« Rita m’a retourné le cerveau, bien qu’il soit jamais vraiment à l’endroit. J’ai besoin de me vider l’esprit, et pas que… »
Jules
Inutile que je me fasse chier à aller draguer une nana dans un bar, ou dans n’importe quel autre endroit. J’ai, sous les yeux, une liste de prostituées et toutes consentantes. Je pioche au hasard car je prends jamais les mêmes, ça m’assure aucun risque de rapprochement, je saisis mon portable et l’appelle en numéro privé pour lui donner rendez-vous dans un hôtel. Elle confirme avec hâte.
Sur le seuil de la porte prêt à être franchit, je croise Rita. Son regard en dit long… Je fais mine de pas m’en rendre compte alors que connaissant le personnage, elle aurait préféré que l’on discute.
Dans mon garage je prends ma voiture et en une vingtaine de minutes, j’y suis. J’ai choisi un hôtel luxueux, mes gouts pompeux d’aujourd’hui m’aide à pas me souvenir dans quoi j’ai grandi. J’ai de l’argent, j’en profite.
La réception payée, il me reste plus qu’à rejoindre la chambre.
Visiblement, la chance a encore décidé de me cracher à la gueule. Une jeune femme, aussi blonde que Kira m’adresse un sourire éclatant. Et moi, je souffle d’exaspération.
— Je crois que j’ai tiré le gros lot aujourd’hui… M. Montana en personne.
Génial. Elle savait pas qui j’étais avant que je me plante devant elle. En effet, j’utilise pas ma véritable identité. Mais un pseudonyme : Jules-la-Culbute…
Pas besoin de vous dire qui a crée mon profil avec une photo de labrador…
J’ai tout d’abord manqué le tuer une fois de plus. Puis, j’ai réussi à retirer cette photo débile. Mais vu qu’il s’est entêté comme un con à tester de trop nombreux pseudos, le site à boguer et a validé définitivement : Jules-la-Culbute…
Et encore, c’est le cadet de mes cauchemars, car j’ai échappé à :
Vingt-deux-centimètres-v’la-Jules : - information qui doit rester confidentielle.
Le-Duc-de-la-Levrette : - digne d’un titre de noblesse à la con.
Le-Prince-de-la-Galipette : - si j’avais voulu avoir l’air d’un prestidigitateur du porno.
Bref, j’aurai préféré me jeter sous un train plutôt que d’assumer cette connerie. Mais c’est trop tard. Jules-la-Culbute est entré dans l’histoire…
— J’suis pas ici pour discuter ! je gronde pour la remettre à sa place et histoire de décharger ce foutu désespoir d’avoir un acolyte aussi abruti.
Je grince des dents lorsqu’elle se déshabille en se tortillant devant moi, ça suscite une réaction irritante de ma part. Je lève les yeux au plafond, je reste complètement indifférent malgré sa chevelure blonde qui me rappelle celle de Kira.
Enfin nu devant moi. Seul bémol, c’est tout mou dans mon pantalon. Pour pallier ce problème, je pense au moment ou elle va s’emparer de ma queue et me sucer. En temps normal, ça l’a fait durcir. Elle jette sa crinière blonde en arrière pour se montrer prête. Et moi, j’imagine Kira.
Evidemment, mon membre fait pression en quelques secondes, j’attrape la prostituée par ses cheveux et la plie à genoux devant moi. Elle détache le premier bouton de mon costume. Mais au moment qu’elle veut continuer à déboutonner les autres, une envie soudaine de gerber me surprend. Instinctivement je me retourne et porte la main à ma bouche.
KIRA ! SORS DE MA PUTAIN DE TÊTE !
Mon palpitant s’excite et ma queue redescend, c’était à prévoir, le sang ne va pas se loger au bon endroit.
Je sais ce qu’elle essaie de faire en passant ses bras autour de ma taille et en collant sa tête à mon cul. Cette zone qu’était réservée aux coups durant mon enfance, à toujours tendance à me rendre nerveux. Obligée de faire trois pas vifs vers l’avant pour me dégager de son étreinte douloureuse. Je veux pas dégommer une femme innocente. Je sors dans le couloir quelques instants afin de retrouver mes capacités. Respirer lentement et faire taire mon passé m’aide à aller mieux.
Alors que je rentre de nouveau dans la chambre, elle me regarde bizarrement. En même temps, à la vue de mon comportement, je peux pas lui donner tort.
