Chapitre 10-1 : Ai no toki(le temps de l'amour)

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Ji Sub

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 Mes lèvres sèches remuent maladroitement et s’accrochent l’une à l’autre. Je passe ma langue entre elles pour tenter de les humidifier, mais son côté pâteux n’arrange pas mes affaires. Ma gorge se serre douloureusement. Les yeux encore embués de sommeil, je tente d’attraper ma gourde à tâtons mais la loupe de peu. Mes doigts la frôlent et je la sens perdre l’équilibre jusqu’à ce qu’elle tombe et roule dans un fracas métallique. Je sursaute et émets un grognement plaintif en passant ma main dans mes cheveux ébouriffés. Je me frotte les paupières et étire vainement mon corps pour tenter de rattraper l’objet cylindrique dans sa course folle, qui doit probablement réveiller tout l’immeuble. Nous sommes loin de la routine du matin idéale que les filles filmaient pour leurs réseaux sociaux quand j’habitais encore à Séoul. J’ignore si ce format est toujours à la mode. Il faut dire que je ne suis plus retourné dans ma ville natale depuis un bail.

 J’ai beau me tendre comme un élastique prêt à être lancé, afin d’éviter de me lever du lit, je remarque bien rapidement que l’économie du moindre effort ne paye pas. Je pousse un juron en levant mon corps endolori. Décidément, je n’ai plus vingt ans comme dirait M. Martins. De plus, mon meilleur ami est un vieillard de quatre-vingts ans…Je peux presque voir la vieillesse me faire coucou tout en se moquant de moi. Après ce triste constat, je cours derrière mon eau. Quelques secondes, qui me paraissent bien trop longues, se sont écoulées lorsque je coince enfin l’OEFI, soit « l’Objet En Fugue Identifié » contre une plinthe et me baisse pour le ramasser. En me relevant, je croise mon propre regard et me décompose.

 Je n’aurais jamais dû installer un miroir dans mon si petit studio. Sisi n’a pas arrêté de me convaincre que ce serait une bonne idée pour, je la cite : « arrêter de s’habiller comme un sac à patates et que sa fille ne finisse par attraper le mauvais goût de son père ». Mais je ne suis pas ravi de cette décision, car la surface réfléchissante me renvoie une image peu glorieuse de moi-même. Je détourne la tête aussi sec, ne pouvant supporter ce défi une seconde de plus. Je m’impose ensuite une autre torture : je colle le goulot en fer contre ma bouche, jette la tête en arrière et ferme la barrière de mes yeux pour laisser mon imagination vagabonder et transformer ce liquide froid dégueulasse au goût ferreux en alcool chaud et sucré. Je déglutis avec difficulté lorsqu’une sonnerie, que je ne reconnais que trop bien et qui m’agace, retentit dans la pièce. Le son étouffé m’indique que l’appareil doit se trouver sous une pile de vêtements. Je me dirige vers le premier tas que je vois et le soulève : rien. J’en fais de même avec un autre monticule : rien non plus.

 J’ai dû énerver la divinité liée aux objets, s’il en existe une, car, après ma bouteille d’eau, c’est mon téléphone qui me fait la misère. Ce dernier décide de se taire pour corser davantage le jeu. Je panique. Lorsque Sisi appelle, on se doit de tout lâcher et de décrocher dans la seconde. Or, je viens de rater son appel à cause de mon bordel : un autre aspect que mon ex déteste chez moi et préférerait que je ne transmette pas à notre unique enfant.

 Le quatrième et dernier monticule s’avérait en fait le bon ! Je me suis dirigé du mauvais côté de la pièce bien trop petite. L’écho y circule comme un ruisseau de montagnes joue entre deux vallées. Je recompose le numéro de Sisi et m’attend à recevoir une phrase assassine.

— Allô, Ji Sub ? la voix presque trop douce de mon ex-femme m’inquiète davantage que ses sermons habituels. Ce n’est pas normal…

— Sisi, tout va bien ? Un problème avec Ji Soo ?

