« — D’accord, la belle dorée. » -12

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Kira

En refermant la porte derrière moi, je suis confuse. Qui est donc cet homme plein de savoir ? d’humour ? et aussi avenant ? J’en perdais mes mots, mon bon sens, et pour la première fois de ma vie je rencontre une personne qui s’intéresse à moi, à ce que j’aime, à qui je suis.

Je range sa pizza dans le frigo, en une soirée, il m’en a offert plus que Lucas en plusieurs mois.

J’avoue qu’il m’a charmé par sa manière de parler, en plus de ne jamais faire les négations entièrement, il mange les mots, c’est un contraste qui m’attire. C’est marrant, tout en y songeant souriante, je me dévêts et c’est à ce moment précis que je me rends compte que je ne lui ai pas rendu sa veste : bien trop absorbée par son baiser. Je porte mes mains à ma bouche lorsque je me souviens qu’il y a rangé son portefeuille, si tout d’abord je me convaincs de ne pas fouiller, je me sens coupable qu’il n’est plus ses effets personnels avec lui.

Je piétine plusieurs fois sur place de suite, nerveuse, je regrette déjà ce que je n’ai pas encore entrepris de faire.

J’ouvre sa veste, son parfum boisé se répand autour de moi comme un effluve volatile. L’odeur enjôleuse m’exalte de nouveau comme lorsqu’il l’a déposée de manière délicate sur mes épaules. C’est comme si des notes florales se mélangeaient dans une harmonie parfaite, ayant pour unique objectif, atteindre mes sens les plus intimes.

C’est alors que je prends conscience de ma posture : mon nez enfoui dans le col de son vêtement. Une vague de chaleur me monte aux joues. Rouge de honte, je me redresse d’un coup, jetant un regard nerveux tout autour de moi-même si je vis seule. La seule chose qu’il me rassure, c’est qu’il ne le saura pas.

À l’intérieur de son portefeuille, j’y trouve une Mastercard world Elite, si je n’y avais pas prêté attention tout à l’heure, car j’étais bien trop aspergée dans le fond vert de ses yeux, cette fois, c’est sa couleur noire mât qui m’interpelle, et surtout, que je n’en avais jamais vu de ma vie. Elle est au nom de Jules Montana. Puis s’ensuit de son passeport, même prénom et patronyme. Genre : masculin, date de naissance : 13 juin 1997. C’est marrant ça, je suis née le 13 juin de l’an 2000. L’avant dernière est son permis de conduire, et pour finir, la carte de son entreprise car il y est inscrit : Don’t forgot to breath*. Celle ou il en est le directeur, si j’ai bien tout suivi. Derrière, l’adresse.

Internet aussi te l’aurait donné…

— Chut !

Je me rassure que j’aie fouillé pour une bonne cause, me persuadant que c’était la meilleure chose à faire et que, demain, je pourrais lui rapporter ses affaires.

Pendant que je rang les cartes je réalise que c’est un : Tellurien – classe réservée uniquement à ceux qui ont une connexion profonde avec la Terre, son énergie et son équilibre, ceux qui ont le rôle de protecteur de l’environnement.

Puis il y a Les Sombresols – classe réservée aux intermédiaires entre l’incertitude qui les ronge et le Sol.

J’étais tellement perturbée par sa présence que j’en ai oublié son rang…

Je me sens si minuscule face à lui et maintenant plus qu’en terme de taille… Il a tout juste vingt-six ans, et il est le directeur de son entreprise en plus de faire partie des élites de la lucidité.

Je l’admire pour sa réussite professionnelle et je dois bien m’avouer qu’il m’a aussi séduite au premier regard, avec toujours ce sourire en coin en supplément qui lui donne une allure dragueuse. Quel tombeur…

Bon, il est temps que je reprenne ma vie en main, tout ne tourne pas qu’autour de lui et je ne vais pas rester planter là à renifler sa veste toute la nuit. La fenêtre ouverte appelle au courant d’air et mon courrier vol au sol.

Je le ramasse et ouvre une lettre.

Chère mademoiselle Miller,

Je vous informe que je mets fin au contrat d’embauche au o’Brienbar. Nous avons reçu de trop nombreuses plaintes des clients concernant vos réactions inappropriées lors de leurs interactions avec vous. De plus, vos contraintes d’horaires nuisent à l’organisation de l’équipe.

Merci pour votre temps passé par...

