Prologue
Prologue
Pourquoi faisait-il si noir ? Où était-il ? Tous ses sens étaient comme engourdis, voir même paralysés. Il ne se souvenait de rien, pas même de qui il était ni de ce qu’il faisait là. Mais c’était où ce « là » ? Il ne savait pas, il ne voyait pas. A peine avait-il conscience des formes qui bougeaient autour de lui. De loin lui parvenait un faible écho qu’il ne parvenait pas à discerner. Il se sentait fatigué, il était faible. Il avait la sensation que quelqu’un, ou quelque chose, le touchait, comme une légère pression sur ventre, non, plutôt sur son torse. Était-il mort ? Pourtant les morts ne devaient rien sentir. Mais il ne se sentait pas non plus comme un vivant aurait dû se sentir. Était-il sur le point de mourir ? Il ne savait pas, il ne savait rien. Mais il avait besoin de comprendre, il ne pouvait pas être « là » sans raison et puisqu’il était incapable d’ouvrir les yeux, en admettant qu’il en possédait, il fit un terrible effort pour se concentrer sur les faibles sons qui lui parvenaient. L’écho devint alors un tout petit peu plus audible, un tout petit peu plus intelligible.
-Je vous en prie, suppliait une voix douce mais désespérée, je vous en prie, il n’y a que vous qui puissiez faire quelque chose !
« Faire quelque chose », voilà qui était bien vague, au moins aussi vague que son esprit qui menaçait de se perdre dans les limbes à tout moment et qui ne parvenait pas à comprendre la réponse à cette supplication.
-Regardez, il bouge encore ! reprit la voix désespérée, je vous en supplie, il n’est pas trop tard ! Vous pouvez le sauver !
Le sauver ? Ainsi donc il avait réellement besoin d’être sauvé, mais sauvé de quoi au juste ? De la mort ?
-Je suis désolée, répondit une autre voix, je ne peux rien faire.
Cette deuxième voix était douce comme la première, mais teinté d’un autre sentiment, celui d’une peur sourde, d’une terreur profondément enfouie qui aurait été sur le point d’être révélée au grand jour.
-Vous ne pouvez pas le laisser comme ça ! Même lui est d’accord !
« Lui » ? Qui ça « lui » ? Et comme pour répondre à ce nouveau mystère, une nouvelle voix, plus grave que les deux autres, lui parvint.
-Il faut faire quelque chose Nidasiel…
-Il en est hors de question Andalexand, il m’est interdit d’intervenir, tu le sais bien ! Si je faisais quoi que ce soit, tous les autres…
-Ils ne le sauront pas, coupa la voix grave. Je t’en donne ma parole.
Il sentit alors quelqu’un bouger autour de lui. Il avait la sensation que quelqu’un se penchait juste au-dessus de son corps. Il essaya à nouveau d’ouvrir les yeux, mais il en était toujours incapable. Mais il avait l’impression que son état s’améliorait, ne serait-ce qu’un peu, car il distinguait davantage de sensations désormais. Au niveau de la tête surtout, il sentait comme un doux courant d’air le long de sa joue droite.
-Il perd toute son amonite ! lança la voix désespérée. A ce rythme, il sera mort dans dix minutes !
Il sentit des mains se poser délicatement sur le haut de son crâne et le saisir afin de lui faire tourner la tête des deux côtés.
-Il ne faut pas qu’il meure, reprit la voix grave.
-Et moi, je te dis que je n’ai pas le droit d’intervenir, c’est à Velniin d’en décider, c’est lui qui s’occupe de lui ce cycle-là.
Velniin ? S’occuper de lui ? Ce cycle-là ? Il ne comprenait rien.
-Tu sais comme moi quel genre de personne est Velniin, rétorqua la voix grave, il le déteste et souhaite absolument qu’il meure, mais s’il apprend que tu avais l’occasion de le sauver et que tu n’as rien fait, il t’en fera porter la responsabilité auprès du chef.
-Et si je le sauve, il me le fera payer très cher… Pourquoi n’êtes vous pas allés voir le chef directement ? Il aurait pu prendre cette décision à ma place !
-On ne peut pas, il trouverait étrange qu’elle soit là aussi. Et je ne pouvais pas le porter seul. Et tu sais très bien que trouver le chef n’est pas facile, il aurait pu mourir avant que l’on y parvienne.
Ainsi donc il n’avait pas toujours été ici mais il avait été transporté, déplacé. Mais où était-il ? Et qui était ce « chef » ?
-Alors ? Que décides-tu ?
-Non, je ne ferais rien, trancha la deuxième voix.
Il entendit alors la première voix étouffer un sanglot, une nouvelle pression sur son torse, plus forte cette fois-ci puis un brusque mouvement juste à côté de lui.
