Chapitre 11-2 : Hana no toki (Le temps des fleurs)

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Mina

 J'entretiens une relation particulière avec l'adrénaline. Je la considère presque comme l'une de mes plus anciennes et fidèles amies. Je n’ai tissé que peu d’amitiés, et la plupart d’entre elles sont récentes, mais j'entends souvent dire que les amis qui se fréquentent depuis très longtemps en viennent à oublier la date de leur rencontre. J’ai beau connaître cette hormone depuis un sacré moment, je ne peux mettre le doigt sur les circonstances qui l'ont poussée à apparaître en moi. Était-ce la première fois où je me suis grimée avec l’aide de Sumire afin de sortir en cachette lorsque j'avais quatorze ou quinze ans ? Voire avant, quand j’ai découvert que je pouvais échapper à la surveillance des enseignantes de mon établissement pour filles et rejoindre un petit coin isolé de la cour de récréation, où je me cachais d’elles ainsi que des autres étudiantes ? Ou bien était-ce celle où je suis montée dans un manège à sensations fortes, bravant l’interdit, trompant le radar aiguisé de mon chaperon alors qu’il m’avait emmenée à une fête foraine tout en me sommant de rester près de lui ?

 Toujours est-il que l’adrénaline s’est rapidement imposée à moi. Très tôt, je croyais avoir compris son fonctionnement. Pourtant, elle a continué à me réserver bien des surprises par la suite. Lors de mon apprentissage à l’école de police, je la détectais avant même qu’elle ne se diffuse dans mes veines et souriais. Mais cela donnait, à mon adversaire lors des combats rapprochés, un indice bien trop évident sur le moment où je comptais lui fondre dessus. La chose m’a amenée à contenir mon sourire, à dompter mon excitation afin de mieux la laisser exploser ensuite. Je pouvais toujours compter sur elle.

 À tout bien réfléchir, elle m’a presque abandonnée les premiers mois qui ont suivi mon entrée dans les forces de l’ordre. Je m’y ennuyais. Mais, grâce à Sasaki, j'ai réussi à exprimer un peu plus pleinement ma créativité. Je vois mon métier comme un art. J’ai à nouveau pu revoir ma bonne camarade. J’ai eu cette chance pas plus tard que tout à l’heure. Après avoir filé la patate chaude à mon collègue et rejoint Ji Sub, l’adrénaline avait infusé mon sang. J’en étais sûre : elle l’avait imprégné. Elle redescendait, petit à petit, crescendo, plus lentement qu’elle n’était venue, mais me gratifiait encore de sa présence tandis que je la gratifiais à mon tour, silencieusement, pour son intervention sans laquelle je n’aurais peut-être pas eu la possibilité d’appréhender ce dangereux individu.

 En rejoignant Ji Sub, mon cœur s’est remis à accélérer. L’adrénaline ne semblait pas vouloir quitter mon corps. Je pouvais bien la tolérer quelques minutes de plus, le temps de reprendre mon souffle. Finalement, une forme de détente a fini par gagner un à un mes muscles. Mais, maintenant, mon palpitant n’a jamais aussi bien porté son nom. L’adrénaline m’affiche un nouveau visage. Ce dernier me terrorise autant qu’il me fascine. Je plonge mon regard dans celui de Ji Sub et m’étonne moi-même lorsque je pose une paume sur sa joue chaude.

— Tu as les mains froides, constate-t-il.

— Je sais, me contenté-je de répondre dans un souffle lui-même teint par un léger rire.

 Il se saisit de ma main mais n’en fait rien. Nous demeurons ainsi quelques instants. Il la garde dans la sienne en se redressant aisément, m’aidant ainsi à me relever.

— Tu n’aimais pas la tournure que la situation prenait ?

— Au contraire… Mais je sais également que tout ça est nouveau pour toi. D’ailleurs, ça va t’étonner mais ça l’est également pour moi… Nous sommes allés trop vite avec Sisi. J’aimerais prendre mon temps avec toi.

 Je ne sais que dire, à la fois touchée par sa considération, soulagée, et légèrement déçue.

— En plus, j’ai encore du boulot. J’ai promis à mes coéquipiers de carburer cette après-midi. Je leur ai juré de ne pas perdre mon temps !

— Ah, parce que le fait d’être avec moi est une perte de temps… Je note ! Je te laisse alors, je m’en voudrais de t’avoir freiné dans ton travail, rétorqué-je sur un ton acide en amorçant la montée de la volée d’escaliers devant nous.