Je n’arrive pas à finir la lettre de mon patron : je suis virée ! Mais… Pourquoi ? Mes pensées s’accélèrent. J’ai la sensation que mon monde s’effondre. A chaque pas en avant, tout le reste s’écroule.

J’étouffe dans un sanglot et je me sens vidée de toute mon énergie, perdue. Je n’ai plus la foi d’avancer, à quoi bon de toute façon.

Je lutte pour respirer, les larmes inondent mon visage et je n’ai aucune idée de comment affronter la suite.

Rien qu’à l’idée de retourner vivre chez mes parents, je suis terrifiée, j’ai le regard plongé dans le vide en me souvenant de certains moments là-bas et mes ongles commencent à gratter frénétiquement.

Cinq ans que j’en suis partie… Y retourner c’est accepter la défaite.

Alors que je me bats contre moi-même…un frisson vient perturber ce sombre recueillement. Une secousse m’alerte et je relève le nez, les yeux embués, la statuette m’appelle. Je rassemble ce qu’il me reste de courage pour me lever et m’avance vers elle. Au fur et à mesure que je m’en approche, l’homme sculpté libère des particules argentées.

— Comme celles de Jules…

Ce phénomène est inattendu, on dirait un signe que quelque chose va se produire.

« Peut-être que ce n’est pas entièrement le chaos ? » me souffle ma petite voix intérieure.

Peut-être que cette luisance, est le début d’un renouveau que je n’osais plus imaginer.

Je m’empare de la statuette d’une main abrupte afin d’être certaine de ne pas rêver. La voix étouffée revient :

Tu es à moi*

Toujours cette même langue que je ne comprends pas.

Si délirant que cela puisse paraître, mon instinct me parle et je pose l’objet contre mon cœur. J’ai comme l’impression que c’est sa place.

Après ce qu’il vient de se passer avec la statuette, j’ai comme la sensation que plusieurs semaines sont passées depuis la lecture de la lettre de renvoi, que j’ai déjà pris le recul suffisant pour ne plus être blessée. Cela ne m’atteint plus de la même manière.

Deux objectifs viennent s’interposer dans mes réflexions.

Revoir Jules.

Et trouver un emploi.

Tels sont mes desseins, mes vœux les plus sacrés, et bien que la roue du destin tourne parfois vers l’embarras, j’ose croire qu’en cette journée, ma chance sera enfin révélée.

Après avoir affronté tant de pensées et d’émotions, je sens la fatigue m’envahir. Je la laisse m’absorber : le sommeil saura peut-être m’offrir une trêve aux tumultes de ma vie.

En m’allongeant, je fixe la statuette placée en sentinelle sur la table basse, elle m’apporte protection et surveillance, dès lors, je ressens le besoin de lui exprimer cette prière :

— Si seulement tu pouvais m’aider.

***

Je me réveille. Il n’est que six heures.

Première pensée du matin, Jules. Identique à celle de la veille au soir. Il ne quitte plus mon esprit. Je me souviens lorsque Judith me parlait de son demi-Dieu, celui que j’ai rencontré hier soir ne ressemble en rien à un demi : il est tout simplement un Dieu.

Un saut d’enthousiasme me sort du lit, je suis surexcitée rien qu’à l’idée de le revoir, malgré le stress de sa présence, la prestance qu’il émet et de qui il est.

Fin prête, je prends sa veste et je rejoins son entreprise.

Des escaliers sur plus de la moitié de la longueur du bâtiment font face devant les portes. Il grimpe assez haut dans le ciel et deux tours lui font office.

Hésitante, d’un pas lent, je tends ma main pour saisir la poignée de la porte, mais je n’en ai pas le temps, les deux gardes l’ouvrent.

Ils sont vêtus de costumes noir et blanc. Mais si vous savez, James Bond etc… ben voilà, j’ai l’impression d’y être.

Rapidement, je comprends que l’accès y est privé. Ils ne me laisseront pas passer. Après les avoir salués, je leur dis :

— Je suis une connaissance de Jules Montana. J’ai sa veste, serait-il possible de la lui porter ?

— M. Montana n’est pas présent aujourd’hui, laissez-la-nous, nous lui ferons parvenir.

À l’intérieur, il y a tous ses effets personnels, et même s’ils prétendent qu’ils la lui rendront, je préfère le faire moi-même. Après tout, c’est à moi qu’il l’a prêté.

— Je vous laisse mes coordonnées, dites-lui qu’il m’appelle, s’il vous plaît, informé-je les deux gardes tout en sortant un carnet de mon sac, prête à y griffonner mon numéro.

