La naissance d'une conteuse ensorcelée

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Je naquis dans un monde onirique, celui des « Oneroi », mon père en voyant ma somptueuse bouille s’exclama : « Oh ! Tu es si belle », cela deviendra mon prénom, avec une orthographe des plus douteuses : « Cybèle ».
Mon père, reconnu pour être une personne dont l’insatiabilité n’est plus à prouver, adorait organiser des fêtes gargantuesques où on célébrait chacune de nos terreurs nocturnes qu’on infligeait aux mortels apeurés.

Ses réjouissances n’étaient guère du goût de ma mère, qui préférait se réfugier dans le silence de la mer. Elle contemplait la splendeur d’un univers, éblouissant les yeux ébahis, des créatures attentives à ses mystères.

Au soleil couchant, un nouveau monde prend naissance, dans l’imaginaire des esprits les plus effervescents, l’obscurité infernal côtoie un timide faisceau lumineux séraphique. Chaque rêve peut être interprété, comme un appel à l’action ou à la prudence, c’est à ce moment que les secrets du subconscient nous sont dévoilés. Les angoisses les plus profondes ou encore les visions de futures odyssées, remontent à toute allure, sans crier gare.

J’errais souvent dans notre bibliothèque, qui n’avait pas à rougir de celle d’Alexandrie. Les histoires tourmentées s’entremêlaient, non pas sans une certaine frivolité, avec celles qui nous emmenaient dans un état profond de béatitude.

Notre royaume, prend naissance au crépuscule, il nous permet de guider chaque personne qui le souhaite, à entrevoir un danger ou une opportunité. Malheureusement, l’abysse de l’hédonisme a touché, les plus faibles d’entre nous. On peut la comparer à un bonbon sucré et acidulé, un piège d’une perversion absolue. Au début, les picotements nous font regretter notre geste, puis dans sa grande bonté, une saveur sucrée vient apaiser notre douleur, c’est cette douce sensation qui nous rend accro.

La corruption ayant touché, la plupart d’entre nous, pour le plus grand plaisir de mon père, qui y voyait une occasion de nous plonger dans les ténèbres. Cela me mua en l’une des seules personnes, à résister à la sublime tentation, ce qui contrariât fortement mon patriarche. Sa fille préférée osait lui tenir tête en public, lui qui rêvait de faire de moi sa digne héritière. Je ne comprenais, de moins en moins, ce monde illusoire.

Mes visites chez ma mère et la lecture de livres passionnants, étaient mes uniques réconforts, me permettant de m’évader de ma triste existence. Le plaisir de lire, chaque récit, des plus noirs aux plus émouvants, m’a permis de comprendre qu’un fil blanc invisible, relié chacun d’eux dans le plus grand des silences. Nos croyances ne sont-elles pas le fruit de nos expériences ? Et si nous n’étions pas si uniques ? L’identité que l’on arbore si fièrement, ne serait-elle pas une énième version incomplète, d’une même vérité ?

Intriguée par toutes ces questions, auxquelles, je n’avais aucune réponse, ni de près ni de loin. Une confusion totale habitait mon esprit, jusqu’à m’égarer dans les tréfonds du labyrinthe, qu’il était devenu. Malgré ma profonde errance, un chemin éclairé par de minuscules lucioles, apparaissait devant moi, il avait l’air d’être peu emprunté par les visiteurs.

Curieuse, je décidai quand même de m’y aventurer, sans imaginer l’épopée insolite, que cela allait devenir. Le chemin fut si long, que j’ai failli abandonner plus d’une fois, mais mon cœur m’ordonna à chaque fois de continuer ce dur périple, jusqu’à ce que je n’arrive pas loin d’une montagne, où les nuages recouvraient son sommet. J’étais partagée par une étrange sensation, me disant de continuer, ce chemin qu’on appelait : « La voie de l’ascension », car une vérité me serait dévoilée.

Plus j’avançais vers le point culminant, plus je me sentais légère et en harmonie avec l’univers. Comme si on m’enlevait un poids, qui était accroché sur moi et qui s’était dissipé par la puissance de ce lieu, si particulier. Quand j’arrivai tout en haut, mes craintes et mes angoisses avaient disparu, tout comme mes pensées. Je ne faisais plus qu’un avec lui, il me comprenait sans que j’aie à prononcer le moindre mot, nous étions connectés l’un à l’autre, ce qui fut une expérience à la fois, si étrange et si jouissive.

A mon retour, mon regard sur la vie elle-même, n’était plus le même. Incapable de répondre à mon père sur mon absence, celui-ci m’invectiva : « Ou étais-tu ? Je t’ai cherché partout ! », je lui répondis : « J’étais en communion avec l’univers »

Les rires de l’assemblée abondaient, mon père, abasourdi par un tel propos, ne savait plus quoi répondre. Il pensait que mon esprit était touché, par une folie insatiable. Il fronça les sourcils, avant de prendre une décision tonitruante, la situation était trop grave pour qu’il recule. Voici ses mots :

« Tu resteras cloîtrée, sans pouvoir sortir, jusqu’à nouvel ordre ! Cependant, par magnanimité, je te laisse le choix du lieu ! »

Les germes d’une pariât prirent racines, leur prolifération furent bientôt propices au plus grand chaos, qui allait s’abattre sur l’union sacrée des miens. Le mépris de la communauté, ne faisait que renforcer ce sentiment de rejet, pour la plus grande tristesse de ma mère, qui voyait le drap qu’elle a mis tant de temps à coudre, se déchirer en un instant.