— Merde, je m’exprime décidément très mal ! Attends, ce n’est pas ce que je voulais dire, bredouille-t-il en me prenant par le bras.

— Quoi ? Ce n’était pas une manière de me faire partir ?

— J’ai vraiment fait le con ces derniers temps, et pas qu’avec toi. Ce projet leur tient à cœur et je leur ai fait une promesse que je dois tenir. Et tu ne connais pas Maya… Je ne peux pas me permettre de la décevoir une fois de plus.

 Ladite Maya semble effrayante pour qu’un tel frisson lui parcourt l’échine. Ji Sub ne me paraît pourtant pas du genre peureux. Il me lâche un instant afin de s’entourer de ses bras. Le geste me provoque un petit rire qui, à son tour, lui arrache un sourire. Son but semble atteint et cela m’attendrit. Ma colère s’envole et j’en oublie presque la raison de la naissance de celle-ci. Je bouillonne parfois un peu trop rapidement, mais Ji Sub ne m’en tient pas rigueur et cela me fait du bien. L’apaisement se mêle alors à l’adrénaline encore toute chaude, comme un petit pain qui sortirait tout juste du four. Ji Sub a tendance à me faire vivre une palette d’émotions dont je ne soupçonnais même pas l’existence.

— D’accord, d’accord, … Je comprends, ne t’en fais pas. Je m’en voudrais si Maya te découpait en rondelles.

— Elle en est parfaitement capable. Merci pour ta sollicitude, s’étrangle-t-il en étouffant un sarcasme.

— Ne me remercie pas… Je n’agis que par pur égoïsme. Je veux être la seule fille à te couper en rondelles !

— Ah ! C’est rassurant…

 Nous éclatons de rire. D’un geste aux allures non préméditées, il m’attire contre lui. Je me crispe instantanément. Je ne suis pas censée faire ce genre de choses. Mais, le nez dans son marcel, l’odeur qui s’en échappe s’insinue dans mes narines et a pour effet de me calmer directement. Nous ne bougeons pas. Je souhaite rester dans ses bras encore un instant. La tête contre son torse, celle-ci bouge au rythme apaisant de sa respiration. Je ferme les yeux pendant plusieurs secondes, voire quelques minutes. Lorsqu’il fait un pas en arrière, se décollant ainsi de moi, je ne peux m’empêcher d’afficher une petite moue déçue qui étire mon visage.

— Je suis désolé de devoir écourter cet instant. En plus, certains risquent de débarquer d’une minute à l’autre, je ne sais même pas quand. Ce ne serait pas très agréable de se faire surprendre…

— Ne t’excuse pas, c’est moi qui suis désolée de m’être emportée à cause d’une telle futilité. Je dois retourner au poste de toute façon. Sasaki m’a laissé mon après-midi, mais je pense qu’il serait judicieux que je m’y montre et fasse un peu de zèle. Avec un peu de chance, Sasaki n’a peut-être pas fini d’interroger l’espèce de brute et j’aimerais bien étudier sa méthode d’interrogatoire.

— Qui sait ? Il aura peut-être même besoin de toi !

— D’une novice ? J’en doute ! J’imagine aussi que les inspecteurs sont certainement déjà sur le coup mais je vais tenter ma chance.

— Mina…

 Je m’arrête sur la première marche que j’avais commencé à gravir. Il fourre quelque chose dans ma main qui bruisse entre mes doigts.

— Rendez-vous à cette adresse ce soir ! Je suis désolé, ce n’est ni à Arakawa ni à Shinjuku. J’espère que ce ne sera pas trop loin pour toi et que tu pourras venir…

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 Je fais tourner la chaise de mon bureau sur elle-même en prenant un bref appui sur le parquet du poste avec mes orteils. Assise dans mon coin, je lis encore et encore le petit morceau de papier donné par Ji Sub quelques heures plus tôt, comme si de nouveaux mots allaient apparaître sur celui-ci si je le fixais à m’en arracher la rétine.

— Koto-ku, Koto-ku, répété-je dans un chuchotement, en faisant claquer chaque « k » du nom de l’arrondissement aux kanjis qui dansent devant mes yeux.

