— Eh ! T’aurais pu au moins attendre que j’étale la bâche !
Chapitre 1 : Jules
Avril 2023
Je me traîne dans les rues de Paris avec mon coéquipier, Loïs. Mon pied écrase un tract et attire mon attention dessus. Je me baisse et le ramasse.Alors que le dérèglement climatique est de plus en plus préoccupant et que les ONG se battent pour limiter l’utilisation du papier, voilà que, comble de l’ironie, sur cet imprimé, je lis comment on court vers l’apocalypse.J’ai un fou rire face à ce message qui indique que les saisons sont en plein bouleversement et que les étés vont infliger des températures excessives, provoquant ainsi une sécheresse dévastatrice. Les villes devraient pas tarder à devenir des fournaises où l'air deviendra irrespirable. Quant aux hivers, ils se résumeront à des nuits interminables qui laisseront que très peu de place aux journées. Le froid glacial et les tempêtes feront rage.
— Eh bien, quelle positivité ! je m'exclame, en haussant les épaules et levant les yeux au ciel. Qu'est-ce qu'ils vont inventer encore ‽
— Quoi ?
— Rien ! je crie en appuyant sur le son r, pour que Loïs cesse de me questionner.
Depuis mon arrivée à Paris, je peux avoir accès aux informations et enfin me faire une idée du monde où on vit. Dix ans que les informations font miroiter de potentielles solutions. Seulement, aucune d'entre elles fonctionne. Réduire sa consommation d'huile de palme et plus jeter ses lingettes dépoussiérantes dans les chiottes, c’est pas suffisant. Aujourd'hui, le problème majeur est que la Terre et les humains ont perdu en fertilité. S'il y a vingt-ans une femme avait en moyenne 2,5 enfants, maintenant on est plus qu'à 0,75. On assiste impuissants à la lente agonie du monde. Dans ce contexte, c’est difficile de prédire l'avenir. Évoquer l'amour, le mariage et la descendance est désormais déplacé. Ça m'indiffère car, d'aussi loin que je me souvienne, ma vie n’a été qu’une succession de malheurs et de violence jusqu'à mes seize ans. Je croyais à l'époque que le suicide était pour moi la seule option pour apaiser mon âme. Je suis habité par une folle soif de vengeance que j’ai toujours pas eu l’occasion d’assouvir. J’y pense du matin au soir, ça m’obsède. Je suis au comble de l’excitation mais j’ai pas droit à l’erreur, alors je prends mon mal en patience. Tous les jours, je regarde les trois portraits placardés sur le mur de mon bureau. Haru, mon géniteur. Eiji, mon grand-père. Et Junko, leur bras droit. Ils sont là pour me rappeler qui est responsable de ma destruction. Mais honnêtement, j'en ai pas besoin.
Je marche de l’un à l’autre, les observe. Les souvenirs pénibles remontent. Je scrute attentivement les traits de mon géniteur. Il a un regard dur, celui qu'il m'a légué à la naissance, et rien sur son visage reflète la violence dont il est capable, la souffrance qu'il m'a infligée. Il semble impassible : sa bouche forme une ligne aussi droite que le chemin tracé pour son seul héritier.
Celui qui aurait dû me protéger et me permettre de grandir sereinement, celui de qui la trahison fut la plus douloureuse, celui qui, au lieu de m’aimer, m'a asservi, humilié et torturé sans relâche…
Celui-là, je m'étais promis que je le tuerai en premier.
Quand j’en peux plus, que les souvenirs sont insoutenables, je passe au portrait suivant. Ma poitrine est prise dans un étau lorsque je me rappelle que, si mon géniteur s’est permis toutes ces horreurs, c’est bien Eiji qui en est à l’origine. Ce sourire que certains considéraient comme inspirant la confiance, ce faciès à priori tendre et sincère… C’était et c’est encore qu'un scélérat sans scrupules qui a brisé sa famille et son fils, le poussant à reproduire les affronts subis dans son enfance comme s’il s’agissait d’une marque de gloire. Eiji m’a jamais touché, mais c'est tout comme. Je crache sur son portrait, mon dégoût est trop fort.
Enfin, Junko. Cet homme qui a donné sa vie à ma famille bien qu’il était pas de notre sang. Cet homme que l'on m'a assigné en tant que maître d'armes et de combat. La main armée de mon père. Une pourriture qui, pour la reconnaissance de ses chefs, a fait rimer ma vie avec douleur.