Qu’est-ce que je fous ici… putain…
Ses yeux me passent au crible. Dieu seul sait à quel point je déteste ça. Je la fais cesser en un claquement de doigts et lui ordonne de fermer les yeux.
Elle exécute. Pour masquer mon trouble, j’en fais de même.
Je pose mes mains sur ses épaules nues et elle plaque sa tête contre mon torse. Putain, je déteste ça, les brûlures ressenties sont insupportables. Je vois rien d’autre, elle a le don pour faire tout ce que je hais.
Je la repousse de quelques centimètres et je fais descendre ma main le long de ses reins.
— Si seulement ce pouvait être Kira à sa place…
— Ferme là !
Je fais passer son bras gauche autour de mon cou, et en un mouvement je la décolle du sol et la porte dans mes bras en rouvrant les yeux. Elle pousse un petit cri de surprise avant de sourire. Je la dépose sur le lit et je passe à genoux entre ses cuisses. Elle se dandine et patiente que je donne des ordres ou continue d’entreprendre la suite.
— Imagine, maintenant, Kira en train de se faire baiser par un sale type…
Une secousse me prend de plein fouet que j’en décolle vers l’avant. Ma main se dépose à une vitesse éclair à côté de cette fille pour pas tomber sur elle.
L’envie de vomir revient. Je comprends plus rien !
C’est inutile, j’abandonne. Je me relève, sort deux billets de cent balles et la siffle.
Elle me regarde avec incompréhension. Elle tend simplement la main pour récupérer l’argent, haussant un sourcil comme si elle hésitait à me poser une question ou me laisser filer.
— Sérieux ? Qu’est-ce qui se passe ?
Je réponds pas et je pars.
— Attendez ! elle crie pour retenir ma fuite.
Je m’arrête sans oser me retourner.
Je passe une main sur mon visage, pris entre l’envie de hurler et celle de disparaitre.
— Laisse tomber.
Ça fait combien de temps que je suis comme ça ? Que mon propre cerveau me trahit au pire moment.
Je ris jaune, même ici en payant, je suis incapable d’aller jusqu’au bout. J’ai l’image de Kira imprimée sous mes paupières.
Putain.
— Qu’est-ce qui vous arrive, Monsieur ?
— J’ai rien à t’dire.
— Vous savez, ce n’est pas parce que je vends mon corps, que je ne suis pas douée pour écouter.
— Ecouter quoi ! Que je suis pas capable de te baiser ? je tempête en tournant les talons pour me trouver face à elle.
— Je m’en fous de ça, si votre matos ne monte pas, c’est qu’il y une raison, non ?
— Bien-sûr qu’il y en a une !
— Et, serait-ce une blonde ?
Sa phrase me provoque un uppercut, me bloquant net de bouger, de parler et même de respirer.
— C’est ça hein ‽ j’ai vu juste ! dit-elle d’une voix assurée.
Je la fixe, je veux qu’elle continue.
— Pour ne pas dire toutes les nuits, je vois tous types d’hommes en vingt-quatre heures. La plupart sont mariés et souhaitent uniquement assouvir un besoin que leurs femmes refusent. Comme la sodomie ou des expériences à plusieurs. Mais vous, c’est différent, vous n’êtes pas ici pour ça. Vous êtes ici à cause d’une blonde.
Je sais plus quoi répondre. Une femme que je connais pas arrive à m’analyser en quelques secondes. Je préfère pas imaginer les autres. Je chasse cette pensée, j’en ai rien à foutre ce que les autres pensent de moi.
— C’est simple, lorsque vous m’avez vu, votre regard s’est d’abord noircit pour ensuite fuir ma chevelure.
— Comment elle a remarqué ça, celle-là ?
— Pour ma sécurité car c’est un métier qui demande de la vigilance, j’ai appris à passer au crible mes clients.
Elle m’intéresse cette femme, bien plus que son corps. Et même si j’ai pu voir sa langue, ce qui sort de sa bouche est bien plus passionnant que d’y plonger ma bite.
— Si vous convoitez une charmante blondinette, avec votre beauté, qu’elle femme ne succomberait pas ? Est-elle aveugle ?
Mon ego flatté, je souris à sa réplique.
— Je plaisante, vous êtes ravissant, c’est certain, mais qu’est-ce qui vous retient ?