Les jours passèrent, dans la solitude la plus absolue, en dépit de l’épreuve, mon moral résistait à la tentation de sombrer dans un profond désespoir, au grand dam de mon paternel. J’étais à mille-lieux d’imaginer le stratagème qu’il me réservait, pour me faire revenir à la « raison ».

Lors d’une de ses visites nocturnes, il rencontra un être plus perfide que lui, qui se faisait appeler : « Le sorcier Kindulu ». Leur amour pour la déchéance de l’humanité ou encore la croyance, que tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins, étaient autant de choses qu’ils avaient en commun. Après avoir sympathisé, pendant un nombre d’heures incalculables, le mage explique qu’il ne craignait rien, même pas la mort elle-même et que tout le monde, pouvait être corrompu par sa nature ténébreuse.

Ce qui intrigua mon père, désespéré par la situation, dans lequel il se trouvait. Il lui expliqua la situation, la folie qui m’accompagne depuis mon retour, il n’expliquait pas que l’on puisse communier avec une chose invisible, quelle étrange idée !

Le sorcier connaissait bien ce problème, sa sœur « Mami Wata » en était infectée. C’est un marabout réputé dans son village, elle peut se retrouver des heures, sans se substanter et être dans des transes mystiques, d’une rare intensité. En stratège hors pair, il lui tint ce discours :

« Pour qu’une âme pure, suive la voie des ténèbres, elle doit être brisée en mille morceaux. Elle devra subir une telle ignominie, que son côté sombre prendra le dessus, pour élaborer son ultime vengeance. »

Convaincu par cette mémorable allocution, ils conclurent un partenariat de choix, ce vil démon avait l’aval du tôlier, pour venir jouer les trouble-fête dans ma demeure. Bientôt ma vie deviendra un enfer, pavé de bonnes intentions.

Je me rappelai, de cette nuit de pleine lune, je fus absorbée par l’histoire d’un jeune berger Andalou, du nom de Santiago, qui voyagea jusqu'aux Pyramides d’Égypte, pour découvrir sa « légende personnelle ». Je me retrouvais énormément dans ce personnage, en quête de sens dans sa vie.

J’étais loin d’imaginer qu’un abominable personnage, tapis dans l’ombre, me toisait d’un regard farouche, dans l’attente de mon déshonneur. Je pouvais entendre, de légers bruits de pas, arrivaient dans ma direction. Je pensais que mon esprit me jouait des tours, cependant, quand je sentis des griffes acérées agrippaient mes épaules, je sus qu’il voulait m’avertir d’un danger imminent et que j’aurais dû l’écouter.

Maintenant il était trop tard, le monstre tenait sa proie fermement, ses deux grosses canines limées avec soin, m’affligèrent une morsure jouissive.
Après avoir perdu connaissance quelques instants, je me réveillai attachée à une table et entièrement dénudé, sur quel pervers j’avais pu tomber, me disais-je dans ma tête.

Il avança vers moi, avec son chibre d’une taille phénoménale, on pouvait apercevoir le tatouage d’un Anaconda dessus pour annoncer la couleur. Chaque assaut ébranlait, de plus en plus, la forteresse que j’avais édifiée si jeune, mes cris de secours restaient lettre morte. Mon château allait bientôt être aux mains de mon ravisseur, une odeur fétide se dégageait de ses selles.

Mes seuls répits étaient les livres, qui ornaient ma gigantesque bibliothèque. Quand une alliée inattendue, arriva pour me venir en aide. Elle avait une longue crinière de lionne, beaucoup d’hommes craignaient d’avoir affaire à elle, car elle était une redoutable adversaire.

Je pouvais l’entendre dans mon esprit, me dire :

« Ne le laisse pas avoir le dernier mot sur toi ! Séduit son orgueil, laisse-lui croire que tu es faible, pour gagner du temps ! Au moment opportun, contre-attaque avec une fougue ardente et surtout, pas de quartier ! »

Elle me remonta le moral, dorénavant, ses humiliations ne me faisaient plus rien. Je devais quand même, trouver un moyen de lui échapper et de lui asséner un coup fatal. Ma souffrance était devenue une force, je savais que je pourrais toujours compter sur elle, pour me remémorer le sens de ma lutte.

Une intuition m’était apparue en songe, une ancienne magie se cachait, dans chacune des histoires que je lisais. Si je cherchais bien, je pourrais peut-être appendre à la maitriser, pour me libérer de l’entrave de mon oppresseur et du piège de son arme fatale, un drôle d’anaconda !

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