Pendant des années, j’ai pas mangé à ma faim, l'univers où j'ai évolué le permettait pas : le Japon est un archipel où il est difficile de se procurer des denrées alimentaires. Pourtant, issu d’une famille aisée, j'aurais pu grandir dans d'excellentes conditions, c’était pas une question d’argent, mais de contrôle… À l'exception de Mia, ma grand-mère paternelle, j’avais aucun adulte à qui me confier. Et elle était sous surveillance constante. J'ai dû apprendre à me débrouiller seul, avec pour seules ressources celles d'un enfant.
Je me suis souvent interrogé sur ma raison d'être et demandé si mes parents avaient vraiment désiré ma naissance. J’ai eu la réponse à l'âge de huit ans : j'étais destiné à devenir un pion dangereux et soumis, un fanatique aveugle obéissant aux ordres sans broncher et sans même réfléchir. Ouais, je sais, le fruit de leurs « expériences éducatives » est hautement discutable. Heureusement que mon cousin Ryu était là. On a pu partager les mêmes enseignements des arts martiaux tout en résistant aux pressions mentales et aux idéologies délirantes de notre « famille ». On était deux gamins livrés à eux-mêmes, vivant au cœur de la mafia japonaise, formés dans le mensonge, la corruption, la violence et l'isolement social, sans parler de l'absence totale de valeurs morales. Du coup, aujourd'hui, on trouve normal de décimer des gens pour de l'argent. Ça me fait ni chaud ni froid, comme si la vie de ces gens valait rien. Souvent, je suis surpris par le détachement dont je peux faire preuve. Je ressens pas le moindre remords ou la moindre culpabilité lorsque le sang d’une victime recouvre mes mains.
Pour survivre à tout ça en me construisant tout seul, certainement avec beaucoup de ratés, je suis devenu froid, sans sentiments. Je refoule sans cesse mes émotions, je suis anesthésié. J'ai comme la sensation d'être une ombre qui traverse la vie sans s'attacher à rien ni personne.
Du côté paternel coule le sang du soleil levant dans mes veines, du côté maternel, celui de l'Italie. Ma mère s'appelait Amalia Giovanni.
Donc, grâce à un mélange réussi de différentes ethnies, mon teint hâlé et mes yeux vert éclatants me rendent remarquable.
Avec Loïs, je vais au lieu dédié aux conférences sur les enjeux environnementaux afin de discuter des solutions qui restent à disposition. Je l’ai rencontré lorsque j'ai fui le Japon. Il est aujourd'hui mon homme le plus fidèle.
— Eh ! Tu m'écoutes ?
Plongé dans mes souvenirs lointains, j’écoutais pas son discours.
— Absolument pas. Mais continue, j'aime le bourdonnement qu'ça génère dans mes oreilles, ça permet d'masquer la pollution sonore, je réponds en pinçant les lèvres, sarcastique.
Il soupire avant de reprendre :
— Jules, Davis m'a dit qu'il avait rencontré un nouvel actionnaire pour l'entreprise.
Davis, celui avec qui on est en relation lors des ventes de logiciels. Son rôle est d'être en contact avec les scientifiques et de louer nos services. Je le nomme aussi « le sbire de la concurrence ».
— Tant mieux pour lui !
Qu'est-ce que j'en ai à foutre de cette information ! Les actionnaires passent leur temps à intégrer nos services jusqu'au moment où l'un de nos rivaux fait mieux, puis ils se tirent.
On arrive au séminaire, y a déjà foule. Je reconnais quelques têtes que j'ai déjà croisées plusieurs fois auparavant. Certains travaillent directement pour le gouvernement, d'autres sont de simples civiles, mais au moins on a des experts dans le domaine de la protection de l'environnement.
Loïs, contre aucune attente, va au comptoir pour bouffer de nombreux amuse-gueules, car la seule raison de sa présence est de se remplir la panse. Dieu seul sait à comme il m'énerve.
Trois personnes que je reconnais, deux hommes et une femme, marchent vers moi, sourires aux lèvres. Je les accueille d'un mouvement de tête : ils savent que je serre jamais la main.
Ils me questionnent sur le projet en cours de mon entreprise. J’en profite aisément pour me faire de la pub, rien de mieux que ce genre d'endroit.