— La vie que je pourrai lui offrir.
— D’accord, pour vous, elle mérite mieux.
— Ouais.
— Mais Monsieur Montana, à part elle, qui peut certifier que vous n’êtes pas justement la personne qui lui faut ? Je ne sais pas mais, mis à part convoiter un être venu d’une autre planète, sur la nôtre, je ne vois pas qu’elle femme pourrait vous dire non.
Elle fait allusion à mon physique, son regard me le confirme.
Il est possible également qu’elle ait des connaissances sur le capital social de mon entreprise, ces informations ne sont pas confidentielles, par conséquent, pour elle, je suis un bon parti.
— T’y crois aux mystères ? je la questionne pour démontrer que son discours m'intéresse.
— Non, je suis plutôt terre à terre. En revanche, je crois que vous allez mourir de chagrin si vous ne vous décidez pas à la rencontrer.
— Mourir de chagrin ? Aha, c’est quoi encore ce délire !
— Oui, vous me parlez de mystères, je vous parle d’une émotion terrible et vous semblez perplexe, Monsieur, revenez dans le monde réel, le syndrome du cœur brisé, ça vous parle j’espère.
Je lui dis oui avec ma tête, même si pas du tout. J'ai jamais entendu parler de ce concept de toute ma vie. Pourtant, même si je refuse de porter plus d’attention à ce qu’elle me dit, tout me pousse à y croire.
— Merci.
— De quoi ?
— De m’avoir écouté.
— J’ai parlé plus que vous M. Montana. elle énonce avec un grand sourire.
— Quel est votre prénom ?
— Je m’appelle Lou, Lou Payne.
— Très bien mademoiselle Payne, au revoir.
— M. Montana, et elle, comment s’appelle-t-elle ?
— Kira, Kira Miller…
— Au revoir M. Montana, et n’oubliez pas, Kira provoque le chagrin en vous capable de laisser des séquelles à vie, voire vous tuer.
Je tourne les talons et claque la porte derrière moi, sentant encore cette foutue nausée me nouer les entrailles. Mon souffle est court, ma mâchoire crispée. Dans le couloir, je me laisse glisser contre le mur, les coudes sur les genoux, la tête entre les mains.
Putain.
Je suis un putain de cas désespéré.
Avant de rentrer chez moi, j’ai besoin d’une pause. L’immeuble de Kira semble être l’endroit idéal. Trop de pression s’est insinuée en moi, et seule sa proximité m’apaise. A quelques mètres d’elle, la douleur s’atténue enfin. Je ferme les yeux et je prends le temps de faire le vide dans ma tête. Le poids s’allège peu à peu. La poule de luxe a raison…
Je relève la tête, fixe sa fenêtre. Mon cœur s’emballe lorsque le rideau bouge. C’est elle.
Son visage est flou par la distance, mais cela m’empêche pas de distinguer ses courbes. Menue, elle semble fragile comparée à l’encadrement de la fenêtre. Sa main, fine, écarte le rideau d’un geste lent et doux.
Puis, mon cœur cogne si fort qu’il ferait péter un tensiomètre sur-le-champ lorsqu’elle ouvre la fenêtre pour s’y accouder. Si elle a une vue correcte, ma voiture lui est visible. Je me paralyse à cette idée, ça s’installe dans mes pieds et ça se diffuse dans le reste de mon corps. Elle pourrait avoir peur, se demander si je veux pas lui faire du mal.
Surpris par le claquement d’une porte, je tourne sèchement la tête.
Fausse alerte, c’est une dame âgée qui vient de sortir de l’immeuble, celui ou vit Kira. Mon attention retourne vers kira, toujours à sa fenêtre. Je la contemple.
Les haut-parleurs de ma voiture retentissent et le prénom de Loïs s’inscrit sur l’autoradio.
D’un geste brutal je décroche.
— Quoi !
— Bon, t’es ou là !
— C'est pas à toi d’poser les questions ! j’suis à la place qu’tu devrais être !
— Je vois Judith tout à l’heure, si tu veux que je lui demande un truc précis. dis-le maintenant !
— Si elle lui a parlé de…
Je termine pas ma phrase, c’est inutile, ils doivent pas savoir. Comment Kira aurait pu parler de la magie qui coule de nos doigts sans passer pour une folle ?
— Parler de quoi ?
— Uniquement de comment elle se sent.