 Face à l’inconnu, je tente de me raccrocher à quelque chose, à rendre matériel l’immatériel afin de me rassurer. Je peux aisément situer l’arrondissement de Koto sur une carte, tout comme je connais son nom, puisqu’il s’agit tout de même de la ville qui m’a vue naître et grandir. Mon métier actuel ne m’aurait de toute façon pas permis la moindre lacune sur la capitale. Déjà en secondaire, je fus forcée à apprendre les appellations de chaque arrondissement qui la constituait. Par la suite, à l’Académie, il nous a été rabâché que l’Empire de Shin-Nihon se comparait à un corps dont Shinedo était en fait le cœur qui battait en son sein. Il fallait en étudier la moindre artère, la plus petite veine cartographiée, afin de pouvoir prétendre à sa protection. Malgré tout, je n’y ai jamais mis les pieds. Je prends un instant pour laisser mes doigts marteler l’un des claviers du poste. Ce dernier est loin de posséder l’équipement dernier cri dont dispose pourtant certaines bureaucraties. Je vérifie néanmoins la distance à parcourir depuis mon lieu de travail ou mon domicile jusqu’à celui du rencard. En effet, je ne me suis jamais rendue si loin toute seule. Je tapote la coquille qui pend entre mes deux clavicules et articule d’une voix basse :

— Appelle Sumire.

 Pour la première fois en plus de dix ans de service et d’amitié, plusieurs bips s’enchaînent, me laissant comprendre que ma dame de compagnie demeure injoignable. Elle n’a pourtant jamais rien fait pour elle-même et je ne lui ai donné aucun ordre, aucun désir à assouvir, depuis un bail. Hier encore, son absence dénotait avec la lumière rougeoyante du crépuscule filtrée par le papier de riz de l’amado de ma chambre à coucher. Je me suis écroulée de fatigue sur mon futon et, dans un demi-réveil, j’ai cru apercevoir sa silhouette sur son petit canapé habituel, dans un coin de la pièce. Mais, le matin venu, je me trouvais incapable de dire s’il s’était agi d’une hallucination ou si Sumire était revenue pour mieux repartir quelque part. Mes parents n’ont pas répondu présents face à mon inquiétude. Ils ne l’ont écoutée que d’une oreille en me répondant à l’aide d’onomatopées ou de syllabes étouffées, fidèles à eux-mêmes.

 Je reviens rapidement à mon rendez-vous galant du soir. Sans l’aide de Sumire, il me sera impossible de revenir à la maison et de m’en extirper sans être vue. Elle ne m’aidera pas non plus à me changer rapidement. Mon cerveau carbure et prend une décision aussi rapide que radicale. Je me rends à mon casier pour y dénicher une robe simple noire, à la coupe droite mais confortable, et aux bretelles fines. Pour ne pas laisser apparaître mes bras, je mets une chemise en-dessous. J’enfile ensuite une paire de collants et des derbies compensées. Cette tenue n’a rien de shin-nihonnien, et ne colle pas non plus complètement aux codes des Réfugiés, mais je m’en moque. J’ai trouvé ces différentes pièces chez Marie il y a quelques semaines et je les trouve très confortables. Après quoi, j’enroule mes cheveux autour d’un simple élastique. Quelques mèches rebelles en sortent. Tant pis. Je consulte l’heure et me dépêche de filer.

 Le vent s’engouffre dans mes vêtements. Si j’avais su qu’il allait faire aussi froid, j’aurais au moins mis un cardigan par-dessus mes fins atours. Le vent agit comme un fouet contre mes oreilles et les pénètre presque, menaçant ainsi de les casser en mille morceaux sur la berge. Je tente de me réchauffer en me serrant à l’aide de mes propres bras. Je n’ai jamais flâné le long de la baie de Shinedo, et je n’ai point l’habitude de l’air du grand large, il est vrai. Néanmoins, j’ai tout même accompagné mes parents en voyage d’affaires, même s’ils préféraient souvent partir sans moi. J’ai déjà expérimenté les promenades en bateau, ou au moins le long de la mer. Je n’ai jamais ignoré l’aspect houleux, voire capricieux, du climat maritime ou côtier. Cependant, je croyais que Shinedo pouvait se comparer à une pomme lisse sans saveurs. Je pensais que seul le quartier d’Arakawa le relevait quelque peu, le rendait en quelque sorte un peu plus salé, voire relevé. Petit à petit, je m’aperçois que l’arrondissement de Shinjuku, aussi grand soit-il, ne reflète qu’une infime partie de la capitale. Soit le Dôme ne couvre pas entièrement cette zone, soit il s’agit d’une décision qui m’échappe de la part du gouvernement ou de l’équipe de mon père. Vu les rapports que j’entretiens avec ce dernier, je ne le saurai sans doute jamais. Et, si je devais finalement obtenir cette information, elle aurait plus de chances de me parvenir de la part de l’Empereur que de celle de mon géniteur.