— Non, rien de grave. Il se passe quelque chose en ce moment mais je sais pas si t’as envie de le savoir…

— Là tu en as trop et pas assez dit…Ce sont les gars qui se plaignent encore du fait que je ne passe pas assez de temps au garage ? Je sais que mon penchant pour certaines boissons a pu me faire rater quelques malheureuses sessions mais c’est moi qui ai le plus travaillé sur le…

— Ji Sub, Mina est au Rokumeikan en ce moment-même, lâche-t-elle d’une traite pour interrompre mes spéculations excessives.

Je laisse un silence pesant s’installer entre nous.

— Et ? Pourquoi tu me le dis ? Ça me fait ni chaud ni froid.

— T’en es sûr ? Non parce que, depuis qu’elle est sortie brutalement de nos vies, je vois bien qu’elle te manque, révèle-t-elle en enrobant ses paroles d’une douceur presque nouvelle envers moi.

— Ah oui ? Tu es devin maintenant ? me moqué-je. Le ton acide de ma voix me surprend moi-même et me fait honte.

— Ji Sub…nous avons été amants, mari et femme, et nous sommes toujours amis et parents. Je te connais par cœur. Si sa présence au bar, surtout avec un autre gars, te laisse indifférent alors soit. Mais, au moins, si ce n’est pas le cas, ça aura eu le mérite d’être dit, m’informe-t-elle en ignorant mon précédent sarcasme.

— Merci beaucoup, Sisi. Je passerai peut-être, me contenté-je de dire.

 Après avoir enfilé un jean et un marcel à la hâte, je fourre une sucette dans ma bouche, me saisis de ma bouteille, cale le bouchon entre mes doigts, et file en direction du garage. Je sens la nervosité gagner ma cuisse gauche, avant de se répandre dans la jambe droite. Bientôt, ce sont mes bras qui imitent maladroitement l’effet d’un balancier dans l’air, comme si j’apprenais tout juste à marcher. Je joue avec la bouteille afin de me libérer la tête d’un nuage bien trop encombrant que je ne comprends même pas. Aujourd’hui, je me sens enfin apte à continuer à bosser sur mon bébé au garage. Mes collègues peuvent bien dire ce qu’ils veulent, c’était mon idée, mes croquis et mon œuvre. Je ne laisserai pas une attirance foireuse pour une gamine me détourner de cet objectif. Si je ne vais pas bosser au garage ce matin, il n’y a que deux options qui s’offrent à moi : soit les mécanos reprennent mon boulot, soit nous ne serons pas prêts à temps. Dans un cas comme dans l’autre, ça m’énerve.

 Les bruits des plateaux élévateurs, de diverses clefs en métal de toutes sortes, de carrosseries ainsi que de moteurs m’accueillent comme des animaux fidèles sauteraient sur leur maître à peine rentré à la maison. Je souris et ferme un instant les yeux avant de me diriger vers l’arrière-boutique. Si je me concentre sur autre chose, et d’autant plus sur une activité aussi importante et agréable que celle-ci, je devrais parvenir à sortir Mina de mon esprit.

— Tiens, mais c’est ce bon vieux Ji Sub, se moque Antonio, un Réfugié mexicain.

— Comment ça va ? On t’a pas vu depuis un bail ! T’as cru que c’était le bon moment pour prendre des vacances ?

Au ton de Maya, je devine que le fait de savoir comment je vais ne l’intéresse pas vraiment, bien qu’elle me l’ait demandé. La tension qui l’habite emplit l’air autour d’elle. Elle déteste lorsque le travail est bâclé.

— Tu as raison. Je suis vraiment désolé tu sais, je ne voulais pas vous abandonner comme ça... Je…j’ai déconné, je le sais. Mais je fais des efforts, ces derniers temps.

— Les efforts, ça suffit pas Ji Sub. Le grand jour, c’est pour bientôt. On a pas le droit à l’erreur. C’est toi qui avais eu cette idée ! T’as pas le droit de nous lâcher.

— Exactement. Tout comme cette machine est mon bébé.