— Ça j’ai déjà la réponse, Judith n’a pas eu de nouvelles depuis plusieurs jours, elle reste enfermée chez elle.
Je déglutis difficilement ma salive. Se sent-elle si mal que moi ? Si oui, je me le pardonnerai jamais !
Conscient de cet aveu, je frappe mes deux mains sur mon volant. Loïs essaie de me calmer, je savais que c’était une putain de mauvaise idée de me mettre sur son chemin. Voilà le résultat ! Bordel !
Ma tête se tourne avec force vers la droite, cette fois, c’est elle. Je m’enfonce dans mon siège croyant passer inaperçu. Elle a les yeux posés sur mon véhicule et le lâche pas.
Intérieurement je la supplie de venir, combler le manque constant que j’ai d’elle. Et ça me bouffe. Mais d'un autre côté, j'ai peur d'en rajouter, partagé entre deux sentiments de toute façon qui m'appartiennent, le choix lui revient donc.
Loïs se permet de faire une réflexion par mon souffle qui s’est coupé. Je lui susurre de fermer sa gueule.
En même temps, mes yeux contemplent la beauté qui se trouve à quelques mètres de moi. Ce que j’avais hypothétisé sur elle, est réel. Elle mesure pas plus de cent soixante centimètres, fine à souhait. Une peau de poupée porcelaine, de grands yeux verts, des lèvres pulpeuses qui me donnent l’eau à la bouche. Elle est plus que ravissante, de ma vie j’ai jamais vu une femme aussi belle qu’elle.
Certains pourraient la trouver banale, mais pour moi, elle m’apparaît comme un ange tombé du ciel.
Elle détourne le regard, je reprends mon souffle.
— Un seul commentaire et quand on s’retrouve j’t’arrache la langue.
Il pouffe de rire.
— Très bien, tu l’auras voulu.
— Hé ! Mais j’ai rien dit !
— Tu l’as pensé tellement fort que j’l’ai entendu. J’la suis ! À plus !
— Atten…
Je romps l’appelle, j’ai pas le temps pour ces conneries. Je me demande si je serai plus discret en la suivant à pied ou en bagnole. En effet, moi et mon mètre quatre-vingt-douze on passe difficilement inaperçu.
Finalement, j’opte pour la marche. C’est plus simple que de rouler doucement avec cette bande d’impatients aux volants.
Je tente de me confondre dans la masse tout en gardant une distance suffisante avec Kira afin que nos particules ne viennent pas se mêler de la situation et la rendre encore plus difficile. Les dizaines de piétons qui grouillent sur le trottoir me rendent nerveux, ça s’agite trop autour de moi et je sens la colère monter peu à peu. Je lutte pour pas perdre Kira de vue. Ma taille a un certain avantage, elle me permet d’avoir une vue d’ensemble.
Kira pousse la porte d’une boutique d’antiquaire.
Qu’est-ce qu’elle peut bien aller fouiller dans ce genre de taudis ?
Le picotement au bout de mes doigts me rappelle à l’ordre, me faisant comprendre que je suis trop près d’elle, je recule de quelques pas pour éviter le pire – que ça dégouline à foison. Mains dans les poches, je suis plus tranquille.
Un petit quart d’heure passe avant qu’elle ne ressorte, le regard troublé.
Je me retiens de toute mes forces pour ne pas courir vers elle et lui demander ce qu’elle a. Mais j’arrive à me convaincre de rester planter dans le béton, que je suis pas ici pour établir un contact, je la suit, c’est tout.
Ses petits pas pressés me font sourire, je sais pas où elle nous mène durant dix bonnes minutes de marche, mais tant pis, je suis capable de la suivre jusqu’au bout du monde s’il le faut. Elle entre dans la bibliothèque. Elle veut juste travailler ses cours ou faire d’autres recherches ? J’en sais rien et ça me mine, j’aimerai tellement la connaitre… Savoir ce qu’elle fait, si elle se sent un minimum heureuse dans ce monde…
Je reste à l’extérieur, je serai trop vite repéré à l’intérieur. A peine assis sur un banc, je me demande combien de temps je vais rester ici à poireauter.