— Désolé de t’avoir fait attendre ! Alors, ça souffle hein !

 Je sursaute et me retourne vivement. Mon cerveau peine à analyser et à reconnaître la voix qu’il vient de percevoir. Dans le doute, il préfère penser qu’il s’agit d’un potentiel danger. Avec de telles bourrasques, personne ne m’entendrait crier. De plus, je n’ai vu personne d’autres sur la berge et seuls quelques lampadaires m’offrent une timide luminosité. Les quelques points qui ponctuent le reste du port scintillent à la manière de lointaines lucioles. Elles sont magnifiques, mais ne m’aideraient en rien si je venais à être agressée. Au moment où j’allais amorcer ma plus belle prise de combat au corps à corps, la terreur laisse place à la surprise. Je hurle presque :

— Tu as complètement perdu la tête, ma parole ! J’ai failli te faire très mal… Je t’ai pourtant dit et répété au moins une centaine de fois qu’il fallait éviter d’apparaître comme ça dans mon dos !

— Tu es très jolie, souligne Ji Sub dans un sourire après avoir réprimé un rire.

— Ne change pas de sujet, j’étais sur le point de faire une crise cardiaque !

— N’exagère pas… Et puis, au moins, j’aurais pu être là pour te secourir.

— C’est ça… Tes baisers sont sûrement très convenables, à ne point en douter, mais ils n’auraient jamais pu faire repartir mon cœur.

 Une lueur taquine traverse ses yeux noirs. Grâce à elle, je peux les distinguer de l’obscurité ambiante. Il se rapproche de moi et le bout de ses doigts jouent avec les miens.

— Ah ouais ? On parie ?

 Prise à mon propre piège, je détourne la tête. Le feu me monte aux joues et me signale qu’il sera bientôt visible même sous un mauvais éclairage. Je suis à peu près sûre que cette simple pensée a pour effet de m’empourprer davantage.

— Bon, je suis vraiment gelée… Que voulais-tu me montrer ? balbutié-je. Je hoquète presque d’étonnement lorsque du cuir aussi chaud que lourd se pose sur mes épaules.

— L’endroit où je compte t’emmener n’est pas très bien chauffé non plus mais, avec ça, ça devrait déjà aller mieux.

— Mais, et toi ? Tu vas attraper la crève sans ta veste ! objecté-je.

— T’inquiète, je crains beaucoup plus la chaleur que le froid.

— Tiens donc ? Tu aurais dû migrer au Nord alors.

— Mmmh… Et je n’aurais pas fait ta rencontre. Avoue que cela aurait été dommage.

— Bon, tu me montres ou pas ? m’impatienté-je.

 Le ton agressif que j’emploie m’étonne moi-même. Je me sais sur la défensive mais en ignore la raison. Je déteste cette sensation de ne pas me contrôler entièrement. Je me remets à le regarder et remarque avec soulagement qu’aucun signe d’agacement ne tord son visage aux traits fins. Je plonge mes yeux dans les siens afin de pouvoir en admirer toute la complexité. Ils ne sont pas simplement sombres. Quelques filets d’ambre se baignent dans ces deux lacs presque noirs aux apparences gelées, comme du feu dansant dans de la glace. Ces opales me figent, me réchauffent et me glacent à la fois. Je tente de me ressaisir en me râclant maladroitement la gorge et n’ose imaginer le degré de pathétisme dont je fais preuve en ce moment. J’essaye de retrouver ma contenance comme un enfant pris en faute.

— Bien sûr, allons-y très chère !

— Merci…

 Se moquerait-il de mon langage soutenu ? Il semble mi-amusé mi-inquiet. Je crois comprendre qu’il tient à me montrer quelque chose de très important à ses yeux, et ce pour la seconde fois de la journée. Ce comportement, presque inhérent à celui d’un adolescent, m’attendrit.

 Ji Sub me tend la main, tandis que je marche derrière lui en effectuant de petits pas. Il me ramène à sa hauteur d’un coup sec et resserre légèrement sa paume autour de la mienne. Cette impression d’étau léger me réveille de ma torpeur. Je réalise avec effroi que je me suis comportée comme ma mère, mon chaperon et mes précepteurs m’ont tous demandé de le faire en présence masculine. J’ai marché d’une façon « mignonne », en d’autres termes « lentement » et « les genoux en dedans ». Heureusement, je ne suis pas affublée d’un kimono qui complexifierait ma foulée. Je peux me déplacer comme je le souhaite.