— Tu considères qu’on est quoi exactement ? Ta main d’œuvre gratuite ?

— Pardonne-moi si je me suis mal exprimé… J’avais un problème.

— On a tous nos problèmes, mais on est là. Présents au garage quand un client débarque. Présents quand il faut faire des heures supp’ pour concrétiser tes plans, au propre comme au figuré. Gâche pas tout, c’est tout ce que je te demande.

— D’acc, je te le promets.

Un mono rictus étire la moitié de son visage. Je ne connais pas Maya depuis très longtemps. J’ignore donc la signification derrière ce léger sourire. Elle rejette sa lourde tresse noire, qui reposait sur l’une de ses épaules, en arrière. Elle avance vers moi, la poitrine bombée et les bras croisés sur celle-ci. Ceux qui affirment que les femmes sont de petites choses fragiles n’ont clairement jamais fait la rencontre de Maya.

— Ton ex est passée tout à l’heure. Elle voulait te prévenir de la présence d’une certaine Mina au Rokumeikan. C’est la meuf avec laquelle je vous ai souvent vus ? Elle est très belle…Me dis pas que c’était qu’une amie, je te croirais pas.

— Ça ne te regarde pas.

— À partir du moment où ça affecte ton travail si, ça me regarde.

— Écoute, je buvais beaucoup. Et ce avant même de la rencontrer. C’est ça qui m’a fait louper des jours de boulot. Mon sevrage aussi.

— Je dis pas le contraire, Ji Sub. Mais même quand t’es présent, t’es ailleurs…

— Ah bon ?

 Elle me flanque une clef à mollette contre le torse que je rattrape de justesse. Ses yeux brillent d’une lueur que je ne lui avais encore jamais vue : on dirait de la bienveillance.

— Mon père me disait toujours : « Ma p’tite, quand le cœur fait mal, trouve-toi un projet. Il faut que ce soit quelque chose que tu aimes. Ensuite, il faut que tu y insuffles toute ton âme. Mettre son cœur à l’ouvrage permet de l’alléger. ». Ne fais qu’un avec la machine que tu as créée, comme tu sais si bien le faire. Elle te guidera.

— Merci Mufasa.

— Quoi ?

— Tu ne connais pas le Roi Lion ?

— C’est quoi ce truc ?

— C’est vieux…Très vieux…

— Comme toi, ricane-t-elle.

— Eh oh, c’est un dessin animé qui date des années 1990…

— C’est bien ce que je disais…

— T’insinues quoi là, hein ?

— J’insinue rien. Je le dis clairement, haut et fort : t’es plus tout jeune…Mais t’es plutôt bien conservé…

 Micha, qui n’a visiblement rien écouté, ce qui ne m’étonne pas de lui, sort deux bières du mini frigo et m’en propose une. Je secoue la tête :

— Je ne bois plus maintenant. Mais merci quand même, mec !

— Ah ? Mais une bière, c’est léger ?

— Toi tu ne sais pas comment fonctionne une désintoxe, hein ?

— Une quoi ?

— Laisse tomber…

 J’attrape la toile cirée qui recouvre le sol entier de la pièce aménagée au sous-sol. Elle prend tout l’espace. La rébellion laisse la place à une autre émotion qui se diffuse dans mon organisme et me motive. Une image flotte dans ma tête : l’expression heureuse qu’afficherait Mina si je l’emmenais faire un tour à bord de cette merveille. Le désir que cette idée devienne concrète me consume de l’intérieur. Animé par cette envie pressante, je plonge la tête la première dans la modification de ma déesse de laiton et de cuivre. J’ai trouvé son squelette quelque part en Angleterre. La rapporter ne fut pas une chose aisée mais, plus j’y pense et plus je suis fier et heureux de l’avoir fait.

 Un gargouillis me déchire l’estomac. Son grondement tonne dans la pièce comme si elle avait été frappée par la foudre. J’ai ignoré la faim qui creusait des tunnels dans mon bide, mais la force de ce grognement me stoppe net dans mon élan. Devrais-je m’obliger à rester, à travailler le ventre vide pour acquérir un peu de discipline ou devrais-je faire une pause avant de risquer de me couper un doigt ? Je regarde autour de moi. Sans le bruit de mes outils, le silence s’installe instantanément.