Mon impatience et ma soif d’intérêt à l’égard de Kira me conduisent à mon tour chez l’apothicaire. Le vieillard m’accueille avec le sourire. Alors que j’examine chaque objet qui se trouve sur les étalages poussiéreux, je suis à la recherche de ce qui aurait pu attirer l’attention de Kira. Après avoir fait trois fois le tour de cette boutique à curiosités, tout est obsolète voire inutile. Je vais vers le comptoir afin de m’adresser à l’empereur des mauvaises affaires. Je remarque que ses caractéristiques physiques ressemblent à celles des Japonais. Je tente une communication dans cette langue, il sourit, je me suis pas trompé.
Je lui demande, toujours dans la langue du pays du soleil levant :
— Une jeune femme est sorti de votre magasin il y a moins de trente-minute, pourriez-vous m’indiquer les objets qui lui plaisait ?
J’ai littéralement aucune idée si quelque chose lui a plus ou non. Mais je repense à son regard troublé, et donc, je veux savoir pourquoi.
— Est-ce que c’est votre femme ?
Je le fixe, c’est moi qui pose les questions, de quoi il se mêle.
— Je peux savoir ? je demande une dernière fois avant de m'emporter.
Il se baisse légèrement vers l’avant de son comptoir, fouille encore je ne sais quoi et en sort une petite statuette, en quelques secondes les gravures japonaises me confirment son origine.
Je fronce les sourcils pour essayer de me rappeler mes souvenirs sur les arts asiatiques et surtout comprendre pourquoi Kira l’aurait-t-elle fait mettre de côté.
Ça y est, il m’énerve quand il me dit qu’on peut pas l’acheter et tout son babil.
— C’est pas une question ! je vocifère en frappant des poings sur son comptoir.
Je suis pas certain si ce sont les babioles ou lui qui ont sursauté le plus haut. Alors qu’il devient aussi blanc qu’un linge et se demande si je risque pas de lui sauter à la gueule comme un animal
sauvage, sa main tremblante s’avance vers moi et me tend la statuette destinée à celle qui m’obsède. Je m’en saisis franchement et elle se met à s’agiter dans ma main. C’est quoi encore cette connerie !
— Tu es à moi.
Je prête pas attention à ce qu’elle dit. Si j’en crois tout ce qui s’est passé depuis que j’ai vu Kira pour la première fois, elle aussi a dû ressentir les mêmes choses que moi. Je fais glisser ma main à l’intérieur de mon pan de veste et je sors une liasse de billets de cent euros que je balance sur le comptoir.
— Elle n’est pas à vendre, je n’ai donc pas de prix à vous donner.
Pas habitué à qu’on m’offre des cadeaux, je pose un acompte d’environ mille euros avant de repartir.
De retour devant la bibliothèque non loin de la porte d’entrée, je patiente le regard fixé sur le couple de la statuette qui semble souffrir.
J’ai beau tenter de me voiler la face, par je ne sais qu’elle bizarrerie je me sens connecté à cette femme que je connais pas. Si je m’écarte d’elle, c’est la souffrance absolue.
Une foule sort du bâtiment municipal et attire mon attention, je me décale contre le mur, faut pas qu’elle me voit. Toujours ce même refus de m’approcher d’elle qui persiste.
Un instant plus tard, elle fait son apparition, même dans un grouillement d’humain elle se distingue, et c’est vraiment pas par sa taille. Elle dégage comme une aura angélique planant autour d’elle, son visage si doux apporte la confiance et sa gestuelle tendre prouve de la bienveillance. Elle semble marquée par la fatigue, ses pas sont plus lents qu’habituellement et des cernes sont visibles sous ses yeux. Je la suis d’un peu plus près que cet après-midi, la pénombre m’aide à être plus discret.
Je me demande comment j’aurai agi si j’avais pas été un mafieux. Probablement j’aurai joué les princes charmants, courant au-devant d’elle pour lui avouer qu’elle me plaisait, un bouquet de rose à la main. OK, c’est niais. Mais, j’ai appris que les choses simples sont souvent les meilleures. Or, ma vie de criminel permet pas de tempérer ni de me faciliter la tâche. Chaque jour, je suis peut-être en danger, comme je mets celle des autres. Alors, en tenant Kira à l’écart, je m’assure qu’elle soit un minimum en sécurité.
Revenu en bas de son immeuble, j’attends que la lumière illumine sa pièce, ça me réconforte de la savoir chez elle, saine et sauve.
— Bonne nuit, Kira. je soupire en fixant sa fenêtre, la statuette agitée encore dans ma main.
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