— Notre prochain système informatique vise à exploiter les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d'eau en moyenne par semaine, mois, année et par habitant ainsi que l'énergie dépensée.
Ils se regardent et se sourient entre eux, je peux déjà penser que notre nouveau logiciel les intéresse. En effet, s'ils existent déjà, c'est indépendamment des uns et des autres, donnant des résultats peu fiables.
Le directeur de l'association chargé de réunir tout le monde prend la parole au micro sur l'estrade.
Les trois personnes avec qui j'étais en train de discuter se retournent vers lui et mon bras droit revient vers moi, la bouche pleine. Étouffe-toi.
Depuis qu’on est arrivés, plusieurs groupes se sont formés et permettent ainsi de mieux repérer les nouveaux isolés. À chaque nouvelle assemblée, je constate qu'il y a de plus en plus d'étudiants qui se rallient à la cause. De petits attentifs qui s'éveillent, ceux que l'on nomme « les conscients »[1] .
Le président vient de finir son discours auquel j’ai pas été attentif. Dans quelques instants je devrai monter sur scène et annoncer le projet en cours de ma société.
Malgré la foule qui a tendance à me rendre nerveux car on dit de moi que je suis asocial voire misanthrope, parler devant un public de plus de deux cents personnes me fait absolument rien. Tant qu'ils écoutent, essaient pas d'interagir avec moi ou de créer un contact physique, tout se passe bien. Mon secret ? C'est Loïs qui stresse à ma place.
— Tu vas arrêter, oui ! je rouspète en le regardant avec exaspération.
— Je n'y suis pour rien si je suis tendu !
— Mais putain ! C'est pas toi qui vas parler devant tout l'monde !
— Non, c'est toi, mais c'est pareil.
Quoi répondre à ça ? Rien. Le prochain, c'est moi. Je laisse Loïs sur place se faire un sang d'encre et je me rapproche de la scène. Quelques secondes plus tard, une main se pose sur mon épaule : je lève les yeux au plafond en soufflant, le revoilà.
— Tu veux un verre d'eau ?
Si on était pas au milieu de personnes aussi importantes, c'est en pleine gueule qu’il l'aurait pris.
— Non, Loïs ! J'veux pas d'eau.
— Mr Montana, à vous.
Mon nom vient d'être cité. En un saut j'escalade l'estrade et je m'avance vers le pupitre. Alors que j’attends la fin des applaudissements pour commencer mon discours, une pointe douloureuse perfore ma poitrine, de plus en plus violente : je porte instinctivement la main à mon torse. Je suffoque mais l’air entre pas dans ma bouche grande ouverte. Je relève la tête pour essayer de reprendre mon souffle. Puis, je la découvre. Cette fois, je respire plus du tout. Elle se tient debout devant une maquette que mes employés ont faite et que je suis censé présenter ce soir. Sa beauté est remarquable, pour preuve, je la lâche pas des yeux. Ses longs cheveux blonds encadrent son visage délicat. Elle a un air angélique et sa démarche est gracieuse, donnant l'impression qu'elle danse à chaque pas en tournant autour du pylône où est exposée la maquette. Sa silhouette est élancée et fine, soulignant sa féminité par de belles courbes douces. J'arrive à percevoir son aura sensible, majestueuse et empreinte de grâce. Tout disparaît, comme s'il restait qu'elle. Par je sais quel miracle, mon cœur a retrouvé un rythme normal et j'ai plus mal. Je sens qu'on me pousse, qu'on me force à avancer sur le côté et une voix sourde s'engouffre dans ma tête. Ça doit être Loïs. Une vieille phrase oubliée, dite par mon cousin Ryu quand on avait huit ans, me revient alors en mémoire.
Un jour, tu tomberas sur elle et elle te mettra un nouveau cœur.
Tout ce qui était flou plus tôt redevient clair. Je remue la tête : j’ai été tiré difficilement de ma transe par Loïs qui me secouait dans tous les sens. Je me souviens être monté sur scène et avoir attendu la fin des applaudissements. Puis elle est apparue. J'essaie de la chercher du regard, mais Loïs me gène, on a que quelques centimètres d'écart. Brutal, je lui pousse l’épaule pour qu’il dégage de mon chemin. Elle est maintenant de dos, et je me dis qu’elle a pas vu mon mutisme.
