Chapitre 13 :
Était-ce une bonne chose que Kendra se soit enfuie ? Maryline n’en savait rien, mais elle s’efforçait de croire que cela l’était. Au moins, un d’eux avait réussi à s’échapper et à retrouver sa liberté. La jolie blonde préférait que ce soit Kendra. Cette dernière était la plus jeune. Contrairement à elle ou Marin, elle aurait tenu moins bien. De toute manière, elle avait déjà commencé à lâcher, même si elle avait été là, Maryline n’aurait pas été certaine de pouvoir l’aider.
La jeune fille enfonça une nouvelle fois le canif dans le mur pour tracer une barre profonde. Puis elle le retira avant de le ranger sous son matelas. Théo le lui avait donné, mais elle n’avait pas le droit de posséder des objets, lors des contrôles, elle se devait de le cacher, et le mettre dans ses poches ne fonctionnait pas. Ils contrôlaient aussi ses poches. Les surveillants des prisons tournaient chaque semaine même si Théo essayait de gagner cette tâche souvent, mais les autres prenaient aussi un malin plaisir à embêter leurs deux détenus préférés : Maryline et Marin. Ils n’avaient pas été regroupés dans la même cellule. Les conseillers tenaient à les tenir séparés pour qu’ils ne puissent pas comploter ensemble, même s’ils ne pouvaient pas contacter l’association. Maryline ne savait pas vraiment comment était traité l’agent de l’organisation. Elle savait juste que Kilian lui avait rendu visite une fois tout seul, puis une deuxième fois avec Cassandra. Maryline ne recevait pas de visite, du moins, pas officiellement. Officieusement, Théo venait la voir tous les jours. Même si cela ne durait pas longtemps, c’était déjà ça. En tant que gardien le plus jeune, le jeune homme devait faire ses preuves. Il n’était pas considéré totalement digne de confiance car il avait pratiquement le même âge que Marin et Maryline. Si les conseillers pensaient qu’il y aurait un surveillant ripou, ils suspecteraient le jeune homme immédiatement. Ils pensaient que vu son jeune âge, il était plus sujet à apprécier les deux prisonniers. Ils n’avaient pas tort, mais Théo savait cacher son jeu. Il arrivait à les duper pour le moment.
Maryline lissa la fine couverture de son lit avant d’arpenter la salle en posant une main sur les quatre murs. Ils étaient tous différents, tous marqués, comme s’ils gardaient le passage de tous les prisonniers. Maryline ne savait pas combien avait logé cette cellule, mais elle pensait qu’ils avaient été trop nombreux pour qu’un mur corresponde à chaque prisonnier. Le mur de la porte était étrangement intact, mais peinte d’une couleur différente des autres, alors que tous les murs étaient gris, ce dernier était marron. Les responsables des prisons avaient sûrement voulu cacher quelque chose d’horrible sous cette épaisse couche de peinture. Maryline en frissonna, imaginant des dangereux criminels tués des surveillants ou l’inverse. Des scènes de torture lui vinrent à l’esprit et elle se roula en boule pour essayer de les sortir de sa tête. Ce n’était pas très agréable. Un des murs du côté était parsemé d’enfoncement. Des chaînes étaient accrochées à des petits bouts de fer dans le mur. Le mur de l’autre côté était orné de traits enfoncés, ainsi que du sang séché. Ils avaient commencé à le repeindre, mais ils avaient abandonné. Le mur, contre lequel la couchette de Maryline était, était marqué de traits ainsi que de petits trous qui laissait apparaître la terre, lui rappelant que la prison se trouvait sous terre, ce qui était plus difficile pour tenter de s’enfuir. La surdouée soupira et se laissa tomber sur son lit, appuyé contre le mur. Est-ce que la cellule de Marin était en meilleur état que la sienne ? Elle espérait pour lui, toutefois elle en doutait. Toutes les cellules devaient être dans un état plus que déplorable. La jeune fille ferma les yeux et se remémora son dernier interrogatoire. Comme d’habitude, cela n’avait pas été une partie de plaisir. La jeune femme, avait été attachée à la chaise comme à l’accoutumée. Des tas de questions auxquelles elle n’avait pas répondu. Une perte de temps pour eux, et c’était déjà cela de gagner pour l’organisation. Mais, Maryline avait très peur des représailles.