L’un fait un pas brutal vers l’arrière tout en portant sa main à son oreille. Quant à l’autre, il me dit de patienter.

Mon regard suit le premier, il se dirige vers l’accueil ou un secrétaire s’occupe de la réception.

Puis il revient et dit :

— Veuillez m’excuser Mlle Miller, suivez-moi je vous prie.

Je ne comprends plus rien, il y a deux secondes, il me faisait comprendre de repartir et maintenant nous avançons dans le hall qui nous conduit au fond vers l’ascenseur. Sa main m’invite à y entrer. Alors, Jules est bien là…

— Au fond du couloir, porte de droite, m’indique-t-il en pressant le numéro 31 avant que les portes métalliques ne se referment.

C’est curieux. Plongée dans mes pensées, je sursaute à la voix robotisée de cette machine qui dit : 31e étage, bureau Montana.

Je m’avance dans un immense couloir, bordé de chaque côté de bureaux vitrés. Derrière les parois, des employés s’affairent soit au téléphone, soit sur leurs pc dans des espaces spacieux et lumineux. Jamais je n’avais été si admirative du luxe, sûrement parce que jamais je n’ai eu l’occasion d’y mettre les pieds.

Arrivée au fond du couloir, je vois la porte dont m’a désigné le garde. Un écriteau fixé dessus-M. Montana.

Les palpitations au bout de mes doigts s’activent, ça chauffe. Je cache ma main gauche sous sa veste et l’autre dans ma poche. La porte s’ouvre brutalement, un léger cri de stupeur sort de ma bouche. Son sourire marque l’accueil. Il semble heureux de me revoir.

Je le laisse prendre la parole, et nous commençons par les salutations.

— J’ai oublié de vous rendre votre veste hier soir. Je suis désolée, dis-je, sincère dans mes pensées.

— Ou bien moi j’ai omis de la reprendre. Mais j’ai trouvé qu’elle vous allait bien.

L’humour de cet homme me plaît, toujours le même rictus qui se dessine sur ses lèvres. Je lui tends sa veste, il s’en saisit et me remercie d’un mouvement de tête.

— Pour vous retrouver, je me suis permis de fouiller, j’espère que vous n’allez pas m’en vouloir, confessé-je, navrée.

— Ahah non, je ne vous en veux pas Kira, vous avez juste cherché à me retrouver, je vous surveille depuis belle lurette.

J’ai beau le trouver séduisant, charmant, attirant, gentil, oui, tout ça, quand il me dit ça, j’ai souvent tendance à l’assimiler à un psychopathe et envisager de prendre la fuite.

Il capte mon mal-être et change de sujet.

— Vous n’avez pas apporté la statuette ?

— Non, désolée, je ne pensais pas que vous auriez le temps.

« À peine trop pressée de partir… »

— Tant mieux, on se verra encore une nouvelle fois, dit-il avec un sourire d’aplomb en dressant sa main vers son bureau pour me convier à y entrer.

Je ne me fais pas prier, j’ai trop hâte de découvrir davantage de choses sur lui. Je suis happée par l’espace de son bureau : le mur d’en face est recouvert de vitres qui vont du sol au plafond, et les autres murs d’un blanc immaculé. Tout est flambant neuf.

Mais très vite, je repose mon regard sur Jules, il est bien plus beau que tout ce qui se trouve autour de lui. Aujourd’hui, il porte un costume anthracite, la qualité du tissu est indéniable. Ce dernier est accompagné d’une chemise blanche qui met en valeur la structure de ses épaules.

— Vous voulez boire quelque chose ? m’interroge-t-il et me fait sortir de mes réflexions intérieures.

D’un coup je rougis, Seigneur, j’espère que ça ne se voit pas trop…

« En plus d’avoir renifler sa veste hier soir ET tout le trajet pour venir ici…

— Non, merci, vous devez avoir beaucoup à faire, décliné-je ainsi son invitation.

Mais M. Montana ne semble pas avoir l’habitude de recevoir des « non », il presse un bouton sur le téléphone fixe, une voix de femme retentit. Il lui demande un café et son regard devient interrogateur et me fixe.

Mais !

Et vu que je ne réponds pas, il me questionne.

— Que voulez-vous boire ?

— Vous avez du thé citronné ?

— Vous avez entendu Marie ?

— Oui, M. Montana.

Il lâche le bouton, l’appel se coupe. Ma famille dit de moi que je suis tenace, ils ne le connaissent pas.