— Mais qu'est-ce qui t'arrive ‽
Il continue avec ses questions que j'écoute pas, je lève la main pour dire que ça va et surtout pour qu'il cesse. En un regard bref vers lui afin de savoir s'il a compris, je remarque qu'il détourne les yeux dans la même direction que les miens. On est planqués dans les loges et un rideau noir épais empêche la curiosités des gens.
— C'est vrai qu'elle est très jolie.
Sa phrase est à peine terminée que je le frappe de mon poing avec violence dans l'estomac. Il se plie de douleur tout en essayant de reprendre son souffle.
— Elle est ma propriété ! je crache sans regretter mon geste. J'veux son nom, son prénom, son adresse, c'qu'elle fait dans la vie ! Bref, tout c'que tu peux trouver sur elle, et j'le veux pour hier !
En guise de réponse à ma demande, Loïs fait oui de la tête. Je justifie pas mon comportement, d'ailleurs je le justifie jamais, d'autant plus que j'ignore pourquoi cette femme exerce une telle emprise sur moi au premier regard. Elle se déplace de quelques pas, sa robe volatile ondule autour de son corps, ce qui provoque un picotement délicieux qui se diffuse le long de ma colonne vertébrale, je frissonne. Si j'avais pensé qu'en un éclair ma vie pouvait autant basculer grâce à sa pureté et qu'elle aurait un tel impact sur moi au point de me rendre si vulnérable, je l'aurais jamais cru. Dérangé par la main de Loïs qui s'agite devant mon visage tentant de me sortir de cette espèce d'hypnose, je gronde et je ferme les yeux, pour me concentrer uniquement sur ma respiration, en douceur. C'est le cœur lourd et déboussolé que je reprends le chemin qui me ramène à la réalité. Je m'interdis de m'approcher d'elle. Pour pas avoir affaire aux nombreuses questions des invités, on a patienté dans les loges jusqu'à la fin du séminaire. Une fois la salle de réception vide, on est partis. J'ai consacré ces deux dernières heures à essayer de comprendre ce qui s'était passé et à recoller un à un, tous les morceaux de la soirée. Une fois chez moi, je me vautre dans le canapé devant la télévision pour regarder les informations de la journée. Les médias locaux persistent à répéter inlassablement les mêmes problèmes liés au changement climatique, comme si le monde était sourd à leur message. La Terre court à sa perte, beaucoup préfèrent se voiler la face comme si rien n'avait changé, d'autres restent sceptiques et certains en profitent. Et puis, il y a moi qui m’en branle, car de toute façon, après ma vengeance assouvie, je quitte ce monde.
***
Alors que plusieurs jours se sont écoulés depuis notre rencontre fortuite, la citation de mon cousin me revient sans cesse en mémoire. Un jour tu tomberas sur elle et elle te mettra un nouveau cœur. À l'époque, je lui ai ri au nez en lui disant : Les contes de fée n'existent pas ! Cependant, même si je refuse de croire que c'est d'elle dont il me parlait, elle quitte jamais mon esprit. Malgré ça, Loïs, mon acolyte - vous savez, celui que j'ai mis au diapason - me sermonne de ne pas tomber en dépression, foutaises, je préfère laisser ça aux faibles, j'ai jamais sombré dans ce marasme. Pour appuyer ses dires, il prétend que mon visage devient blafard et m'accuse d'éviter le soleil, il est con lui ou quoi ? on est en plein mois d'octobre et il fait encore trente degrés ! Les nombreux trous dans la couche d'ozone sont de notoriété publique ! et les rayons lumineux brûlent notre peau !
— C'est une excellente idée de rester ignorant de tout ce qui s'passe dans l'monde. J'veux dire, c'est tellement surévalué d'être informé et conscient de la merde dans laquelle ont vit. Pourquoi perdre son temps quand on peut s'prélasser dans une bulle d'ignorance et de complaisance ? Sur ces paroles et sans attendre le moindre retour de sa part, je quitte le salon. Dans mon bureau, je relis pour la énième fois les réponses tant attendues par Loïs concernant… elle. J’ai dorénavant connaissance de son nom, Miller, de son âge (je la dépasse de trois années) de son adresse et de ce qu'elle faisait au séminaire. Lorsque j'ai lu son prénom, Kira, je me suis demandé si elle avait aussi des origines japonaises puis je me suis rappelé les traits de son visage et j'en ai déduis que non. Pourtant, il signifie « tueur ». Pour elle, ce sera ma tueuse, et j'ai bien l'impression qu'elle a tué celui que j'étais, et ce, sans même le savoir ni le vouloir. Un mail vient d'arriver et m'arrache de mes pensées, j'en prends connaissance.
