils quittent la pièce. Soucieux, Sunny vient à nouveau s’asseoir à mes côtés, l’air grave et les sourcils froncés. Instinctivement, ses bras m’enveloppent. Aussitôt, ma bulle de bien-être se reforme. Oh, Sunny… Dave, lui, n’a pas bougé. Médusé, il nous observe. S’apercevant de sa présence, Sunny se redresse d’un bond, lui lance un regard assassin.

— Toi aussi, Dave, barre-toi !

— Sunny… Déconne pas… tente son ami.

— C’est de ta faute, tout ça ! l’assène-t-il sans aucune compassion. Si tu ne t’étais pas mêlé de ce qui ne te regardait pas, ça ne serait jamais arrivé !

— Sunny… insiste l’autre

— Dégage !

Son cri me fait sursauter. Dave, raisonnable, obtempère, nous laissant seuls.