La tentation du diable

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La plus perfide créature peut toujours trouver un moyen de corrompre la plus candide des personnes, comme si un fléau s’abattait inexorablement sur cette dernière, même si celle-ci fera tout ce qu’elle pourra pour s’y soustraire.

Après avoir reçu la marque du diable par l’être qu’elle aimait le plus, notre chère héroïne réussira-t-elle à surmonter ses tribulations ou tombera-t-elle dans le gouffre du diable comme bon nombre avant elle ?

Plusieurs semaines furent passées, après avoir reçu mon infâme souillure avec une cruauté qui dépasse l'entendement. Seul une âme malfaisante pouvait en être l’initiatrice, sans s’accabler de reproches et sombrer peu à peu dans une dépression si intense, qu’en comparaison la mort deviendrait une libération des plus souhaitables.

La solitude était devenue ma meilleure amie, elle adorait me fixer de longues heures sans un mot. Le jugement n’étant pas l'une de ses qualités, je ressentais avec elle beaucoup de sérénité, dans un monde où j'étais coupable à perpétuité, sans que je puisse plaider ma cause.

On partage souvent cette croyance populaire, qu’on connaît très bien ceux qui nous sont les plus proches. Le déni nous permet d'oublier qu'on porte un masque imperceptible, aux yeux non aguerris. Sans lui, il nous serait difficile de vivre en société, sans recevoir les foudres de ceux qui considèrent que la seule pensée acceptable est la leur.

Chaque dîner familial se transformait en une sublime comédie théâtrale où chacun avait déjà un rôle prédéfini. Pour ma part, j'incarnais à merveille Eve courant à la recherche de son Adam. Malheureusement pour moi, je l’avais déjà trouvée et il n’était pas aussi charmant, que le prétendent les films à l’eau de rose.

On avait aussi les mégères avares de nous narrer les mésaventures des autres, ceux qui ne savaient pas pourquoi ils étaient là. Ainsi que quelques trublions, qui devaient pimenter le tout avec leurs disputes à l’emporte-pièce.

Malgré ma prestation pitoyable, personne ne releva mes faux pas, certainement pour éviter d’entamer une longue discussion à propos de mes tracas. De toute façon, je n’étais pas disposée ales leur dévoiler.

Chacune de mes sorties tournèrent en un voyage en enfer, la paranoïa me rendait visite si régulièrement, que bientôt, je voyais en chaque homme, un violeur potentiel. Le réconfort de rester cloîtré dans ma chambre, à abuser du thé au gingembre devenait si ardent, que je m’y échappais seulement pour aller en cours.

J’avais beau tout faire pour oublier, la marque était toujours présente, je la ressentais à chacune de mes peurs, elle puisait sa force de mon désespoir. Elle qui m'a léguée un fardeau bien lourd à porter de nos jours, celui de mon impureté. L’idée de passer de l’autre côté de la rive m’apparaissait, comme une possibilité pour m’affranchir de cette malédiction.

Quand le monstre de mes cauchemars apparut au grand jour, il se présenta en tant que nouveau directeur de mon bahut. Le doux sentiment de revivre mon enfer jaillissait d’un coup, je pouvais le voir jubiler en m’épiant discrètement du regard.

La douleur ressortait si intensément qu’il m’était difficile de rester encore debout. J'avais l'impression de recevoir un second coup de poignard dans le cœur, au moment où je m’y attendais le moins.

J’avais la hantise de retourner au lycée, qui était devenu soudainement l’antre du diable. L’allégorie d’une ivresse sans fin me paraissait une meilleure option, surtout que le gin de ma mère avait un gout exquis. Les jours s'écoulèrent doucement, je résidais désormais dans un monde parallèle où toute notion du temps, de la vie ou de la mort était remplacée par une euphorie frénétique, qui m’apportait une joie éphémère.

Malheureusement, le prince des ténèbres, impatient de pouvoir détraquer sa belle muse, ne supportait pas que je m’absente aussi longtemps. Surtout, qu’il s’était acquitté d’une tâche considérable pour se faire muter dans mon établissement. Celle de faire chanter mon ancien proviseur, dans une sordide affaire de pédophilie où ce dernier avait abusé de son autorité sur une élève.

Il me convoqua avec ma mère, pour lui expliquer la raison de ma disparition de l’établissement. Son regard féroce à mon égard montra un profond agacement, il n'était pas un grand amateur de mon dédain. Une envie insatiable de me dévorer se dégageait de lui, l'appétit du prédateur résiste rarement à la tentation de jouer carte sur table.

Ma mère interloquée par les dires de mon directeur, ne s’était pas aperçu que je passais mes journées à la maison. Elle me jeta un regard glacial, mon comportement ressemblait pour elle, à une humiliation douloureuse que je lui infligeai. J'étais le vilain petit canard qu'elle devait recadrer !

Étant en mauvaise posture, j'usai d'une excuse vieille comme le monde, en prétextant une maladie imaginaire et la tête en l'air que je suis, avait oubliée de faire une dispense médicale. Il n'était pas dupe à mes mensonges, mais bizarrement, il préféra passer outre cette excuse bidon.

Cependant, voyant ma mère troublée par ces révélations et potentiellement ouverte à des avances, il lui proposa de discuter de ma situation, un soir, en tête-à-tête. Cette attaque sournoise envers ma personne, avait pour but de réduire à néant tous les êtres que j’aimais. Il faut dire que ce bellâtre avait le goût des supplices.

Dans sa situation, elle accepta sans sourciller, connaissant le charme fou de ce dernier, l’inquiétude montait, de seconde en seconde. Quand ils échangèrent des regards de braise, je savais qu'une manche fut perdue !