Maryline sentait les menottes la serrer très fort. Lui couperaient-elles la circulation ? Elle en avait bien l’impression. Cela lui faisait mal. Elle repensa aux corps de sa tante. Lorsqu’ils étaient encore dans les bâtiments, M. Past n’avait pas été tendre avec les surdoués. Alors qu’ils étaient partis en mission « recherche de documents », Samuel et Maryline s’étaient fait attraper et M. Past leur avait montré des images de morts et des fausses images dans lesquelles ils torturaient leurs familles. Sauf que dans les vrais, il y avait la tante de Maryline dans le tas. Et cela, la jolie blonde ne pouvait pas l’oublier. Elle releva doucement la tête quand elle entendit quelqu’un s’asseoir lourdement sur la chaise. Un vieil homme aux cheveux blancs et au teint basané orné de multiples rides infinies lui faisait face. Maryline n’avait jamais autant détesté le bleu de sa vie. Pour elle, les bleus des yeux lui représentaient le ciel, ou la mer, voire la douceur comme Samuel, mais les yeux du vieux type lui paraissaient plus être de la haine qu’autre chose. Ses amis… Où étaient-ils en ce moment ? En Opartisk ou autre part ? Maryline ne pouvait pas savoir. Marin le savait, mais pas elle. La blonde resta muette, attendant une question à laquelle elle ne répondrait certainement pas. Réussirait-elle à faire gagner encore du temps à l’association ? Arriverait-elle à s’éviter des sanctions aussi terribles que les personnes battues à sang qui avaient résidé avant elle dans sa prison ? Maryline se devait de tenir le coup. Pour elle et ses parents. Elle ne pouvait pas mourir alors que ses parents la savaient en cavales… Alors que c’était faux. Ils voulaient juste brouiller les pistes. Maryline n’était pas en fuite mais prisonnière des conseillers. Pour eux, elle ne devait pas être estimée plus importante que Marin, car Marin était un membre de l’association depuis longtemps. Sur ce point, il en connaissait plus qu’elle. La seule chose que la jeune fille risquait d’être utile, c’était de servir aux attaques des armées d’Opartisk ou comme moyen de pression.
— Où est ton amie ? La petite fille, tu sais où elle est, j’en suis certain.
Le vieillard n’était pas comme les autres. Il parlait d’une voix calme et paisible. Il devait être un fin manipulateur qui savait comment arriver à ses fins. Sauf que même si elle était affaiblie, la surdouée n’allait pas se laisser influencer si facilement. Elle ne souhaitait pas paraître comme un pion sur un échiquier. Elle n’était pas cela. La jeune fille n’était sûrement pas la pire prisonnière, ni la plus récalcitrante, mais elle ne comptait pas être la plus coopérative non plus. Sauf qu’elle ne disait que la vérité : elle ne savait pas où se trouvait Kendra, si la petite fille s’était enfoncée encore plus profondément dans le désert, ou si elle avait réussi à regagner l’association. Maryline espérait juste qu’elle soit vivante et qu’elle ne se fasse pas attraper. Peu lui importait depuis qu’elle était emprisonnée.
— Elle s’est enfuie. Mis à part se perdre dans le désert, je ne sais pas où elle a pu aller.
Le vieil homme, qui devait indubitablement être le chef des prisons s’enfonça dans son siège et fit mine de réfléchir. Le faisait-il vraiment ? Sûrement. Pourquoi avait-il l’air d’être un chef ? Par sa carrure et son charisme ? Maryline ne chercha pas à deviner. Ses cheveux lui tombèrent devant les yeux et elle souffla dans l’espoir qu’ils se décalent sur le côté, en vain. Ce fut un garde qui lui coinça ses mèches rebelles aux oreilles. La jeune fille releva la tête, c’était Théo. Elle lui fit un sourire auquel il ne répondit pas, pour ne pas se faire prendre.
