Chat-pitre 14
Le duo ressortit du bureau comme il y était entré, en silence et calmement. Sur le chemin du retour, peu d'échanges. Chacun cogitait dans son coin et interrogeait le divin.
" Pourquoi ça n'a pas marché ? " demanda le Pasteur. " Pourquoi, alors que j'étais sûr qu'il n'y aurait pas d'opposition et que tout irait comme sur des roulettes ? "
" Mia Dieu ? Est-ce de ma faute s'ils n'ont pas voulu de moi ? questionna Chaussette-rayée. Est-ce mes doutes et mes peurs qui t'ont empêché d'agir en ma faveur ? N'ai-je pas eu une bonne conduite ? Ai-je manqué de Foi ? "
" Nous serions-nous trompés ? ajouta le Pasteur. Ne veux-tu pas que notre petit champion participe à ce biathlon ? Avons-nous loupé une étape ? Qu'attends-tu de nous exactement ? Faut-il persévérer dans cette voie et proclamer la victoire ? "
" Mia Dieu, dois-je encore y croire ou bien me résoudre et ne plus espérer ? "
Au même moment, alors que tous les deux posaient la même question au divin, ils reçurent la conviction forte et bien venue de ne pas abandonner, de poursuivre les prières et d'utiliser leur voisinage pour actionner le miracle et le voir s'accomplir.
— Ça alors ! s'exclama le maître en regardant son chat. J'ai reçu de Dieu de ne pas abandonner, de continuer à prier et d'utiliser le voisinage pour déclencher notre miracle ! Que penses-tu de cela Chaussette-rayée ?
— Miaoui ! confirma le chat en dodelinant de la tête.
— Pour ce qui est du voisinage, je ne comprends pas. La plupart de nos voisins ont fait preuve de cruauté et d'intolérance à ton égard. Ils sont sans-cœurs et si peu indulgents. Peu d'âmes charitables en vérité...
— Miaouiii... soupira Chaussette-rayée, haussant ses petites épaules.
— Si Dieu nous demande d'aller vers eux, c'est qu'Il a un plan. Il a ses raisons et nous devons lui faire confiance !
De retour à la maison, il y eut réunion d'urgence. Devant les chats et leur maîtresse, le Pasteur relata l'échange au service des sports, et fit écho des paroles reçues en esprit. Les oreilles grandes ouvertes pour écouter ce qui se disait, chacun se demanda comment apporter sa pierre à l'édifice et répondre à la volonté de Dieu. Après une énième prière communautaire, les maîtres reçurent dans leur cœur d'aller s'entretenir avec les enfants du quartier, les chats eux, de rameuter tous les quadrupèdes errants et domestiqués du coin.
Aussitôt dit, aussitôt fait. De derrière la fenêtre, Chaussette-rayée regarda sa team se disperser par-delà le muret.
Le couple de pasteurs se dirigea vers les trois endroits stratégiques du secteur : le parc, le collège et le gymnase avec le stade de foot. Le choix fut bon, puisqu'ils y trouvèrent quelques dizaines d'enfants regroupés à qui ils partagèrent leur souhait de faire concourir Chaussette-rayée au biathlon. Dès que le nom du chat fut prononcé, les enfants se montrèrent très intéressés. Les époux s'en réjouirent, mais il y avait un bémol. En discutant aussi ouvertement de leur projet, ils s'exposaient à ce qu'un des marmots court les dénoncer à un parent associé à la pétition et se précipitant pour porter plainte. Malgré le risque, ils obéirent à l'engagement de Dieu d'aller parler à ces bambins qui, pour la plupart, connaissaient Chaussette-rayée. Certains l'avaient vu foncer sur son skate dans la descente du garage et lui avaient proposé une course en planche.
Contre toute attente, les enfants furent enthousiastes. Ils trouvèrent l'idée géniale et, dans la foulée, les meneurs de bande proposèrent de sceller leur appui à Chaussette-rayée par des pactes de crachats dans les paumes. Filles et garçons enflammés pour soutenir le chat-thlète, élu d'emblée — mascotte du quartier — s'exécutèrent et rédigèrent sur-le-champ un traité allant à l'encontre de la pétition des adultes. Dedans, fut stipulé qu'ils s'engageaient à démarcher le maximum de gens et feraient tout leur possible pour les convaincre de se joindre à leur cause. Sur le papier, en post-scriptum, fut inscrit que les éventuels dénonciateurs, les moqueurs habituels, isolés ou en bande, ainsi que tous les ex-opposants à Chaussette-rayée et ci-présents, jurent de ne pas trahir le pacte et de tout faire pour que leur mascotte concoure au biathlon. Étonnement, sous les yeux médusés des époux, tous les enfants sans exception apposèrent leur nom à tour de rôle, puis signèrent en bas de page.
Chaleureusement, les époux remercièrent leurs nouveaux alliés, puis tournèrent les talons. Mais alors qu'ils partaient bras-dessus bras-dessous et s'éloignaient des enfants, ils entendirent un échange des plus truculents.
— Eh le mouchard ! Si jamais toi et tes potes les rapporteurs, vous bavez ou essayez de mettre des bâtons dans les roues de notre mascotte, vous aurez affaire à moi ! Pigé !
Laissant les gamins régler leurs comptes entre eux, les époux se serrèrent l'un contre l'autre, puis marchèrent d'un pas tranquille vers leur demeure où une autre belle surprise les attendait.
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