— Asseyez-vous, je vous prie.

Son côté dominateur me ramène à ma place de jeune femme qui ne connaît absolument rien au vaste monde du travail.

Bouche cousue, je m’assieds. Il en fait de même, plie les dossiers éparpillés et croise les bras sur son bureau.

— Si vous avez pris le temps de venir jusqu’ici, finalement, c’est que vous n’aviez pas tant à faire.

Il est plutôt perspicace et je constate qu’il se débrouille pour avoir toujours réponse à tout. Mais il se trompe sur le fait que j’ai du temps libre, même si ma présence fait penser le contraire. Je sais déjà que je vais devoir consacrer mon après-midi à chercher un emploi, mais ça, il l’ignore sait pas. Cependant, je suis heureuse qu’il me reste sa pizza dans mon réfrigérateur, ce qui permet d’assurer quelques dîners, et d’économiser pour la suite.

J’aimerais tant lui avouer la situation dans laquelle je me trouve, pas pour qu’il m’aide. Non. Juste qu’il soit au courant de ce qui me tracasse à l’instant ou il me proposera de boire un verre ou partager un repas…

Tout simplement, pouvoir me confier à une oreille attentive.

« Chose que tu n’as pas avec Judith ».

Mais c’est impossible, quelle image je lui montrerai de moi ? Qu’est-ce qu’il penserait dorénavant ? La pauvre petite étudiante qui se retrouve avec presque rien ? C’est non.

Pourtant, son regard en appelle à la confession, et même si j’essaie au mieux de le cacher, mon âme apeurée de ce que va advenir ma vie doit se discerner.

Un coup frappe à la porte, après son accord, une jeune femme rentre tenant en ses mains un plateau. Y sont déposés deux mugs et une dizaine de viennoiseries. J’en ai l’eau à la bouche.

— Bonjour, M. Montana, je vous le pose ici ? demande-t-elle souriante en montrant le centre du bureau à l’aide de son regard. D’un signe de tête, il approuve.

Brune aux yeux bleus, pas plus épaisse que moi, à quelques centimètres près, nous faisons la même taille. Elle ressort.

— C’était qui ? demandé-je pour connaître un peu plus les personnes qui l’entourent.

— Ma secrétaire, Marie. Elle travaille pour moi d’puis deux ans. Elle est discrète et effectue tout c’que j’lui réclame.

Tout ? Comment ça ! tout !

Je comprends qu’on la loue pour ses mérites, mais les yeux de Jules ont un air taquin. Se serait-il remis à jouer ?

— Si elle vous satisfait, c’est l’essentiel.

Il éclate de rire, je n’ose pas lui demander pourquoi. Il prend un croissant et s’amuse à me le faire passer sous le nez en moulinant du poignet. Ça me sort de mes pensées négatives à l’égard de sa secrétaire particulière. J’essaie de le prendre afin qu’il arrête ses bêtises, j’ai l’impression qu’il joue comme il pourrait le faire avec un enfant pour le mettre en appétit.

— Avouez qu’vous avez pas déjeuné.

Maintenant, je suis certaine qu’il adore faire des suppositions dès qu’il en a l’occasion.

Cette fois, il a raison. J’acquiesce de la tête et je croque dans le croissant qu’il tient toujours devant moi. Je ne sais pas ce qu’il me prend tout à coup.

Je manque m’étouffer en avalant, et je regrette déjà mon geste. Mais qu’est-ce qu’il m’a pris ?

Il me regarde, ne montre aucun signe de stupéfaction au sujet de ma réaction spontanée qui n’est, cela dit en passant, pas élégante.

Très mal à l’aise, je baisse les yeux.

— Mangez autant que vous le voulez.

Se doute-t-il de ma situation précaire du moment ?

Étant donné sa franchise, s’il avait le moindre soupçon, il l’exposerait sans aucune hésitation.

Silencieux, nous sirotons nos boissons chaudes. Cherchant dans nos regards respectifs ce que pense l’autre.

Je suis transportée dans un océan vert émeraude, mon cœur palpite. Sous hypnose, je retiens mon souffle, puis lentement je relâche l’air qui était emprisonné dans mes poumons.

Tout à coup, je me sens gênée d’avoir été prise en flagrant délit de contemplation. J’essaie de me concentrer sur autre chose, mais tout en lui me fascine. Quand je regarde sa bouche, j’ai envie d’entendre sa voix suave, quand je regarde ses cheveux noir ébène, j’ai envie d’y passer ma main, quand je regarde son cou dénudé, j’ai envie de poser mes lèvres dessus, et quand je regarde ses mains épaisses, j’ai envie qu’elles prennent les miennes.