Le lendemain, ils se rejoignirent dans la pizzéria du coin, totalement éprise par ces interminables discussions, elle se fit dérober un baiser à la dernière minute. Dans l'incapacité de s’arrêter en si bon chemin, ils décidèrent de passer à la vitesse supérieure. Elle autorisa le diable à rentrer chez nous, pour mon plus grand malheur !

L'émission de cris de hyène lors de ses ébats, me firent ressortir des souvenirs de plaisirs entremêlés de peines. Le cocktail explosif d'une jalousie maladive et d'une profonde tristesse provoquèrent dans mon esprit tortueux, l'édification d'un immense labyrinthe dont il m’était impossible d’en sortir.

L’installation de mon pire ennemi dans ma demeure n’arrangea pas les choses. Leur relation passa rapidement un cap, ils envisagèrent de se marier au coucher du soleil, le summum du romantisme. Avec une telle emprise sur ma vie, sa victoire serait inévitable.

Je faisais tout mon possible pour m’extirper de mon appartement, sa présence me troublait de plus en plus. Ma partie angélique était anxieuse à l'idée que le monstre profane à nouveau son corps, mais celle démoniaque, née lors de la marque, n’attendait que de s’enliser dans les bras de son maître. La grande muraille séparant les deux mondes, s’était plus que jamais effritée. Maintenant, je savais que je pouvais basculer d’un moment à l’autre.

La tentation était monnaie courante, même si un jour, elle fut à son apogée quand je me retrouvai seule en face de lui, dans la salle à manger. Deux solutions s’offraient à moi, m’enfuir à toute vitesse ou le laisser me châtier du regard et ainsi finir son œuvre.

Il me questionna d’un ton amusé, sur la date de ma capitulation, car ma pauvre mère était d’un ennui profond. Sans oublier que sa femme était prête à lui accorder une seconde chance, s'il réussissait à détruire ma vie, le châtiment suprême à l'amante énamouré voulant lui voler dans les plumes, qui se ressemble s'assemble ! Sous le choc, je fus incapable d’apporter la moindre réponse à sa requête offensante, alors il rajouta qu’une surprise allait bientôt m’attendre.

Le lendemain, je compris où ce pervers voulait en venir ! Tout le bahut était en ébullition devant une vidéo exclusive, dévoilant les coulisses d’une partie de jambes en l’air, entre un homme âgé et une jeune fille de mon âge.


La jeune femme humiliée en question n’était autre que moi-même, c’était la première fois que j’étais mise à nue de la sorte. Une exposition de mes parties intimes, se faisait sans mon consentement, devant un parterre de voyeuristes, ravis du spectacle que la scène offrait. La plupart n’étaient guère avares de moqueries à mon égard, leur permettant d’oublier le temps d’un bref instant, leur misérable existence.

Certains voyaient dans ma chute, une aubaine, j’allais pouvoir jouer le rôle de la fille facile. Celle avec qui on assouvit ses penchants les plus sadiques ou encore une rivale en moins dans la course effrénée à la conquête du prince charmant.

Ne pouvant plus supporter cette atmosphère asphyxiante, je devais trouver un endroit pour m’isoler de cette masse écœurante. C’est à ce moment que je rencontrai un beau chevalier blanc, venu me sauver de ce monde infâme. Sa gentillesse envers moi me marqua profondément. Je me demandais, pourquoi un inconnu prendrait le risque de venir en aide à la personne désœuvrée que je représentais.


Les premiers jours furent formidables, je n’avais jamais eu un ami aussi attentionné et adorable. Il était mon petit frère, celui à qui je confie mes plus sombres secrets, sans peur qu'il les trahisse. Un jour, je lui racontais ma mésaventure, le fait qu’on avait abusé de mon inexpérience dans les jeux de l’amour et que mon bien-aimé, s’était soudainement transformé en un abominable être démoniaque. Il me prit dans ses bras pleins de tendresse, je n'avais pas besoin de prononcer la moindre syllabe pour qu'il me comprenne.

Chaque naissance de l'aurore fut le prélude d'une féerie grandiose et sans fin, peu à peu, le souvenir de mon drame s’estompait, pour la première fois depuis très longtemps. Ce fut une renaissance,  jusqu’au jour où tout s'arrêta brusquement, la révélation d'une réalité ignorée occasionna un choc si brutal, que les mille et une pièces du manège, se retrouvèrent éparpillées dans tous les coins du monde.

Je me rappelle qu'il s’était effondré la tête en première lors d'une acrobatie douteuse. Sa chute entraîna un fou rire. D’un coup, ses lèvres caressèrent les miennes comme si le lion qui était en lui, avait surgit de la savane pour attraper sa proie.


Ma relation fraternelle se métamorphosait en relation incestueuse, ce qui amena son lot de chamboulements. J’avais beau lui expliquer qu’il était mon frangin et que j'avais besoin de temps avant de m’engager dans une relation. Sa fougue envers moi n’en démordait pas, il voulait que je sois sienne.

Quand il s’aperçut que je ne deviendrais pas sa dulcinée, une partie de lui ne pouvait pas s'empêcher, de se sentir offensé par mon attitude. Il m'offusqua en insinuant que mon infortune était très clairement mérité et que je ne valais pas mieux que ses filles de joies s'offrant aux premiers venus. Le fracas de ses mots mis fin à notre relation, peut-être, qu'elle n'était pas aussi sincère que je le pensais ! Le loup se déguise souvent en agneau, me disait mon père !


Et s’il avait raison ? Si à cause de la marque de mon maître, il m’était impossible de sortir du rôle qu’il m’avait octroyé. Le soir-même, exténuée par toutes ses aventures, j’acceptais de m’offrir à ce dernier qui m’attendait avec un certain empressement.

Lilith, la reine des succubes était née de ses entrailles et le monde allait connaître sa dévastation…

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