— Merci M. Mosjrisk-Leijh, annonça calmement la voix du vieillard.
Peut-être lui avait-il demandé de le faire pour lui. Maryline ne se tracassa pas pour cela. Elle commença à fixer le tas de papiers retournés sur la table. Qu’est-ce qu’il y avait inscrit ? La blonde aurait bien voulu savoir, mais elle ne pouvait pas se redresser et tendre les bras pour les prendre. Tout avait été pensé. Le vieillard se courba et appuya ses coudes sur la table pour joindre ses mains afin de supporter sa tête. Il plissa les yeux mais garda tout de même une expression si impassible que Maryline arrivait sans peine à imaginer un mur lisse, sans bosse à la place de la tête du vieil homme. La jeune fille réprima un soupir alors qu’il le laissa apparaître, elle lui lança un regard noir. S’il voulait faire croire qu’il avait l’impression de perdre son temps, il y arrivait. Sauf que cela importait peu à Maryline, elle s’en fichait complètement. Si en plus elle devait avoir de la compassion pour ses détracteurs… C’était peut-être un peu trop demander. Il ne fallait pas pousser mémé dans les orties tout de même. Du moins, pas avec la jolie surdouée.
— Que sais-tu sur cette fameuse association secrète ?
Secrète… Cela sonnait tellement faux. Elle ne pouvait plus vraiment être nommée comme telle puisqu’elle avait été démasquée. Ils avaient même réussi à capturer un agent. Maryline en avait un goût amer dans la bouche. L’association secrète était déjà dans une position délicate. Elle ne devait pas l’empirer encore plus.
— Elle voulait nous faire sortir des bâtiments, mais je n’en sais pas plus.
Le vieillard tapa sa main sur la table et une feuille s’envola par terre.
— Tu mens !
— Je ne sais rien, que ce soit utile ou non. Et si vous ne me croyez pas, tant pis pour vous.
Le vieillard se leva et fit les cent pas avant de se poster derrière Maryline. La jeune fille le sentit se pencher et sentit son souffle descendre sur sa nuque. Elle ferma les yeux et mordit la lèvre.
— Si je te laisse les rejoindre avec un microphone indestructible pour nous permettre de tout entendre, tu accepterais ce marché ? susurra-t-il à l’oreille.
Maryline eut un rire nerveux presque sarcastique. La jeune fille ne pouvait s’empêcher de penser qu’il était excessivement stupide. Elle rouvrit les yeux. Il n’y avait plus personne devant elle, et la seule chose qu’elle voyait sur le mur, c’était un tableau blanc sans aucune trace de feutre, Maryline n’en voyait pas d’ailleurs. Néanmoins, lors de son dernier interrogatoire, il ne s’y trouvait pas. Ce n’était pas un tableau pour faire joli, elle en était consciente.
— Non. Vous pensez sérieusement que j’accepterai ce marché sans intérêt ? Je n’y gagne rien, à part une fausse liberté.
Elle sentit sa présence derrière elle disparaître. Il réapparut dans son champ de vision, il semblait plus dur, encore plus impassible, encore plus inhumain. Les adultes de l’état possédaient-ils une once d’humanité ? Très peu. Cela n’avait pas échappé à Maryline. Le vieillard posa ses mains sur la table et tourna sa tête vers la surdouée.
— Et si… Si ta famille serait menacée ? Que ferais-tu cette fois ? Épargnerais-tu encore des petits amis en fuite sauverais-tu ta famille ?
La respiration de la jeune fille se fit de plus en plus difficile. Sa gorge lui brûla horriblement et elle ne put retenir quelques larmes.