— Sympa, ils auraient pu me prévenir qu’ils partaient en pause déj…Enfin, c’est pas comme si on était amis après tout, grommelé-je pour moi-même.

 Je me dirige vers les escaliers que je grimpe quatre à quatre et me retrouve bien vite aveuglé par la lumière cendrée d’un soleil à la fois froid et brûlant. Mon cœur tambourine dans ma poitrine. Je trouve ce simple fait étrange. Je ne manque quand même pas de cardio à ce point…L’air semble encore plus irrespirable que ce matin.

 Je regarde le thermomètre au mercure accroché à l’intérieur, à droite de la porte d’entrée : le liquide rouge contenu dans la mince réglette en verre menace de briser celle-ci. L’indicateur de pollution n’est pas non plus joli-joli. J’ouvre donc le placard à côté, où sont stockés les sacs à dos avec respirateurs intégrés et installe l’épais masque à oxygène sur ma bouche. Pour rendre le chemin jusqu’au Rokumeikan, bien que court, plus agréable, je plaque mon vieux casque contre mes oreilles afin d’y faire jouer de la musique depuis l’antiquité qui me sert de téléphone. J’envoie d’abord un message à Sisi à l’aide du micro que j’abaisse près de l’un de mes écouteurs :

« Sisi, j’arrive ! J’ai travaillé sur la chose dont on ne doit pas prononcer le nom…Sans alcool dans le sang ! Il faut fêter ça : je veux poulet frit, s’il te plaît…Bien chaud ! Merci bien. »

 Lorsque j’arrive au Rokumeikan, mon regard est immédiatement attiré par la table que nous occupions, il n’y a encore pas si longtemps, tous les trois. Le fait d’y voir Mina me surprend. Je croyais qu’elle serait déjà rentrée…ou retournée au poste de police, en patrouille ou que sais-je, faire des trucs de flic ou de lady quoi…Mais non, elle est bel et bien là…

— Alors, tu aurais préféré qu’elle soit encore là, même avec un mec, ou qu’elle soit déjà partie ? siffle une voix taquine dans mes oreilles.

— Sisi, arrête d’apparaître ainsi dans mon dos ! Allons bon, tu vas vraiment finir par me provoquer un arrêt cardiaque !

— Pfff, ce que tu peux être mélodramatique…Et tu traînes trop avec M. Martins…

— Pourquoi tu dis ça ?

— « Allons bon… » pouffe-t-elle.

— Haha, t’es désopilante toi, tu sais ça ?

— Alors, quelle est ta réponse ? insiste-t-elle une fois qu’elle a fini de se bidonner.

— J’en sais rien, lâche-moi un peu, tu veux ? Et où est mon poulet frit ?

— J’en sais rien non plus, je suis pas ta bonniche. Tu sais bien qu’on prend pas les commandes par téléphone. Ça vaut aussi pour toi. Assieds-toi et demande ce que tu veux manger et boire directement à table !

— Oui Chef !

 Elle soupire sans relever en tournant les talons et s’éloigne. Tandis que Sisi évolue telle une sylphide dans la salle, déjà plongée dans la pénombre en pleine après-midi, mon corps refuse d’avancer. Ce lieu est ma deuxième maison et, pourtant, je suis complètement perdu. Je ne trouve plus mes repères. Où m’installer ? Je pose à nouveau mes yeux sur la fameuse table habituelle et mon cœur semble rater un bond. Je remarque que Mina, initialement assise dos à la porte d’entrée, a pivoté le buste dans ma direction. Elle me fait à présent face, malgré la distance qui nous sépare encore. Les lasers multicolores jouent dans ses iris à la fois noires et brillantes comme deux opales. Il est trop tard pour reculer. J’avance donc vers elle, mais mes jambes pèsent une tonne. Comme l’aurait apparemment fait le premier Homme à avoir marché sur la lune, je défie les lois de la gravite tout en me disant : « Un petit pas pour l’Homme, un grand pas pour Ji Sub ! » et me retrouve bien vite près de mon…amie ? J’ignore ce que nous sommes, je ne l’ai pas revue depuis plusieurs semaines et la voici qui débarque avec un homme shin-nihonnien dans notre repaire empli de Réfugiés. A quoi joue-t-elle ?