Prénom : Inconnu
Nom : Whyte
Âge : 21 ans.
Lieu : bois de Vincennes
Heure : 22 heures.
Et sa photo.
Le nom de l'expéditeur est crypté, cela est sans importance, je suis familiarisé avec ce procédé. J'indique à mon coéquipier que je m'y rends seul, en effet, une nécessité de répondre à un besoin essentiel de ressourcement et d'expression de mes pensées m'y oblige. Je suis persuadé que ce moment de solitude à me venger sur un homme va assouvir mon mal-être constant. Pendant le trajet, je réfléchis à mon plan d'action, ça va être simple, je ne fais jamais dans la finesse. Il est vingt et une heure trente lorsque je me gare près du parc, je prends mon arme et je vais patienter sur un banc éclairé par quelques vieux lampadaires clignotants. Dans la demi-heure suivante, je ne suis pas étonné de le reconnaître au milieu de sa bande de potes, les informations qui nous parviennent sont toujours exactes, ils sont guettés plusieurs jours afin que l'on connaisse leur routine. Une fois certains, c'est à ce-moment là qu'ils nous en informent. Ils marchent, rient à souhait. Ça va vite lui passer. Je le suis de loin afin de rester discret. Même si je n'ai aucune idée de ce qu'il a bien pu faire et que je ne le saurais probablement jamais, aucun meurtre prémédité n'est commis en vain. Je sors mon higonokami* de ma poche et je l'ouvre, il a un tranchant incomparable. Il ouvre la porte d'un immeuble, après avoir agité sa main pour dire au-revoir à sa bande, il se rend à l'intérieur, j'active le pas et je passe mon pied avant qu'elle ne se referme. Il se retourne vers moi, la peur est lisible dans ses yeux, j'ai l'habitude de voir ce regard qui suggère la culpabilité. Mais c'est trop tard, ces quelques secondes donnent l'opportunité à l'ex agresseur de se repentir. J'agis avant qu'il n'aie le temps de m'implorer d'une voix pleine de détresse, j'étouffe ses cris en compressant sa bouche avec ma main. D'un coup vif, je plante mon arme blanche dans sa gorge, jusqu'à entendre son dernier souffle. Son sang gicle sur mon costume, ça me frustre, c'est le genre de tâche que l'on ôte pas. Son corps devient de plus en plus lourd, jusqu'au point de confirmer qu'il est dorénavant sans vie. J’agis toujours durant la nuit. En effet, ça écarte le nombre potentiel de témoins. J'appelle Loïs.
— Enfin un signe de vie.
— Tout dépend pour qui, je dis en souriant à ma connerie.
— T'en as mis du temps ! Tu commences à te faire vieux…
— Au lieu d'ouvrir ta grande gueule et encore brasser d'l'air, tu te ramènes avec ta caisse ?
— Pourquoi c'est toujours la mienne qui transporte les cadavres ?
— Parce qu'elle ne sert qu'à ça, j'affirme dans un rire étouffé.
— Enflure !
— Tu répéteras ça lorsque je serai devant toi. D'accord ?
Il déglutit.
— Où es-tu ?
— Localise-moi ! Abruti !
Je raccroche, il a le don de m'énerver avec ces questions à la con. Je patiente, tourne en rond, c'est long, beaucoup trop long. Il arrive enfin, j'ouvre le coffre de sa bagnole, il tire le cadavre, je l'attrape et je le jette moi-même. Il faut vraiment tout se taper.
— Hé ! T'aurais pu au moins attendre que j'étale la bâche !
Je lui jette un regard noir pour qu'il la ferme. Je claque la porte du coffre, puis je passe devant lui en lui arrachant les clefs de sa bagnole. Il fulmine sur place à cause de mon audace, je lui réponds par un sourire narquois.
— Et il avait fait quoi ce malheureux ?
— Aucune idée, et surtout, j'en ai rien à foutre.
Nous partons en direction de chez moi pour faire disparaître l'intégralité du corps. Si j'étais persuadé de réussir à lâcher prise en éliminant une cible, je me suis bien fait berner. Kira n'a pas quitté une seule seconde mon esprit.
Higonokami* : couteau traditionnel japonais
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