— Je préfère te voir libre de tes mouvements, tu sais. Comme quand tu fichais une râclée à ce gars au Rokumeikan.

— Oh, tu sais… On m’a laissé entendre que les hommes s’imaginaient davantage avec une fille calme et docile.

— Soit c’est faux, soit ces hommes n’ont que très peu confiance en eux pour ainsi se sentir menacés par les femmes au point de les vouloir soumises…

— Ou alors, il s’agit peut-être d’un savant mélange des deux… réalisé-je dans un souffle teinté d’effroi.

 La discussion m’a changé les idées, de la même manière que la veste de Ji Sub m’a réchauffée. La promenade sur la digue est déjà terminée sans que je ne l’aie vue passer. Il s’arrête devant un hangar. Je l’imite.

— Qu’est-ce que c’est ? demandé-je en levant la tête, jusqu’à m’en faire mal à la nuque.

— L’endroit était autrefois utilisé par des militaires et des gardes-côtiers qui refoulaient les Réfugiés. J’ignore pourquoi ils l’ont déserté, mais le fait que nous l’ayons réquisitionné est plutôt ironique, tu ne trouves pas ?

 Pour toute réponse, je me contente de hocher la tête. Il me lâche un instant et se baisse afin de déverrouiller plusieurs cadenas qui maintenaient la porte fermée. Après quoi, nous nous faufilons silencieusement à l’intérieur. J’ai comme l’impression de devoir me faire discrète. Une fois la porte refermée, nous nous retrouvons dans le noir le plus total. Avant que je n’aie le temps de paniquer, Ji Sub s’éclaire de son portable et allume quelques lampes à pétrole. Je plaque ma main sur ma bouche de stupeur.

— Mais… Mais… C’est…

— Le Zeppelin, oui ! Tu n’en as vu qu’une minuscule partie au garage. Le reste était ici. Je devais partir pour le Koto-ku afin de la fixer au reste du ballon. On a commencé à bosser dessus au garage, mais on a finalement été contraints d’abandonner en réalisant sa taille finale. Sa carcasse était déjà énorme…

— C’était donc ça qui devait te prendre tout l’après-midi… constaté-je en frôlant le torticolis pour admirer cette chose immense. Le reflet des flammes de la lampe à pétrole danse contre sa carlingue en aluminium, créant ainsi une gigue qui fait apparaître nos ombres à nos pieds.

— Oui… Le projet d’une vie… reconnaît-il en se parlant presque pour lui-même.

— Je n’en doute pas…

 Il se contente de m’offrir un sourire sans prononcer le moindre mot. Sa réponse me convient. Je me tais également, afin de capturer cette image dans mon esprit. Il a troqué ses combinaisons et marcels habituels pour un jean ainsi qu’un t-shirt blanc. L’encolure dessine une discrète forme en V sur son torse, le dénudant légèrement. J’admire la constitution de mon ami car ses bras partiellement nus ne dévoilent aucun signe de frilosité. Je frissonne encore malgré la chaleur des petits feux follets qui s’émoustillent tout autour de nous, la veste de Ji Sub lourde à ma carrure moins large que la sienne, ainsi que les épais murs qui nous entourent. Le lieu semble en effet dépourvu de tout chauffage, à part un petit radiateur d’appoint éteint que mon œil remarque enfin tapis dans un coin de la pièce.

— Je te fais visiter ?

— Je ne veux pas paraître désobligeante, mais je ne suis pas sûre qu’il y ait besoin de me faire visiter quoi que ce soit. Ce lieu a beau être immense, il n’y a pas beaucoup de pièces… Je me trompe ?

— Je parlais du dirigeable, pouffe-t-il.

 La pointe de mes oreilles s’est métamorphosée en quelques braises attisées par un sentiment de honte qui émerge en moi. Je pousse doucement Ji Sub en lui pressant le bras, mais retire bien vite ma main. Je ne voudrais pas être accusée de me conduire de façon inconvenante, même avec mon petit-ami… si je puis l’appeler ainsi.

— Arrête de te moquer… Ce n’est pas drôle…

— Si, ça l’est ! Allez, viens !

 Il se saisit à nouveau de ma main et m’entraîne dans les entrailles du zeppelin. Cette fois, sa poigne se fait plus dynamique. Il a décidément hâte de me montrer son engin.

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