— Bonjour Ji Sub. Je te présente mon partenaire, le lieutenant Sasaki. Lieutenant, je vous présente Ji Sub. Un…ami.

— Un ami, rien que ça ? sourit le principal intéressé, visiblement amusé par cette hésitation que j’ai moi-même eue en me dirigeant vers eux quelques secondes plus tôt.

— Oui, je pense qu’on peut dire ça, n’est-ce-pas Ji Sub ? sa voix, presque enjouée, m’indique qu’elle trouve également la situation cocasse.

— Ji Sub…Ce prénom me dit quelque chose…Ah oui, je me rappelle l’avoir lu dans le rapport concernant votre altercation avec des supérieurs pour défendre une famille de Réfugiés. Vous êtes le père de la petite Ji Soo, non ?

 Le fait que nos noms, principalement celui de ma petite fille, figurent dans un rapport de police, même en dormance dans l’ordinateur d’un gras de papier, me donne des frissons. Je dois fournir un effort monumental pour ignorer ceux qui grimpent le long de mon échine.

— Tu…tu as fait un rapport sur nous Mina ?

— Non, bien sûr que non ! Ce sont ces fameux flics qui l’ont rédigé…Il se trouve aussi dans mon dossier professionnel figure-toi. Il me pénalise plus qu’il n’a d’impact sur vous, je te rassure.

— Et d’abord, qu’est-ce-que tu fais là ? Tu ne te mélanges plus aux Réfugiés depuis un bail. Tout à coup, nous n’étions plus assez bien pour toi, hein ? Et là tu reviens…Je n’y comprends plus rien.

— On est ici pour le boulot ! Sois plus discret, d’ailleurs. Nous sommes sous couverture. Un membre d’un gang à l’origine d’un grand trafic de drogues aurait été aperçus ici ce matin, m’informe-t-elle en baissant d’un ton.

— Tout le monde ici sait que tu es flic…

— Je n’en suis pas sûre, de toute façon nous n’avons pas le choix.

— Donc tu n’es pas revenue pour nous mais pour servir ton propre intérêt et continuer à voir en notre communauté des criminels…Tu n’as pas honte ?

— Dixit le mec qui s’est certainement servi de moi. Ai-je tort ?

— Non...Enfin si, notre amitié pour toi était plus que sincère. Tout comme mon…

— Comme ton… ?

— Je sais pas. J’en sais rien !

— Bon, visiblement vous avez besoin de parler, et notre homme n’est pas là. Mais continuez à ouvrir l’œil, agent Mori ! Quant à moi, je vais commander davantage de poulet frit au bar, les serveurs ont l’air sous l’eau. Je reviens. Ji Sub, vous pouvez finir le reste, j’ai cru comprendre que vous en raffoliez, prévient-il en montrant une corbeille de karaage entamée au centre de la table. Ce sera toujours ça.

 Je prends la place de Sasaki, encore chaude. Je tousse pour chasser ma gêne. Avoir le regard de biche de Mina sur moi ne m’aide pas à me détendre.

— Ainsi, tu voulais me parler ? s’enquiert-elle.

— Absolument pas. C’est ton « partenaire » qui a l’air de le penser.

— Car tu as laissé une phrase en suspens. Que voulais-tu dire ?

— Mais rien d’important. Qu’est-ce que ça peut bien faire ? On ne se voit plus, on ne s’adresse plus la parole, on ne s’écrit plus…

 Un silence embarrassant s’installe entre nous. Mina, plus douée que moi dans l’art de la conversation et dans le maniement des mots, finit par le briser en murmurant :

— J’attendais que tu m’écrives…

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