Le cauchemar

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 Dans cet effroyable songe, il était le maître des ombres. Le manteau diaphane de la nuit couvrait ses épaules, et le soldat s’avançait à pas feutrés à travers les marécages, près d’un bivouac. Le petit camp affichait ostensiblement la cruauté noxienne, les corps des opposants à l’empire, le reste de son unité était empalé sur de longs troncs taillés à partir des arbres les plus anciens de la forêt, leurs abdomens continuaient d’ondoyer vaille qui vaille malgré les viscères qui s’en échappaient. Govos ne supportait pas la vision de ses camarades ainsi torturés et la provocation faite aux esprits de son pays.

 À son approche du camp, une des victimes reconnut l’uniforme ionien qui serpentait parmi les silhouettes des buis. Il lâcha un cri rauque et guttural en sa direction, des supplications sordides. Le soldat voulut l’ignorer, il voulut se préserver de la cruauté dont pouvait être capable les hommes, mais les gémissements de son camarade gagnaient en intensité. Il n’allait pas se taire, le pauvre homme s’arracherait la gorge pour laisser le vent s’insinuer dans ses cordes vocales déchirées. L’homme n’était pas sauvable, du moins, son enveloppe de chair ne pouvait être sauvée. Govos lui intima de se taire d’un geste de la main et sauva son âme de son châtiment immérité. Un filet épais glissa sur son épée puis chuta sur le tapis végétal qui le but aussitôt. Le soldat réprima avec effort la bile qui lui brulait la gorge et se jura de le venger de sauvagerie noxienne.

 Les envahisseurs se tenaient près du feu, engoncés dans leurs armures d’acier. Le groupuscule s’avérait être composé d’esclavagistes venus récupérer quelques bestiaux ioniens pour alimenter l’insatiable extension de leur cité. L’ennéade s’était complètement éthylisée à grandes lampées d’alcool, récupéré lors de leurs derniers pillages.

 Le liquide insidieux qui coulait dans leur veine fut le parfait allié pour Govos. L’attention des ivrognes ne se résumant qu’à lutter contre la pesanteur, pour ne pas chavirer de leurs sièges, se rappelant à peine de quelques paroles de chansons paillardes.

 La mort ne fut pas longue à s’abattre sur ces éponges infâmes. Le soldat remplit une de ses bottes de la bourbe environnante et la projeta sur leur foyer. L’obscurité répondit à l’appel de Govos et enveloppa le petit camp. Leur allégresse s’évanouit pour laisser place à la confusion. Govos avait arpenté chaque recoin du marécage, foulé chaque brin d’herbe, escaladé chaque arbre distordu et rampé dans chaque flaque de fange visqueuse qui le composaient. Il pouvait en esquisser une carte mentale parfaite. L’un des esclavagistes brailla quantité de menaces au soldat qu’il ne pouvait voir.  

Un sifflement interrompit ses bravades et rétablit le silence avant le retentissement sourd de l’acier noxien qui s’effondra au sol. Le sang jaillit et aspergea les visages de deux esclavagistes. Les doigts ténus de la terreur se refermèrent sur leurs épaules, ils n’étaient pas soldats, leurs opposants habituels ne répliquaient qu’à coups de poings ou armes de fortunes. Ils optèrent pour la débandade, mais le maître des ombres ne pouvait pardonner leurs barbaries. Govos suivit le clinquement de leurs armures épaisses qui s’entrechoquaient dans leur louvoiement ivre. Le duo n’avait parcouru que quelques mètres avant de partager la sentence de leur confrère et de s’effondrer dans la tourbière fangeuse. L’un des esclavagistes restants comprit le stratagème du maître des ombres qui se concentrait sur son ouïe pour les repérer.

 Le Noxien s’approcha du chariot qui contenait les esclaves et les libéra en écrasant sa masse sur le verrou. “Déguerpissez avant que je vous brise le crâne, bande de cafards répugnants !” leur cracha la brute.

 Cependant, les esclaves ioniens n’eurent pas la force de mouvoir leurs corps maigres et éraillés. La détonation attira seulement l’attention de Govos. Surgissant de la silhouette du chariot, il abattit l’acier de sa lame sur le crâne du Noxien, le fendant jusqu’à l’arrête de son nez bourru.

 Les six restants lancèrent un ultime assaut sur le soldat, ils n’allaient pas se laisser mettre en pièce par un misérable militaire ionien. Il s’en suivit un carnage à en faire frémir le spectre de la mort. Govos n’en acheva qu’un, tandis que le sang des autres éruptait des larges plaies qu’ils s’infligeaient, les yeux voilés par l’obscurité de la nuit. Il souriait.

Vinrent ensuite le silence et le réveil.

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