Pour rompre ce silence et sortir de mon état hypnotique je lui demande s’il attend d’être au travail pour déjeuner. Il sourit et me répond « non » d’une voix exquise, ce qui ne fait qu’ajouter de l’attraction pour lui.

— Kira, j’vous trouve tourmentée, puis-je faire quelque chose pour vous ?

— Non, je vous en remercie, soupiré-je pour cacher mon tracas.

— Pourtant, vous semblez avoir besoin d’aide, et j’ai l’sentiment que j’peux vous être utile, vous avez juste à m’le préciser.

Serait-ce une invitation pour me dévoiler davantage ? A lui accorder plus de temps ? A partager avec lui mes pensées enfouies que je garde jalousement pour moi ?

A croire qu’il cherche à les déterrer.

— Je… je…je ne sais pas.

Ma voix tremble sous le poids de l’incertitude. J’ai le sentiment de me trouver sur une pente glissante ou la confiance se mêle à un inconnu incertain.

« Non, Kira ! Non ! Il ne doit pas savoir ! Souviens-toi. »

La voix résonne dans mon crâne, autoritaire et alarmante qui me mettait en garde, me retenant au bord du précipice.

— Oui ? J’vous écoute.

— Je sais que vous m’écoutez, Jules, mais je dois y aller, dis-je en me levant brusquement de mon siège, comme si seul l’éloignement de cet homme pouvait mettre fin à l’emprise qu’il commence à exercer sur moi.

— D’accord, la belle dorée.

Je tressaille à sa réplique. Il vient de me donner un surnom. Juste comme ça. Comme si c’était naturel, évident. Mon regard se fige sur lui, incapable de se détourner.

« La belle dorée ‽ »

Est-ce une habitude chez lui ?

Il continue de me regarder en silence, comme si c’était calculé, laissant le surnom flotter dans les airs, que je l’assimile ?

Est-ce une manière anodine pour lui de taquiner les femmes ?

Son regard devient perçant, il m’observe avec intensité, guette ma réaction, mon moindre mouvement, mais je suis comme paralysée.

Ou…est-ce que c’était destiné uniquement à moi ?

— Co…comment ? je balbutie, même si j’ai très bien entendu.

Un sourire étire ses lèvres, amusé.

— Quoi ? rétorque-t-il en relevant un sourcil. C’est pas mérité ?

Tout en me secouant la tête, je cherche quoi répondre. Je n’ai pas l’habitude que l’on me donne des surnoms, personne ne l’a jamais fait mis à part ma mère.

— Je… je… je ne sais pas… ânonné-je en baissant encore plus la tête, prête à tout pour fuir son regard.

Le silence s’installe d’autant plus, je sens qu’il m’observe encore, qu’il attend, mais je suis incapable de lui faire face.

Mon cœur bat bien trop vite.

Je dois partir, et tout de suite !

— Je…je suis désolée…

Je me détourne sans attendre de réponse et m’empresse de partir. Il ne me retient pas.

« Mon bel argenté aurait pourtant parfaitement convenu. »

Je prends l’ascenseur en sens inverse et je peste contre moi-même. Je m’en veux à un point inimaginable. Impossible de lui poser les questions qui me torturaient l’esprit comme : quand est-ce que l’on se revoit pour qu’il traduise les paroles de la statuette ? Ou même pourquoi le garde du hall d’entrée a-t-il changé d’avis quelques secondes après et m’a-t-il laissé monter ? Il était pourtant là, en face de moi, il attendait que je l’interroge, mais non. La raison est qu’en temps normal, je reste réservée et pas mal en retrait, mais alors devant lui, c’est encore pire. Il m’impressionne de trop. Par sa nature et son autorité, il attire l’attention et suscite l’admiration. Il prend une place monumentale, et ce, dans tous les sens du terme. Il parle fort, sa voix grave et suave lui donne confiance en lui, cela lui apporte la sérénité, la détermination intérieure suffisante pour le rendre radicalement séduisant.

Je suis bien décidée à le revoir, j’ai besoin d’apprendre à le connaître. Mais pour cela, il va falloir que je travaille sur moi : je ne peux pas rester sans voix lorsqu’il est devant moi.

« Allez, Kira, c’est comme les oraux à la fac, on expose le sujet et l’on y va. »

Pff facile à dire.

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