-Tu as peur de tes semblables pour ce qu’ils pourraient te faire, dit-elle d’une voix menaçante, mais s’il meurt parce que tu ne fais rien, sache que je peux te tuer aussi !
Il entendit alors simultanément un boum sonore juste à ses côtés, un cri apeuré de la deuxième voix, des mouvements précipités et les protestations de la voix grave !
-Holà, holà ! Allons ma petite Coria, range ça ! Si on te découvrait ici, tu serais en danger de mort, mais si tu tuais l’une des notre, ton sort serait bien pire…
-Je m’en fiche ! gronda la voix désespérée, il est hors de question que je vive si lui doit mourir.
Il fut très surpris que quelqu’un puisse se soucier de lui à ce point. Il ne se souvenait pas avoir été aussi important pour n’importe qui. En même temps, il ne se souvenait de rien… Mais tout aussi perdu qu’il était, il en ressentit une très forte émotion et il sentit une larme couler le long de son visage.
-Bon, reprit la voix grave, tout va bien se passer, fais-moi confiance. Fais-moi plaisir, range ça ! Et toi Nidasiel, je sais comment te faire changer d’avis, si tu veux bien venir voir…
-Hors de question ! répondit-elle, pas tant qu’elle n’aura pas rangé son…
-Et moi je ne le rangerais pas !
-BON SANG MAIS RANGE-LE ! Tonna la voix grave ! On va finir par tous se faire prendre !
-Pas moi en tout cas !
Il entendit une porte s’ouvrir et la personne qui se tenait à côté de lui réagir aussitôt. Il n’aurait su dire ce qu’il se passait, mais quelque chose de très rapide venait de foncer à travers la pièce et un grand claquement sonore retentit, immédiatement suivi par des cris. Apparemment, la porte venait d’être refermée sans que la deuxième voix ne fût parvenue à s’enfuir.
-DU CALME ! cria de nouveau la voix grave, vous voulez que tout le monde nous entende ou quoi. TAISEZ-VOUS ! lança-t-il lorsque les deux autres commençaient à protester.
Le silence suivit, apparemment, la voix grave se déplaçait dans la pièce. Il l’entendit relever la dénommée Nidasiel, tout en répétant, de manière discrète cette fois aux deux autres de se taire. Une minute plus tard il reprit.
-Bon on dirait que personne ne nous a entendu. Nidasiel veux-tu bien me faire confiance ? Si ce que j’ai à te montrer ne te fais pas changer d’avis, tu seras libre de partir et nous ne te demanderons plus rien. Es-tu d’accord ?
-Il semblerait que je n’ai pas le choix, répondit-elle d’un ton accusateur.
-Il semblerait en effet, je n’ai pas l’impression que ma petite Coria abandonnera avant d’avoir tout tenté. Mais je te promets que tu pourras partir librement si tu le souhaite, une fois que j’aurais terminé. Maintenant viens avec moi, s’il te plait.
-Fais vite Andalexand ! supplia la première voix qui n’avait plus rien de menaçante, son amonite s’évapore toujours !
Il constata avec soulagement qu’il n’était pas aveugle finalement, car l’obscurité dans laquelle il baignait vira au marron. C’était comme s’il avait été exposé à une forte lumière mais qu’un bandeau lui cachait les yeux et qu’un peu de lumière lui parvenait malgré tout. Mais il ne sentait aucun tissu sur son visage, peut-être était-il tout simplement incapable d’ouvrir les paupières ?
L’obscurité revint après quelques secondes et la deuxième voix poussa une exclamation.
-Qu’est-ce que … ? Ne me dis pas que… ? C’est lui ?
Les autres ne répondirent pas, alors qu’il se sentait faiblir de nouveau. La sensation de courant d’air sur sa joue s’estompait peu à peu, et les dernières paroles de Nidasiel lui étaient apparues plus distantes. Si elle ne se décidait pas rapidement…
-Après tout ce temps ? Pourquoi ne m’as-tu rien dit Andalexand ? Pourquoi m’as-tu trahie ?
-Comme toi, je suis soumis à des promesses et des obligations, répondit-il, mais tu vois, je suis capable de passer outre quand il le faut. Tout ce que je te demande maintenant, c’est d’en faire de même. Je pense que tu ne peux décemment pas refuser maintenant, je suis au moins autant en danger que toi, et après tout, tu lui es redevable non ?
Elle semblait changer d’avis, mais il craignait que tout ceci arrive trop tard : à nouveau il ne sentait plus rien, et n’entendait presque plus rien. Il assistait, impuissant, aux dernières paroles qu’il n’entendrait jamais.
-Les autres n’en sauront vraiment rien ? Tu me le promets Andalexand ?
-Tu as ma parole.
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