Assise contre le mur sur son pseudo lit. C’était sa position. Les jambes ramenées contre elle et ses bras le long du corps. En y repensant à cet interrogatoire, Maryline se retrouvait sous le choc. La jeune fille était au pied du mur, elle à chaque fois qu’elle avait l’impression d’avoir sombré aussi bas que les profondeurs le permettaient, elle s’écroulait encore et toujours. C’était insupportablement interminable. Elle avait été tiraillée. La jeune fille s’était tue. Mais à quel prix ? Que feraient-ils à ses parents ? Cela en valait-il vraiment la peine ? Maryline voulait être loyale envers ses amis et l’association, mais en les protégeant, elle avait tout de même le sentiment d’avoir fait le mauvais choix car à un moment ou à un autre, elle et sa famille en payeraient les conséquences. La jolie blonde avait envie de se gifler. Bien évidemment qu’elle avait pris le mauvais choix ! Lorsque la porte s’ouvrit, elle sauta sur ses pieds en séchant ses larmes, pensant que c’était Théo. Sauf que ce n’était pas lui. Un homme d’âge mûr, grand et baraqué aux cheveux châtains entremêlés de mèches blanches s’avança dans la pièce. Maryline recula et tomba sur le lit, le haut du corps droit comme un i.
— Suis-moi ! aboya-t-il. Immédiatement ! L’autre a déjà fait des siennes donc si toi tu t’y mets je t’arrache la tête.
Maryline déglutit péniblement et se releva. Elle le suivit sans question et il lui broya le bras pour s’assurer qu’elle ne tente pas de s’échapper. Sauf que Maryline ne l’aurait pas fait. Jamais elle n’aurait risqué de s’enfuir seule, et elle en connaissait les conséquences maintenant. Ils descendirent encore plus profondément sous terre. Arrivée au bout de l’escalier, elle ne voyait rien. Il faisait très froid et tout était sombre, mis à part la lueur d’une lanterne accrochée au mur par un clou tordu. Le garde la prit et avança rapidement en se plaignant, traînant Maryline avec lui alors qu’elle peinait à garder le rythme de sa marche. Elle trébucha plusieurs fois à s’en racler les genoux au sol car il continuait de marcher.
— Ne t’arrête pas ! gronda-t-il de sa voix grave et menaçante.
— Où allons-nous ?
Sa seule réponse fut le bruit de ses pas rapides qui martelaient le sol. La jeune fille regrettait amèrement la gentillesse et la compréhension de Théo. Sauf qu’elle savait qu’il était le seul à intervenir de cette manière. D’habitude c’était lui qui la surveillait quand elle se trouvait hors de sa cellule. Du moins il essayait d’être celui qui était tout le temps nommé pour l’accompagner. Cela n’avait pas dû fonctionner cette fois-ci.
— J’espère que tu ressortiras dans l’état encore pire que celui de ton compatriote, déclara-t-il.
La surdouée ne savait pas de quoi il parlait, mais tout cela ne lui présageait rien de bon. Elle s’inquiéta pour Marin. D’après les dires de son très aimable surveillant, il était reparti dans un état déplorable. Allait-elle finir brisée en mille morceaux ? Maryline savait qu’après tous ses moments de solitude, rien qu’un tout petit événement pouvait l’effondrer et disperser les parties de son âme. Il y avait sûrement pire, mais qu’allaient-ils encore lui faire subir ? La jeune femme aurait aimé croiser Marin pour juger son état pour savoir comment elle allait en ressortir. Mais elle ne pouvait pas, et cela la frustrait, elle ne savait pas à quoi s’attendre. Lorsqu’ils s’arrêtèrent brusquement, Maryline tomba lourdement sur les genoux et serra les dents lorsqu’elle sentit les pointes de cailloux s’enfoncer dans sa peau. Les ricanements du garde furent glacials. Elle se releva et tint sur ses rotules douloureuses en sentant des gouttes de sang glisser le long de ses jambes. Ils étaient dans le noir et le garde toqua à une porte qu’elle ne pouvait donc pas voir. Lorsqu’elle s’ouvrit toute seule, les quelques filets de lumière suffisaient déjà à aveugler Maryline. Le garde la poussa à l’intérieur, la cognant contre la porte. La jeune fille massa ses tempes et regarda le sol qui était tacheté de quelques points de sang. Ses genoux. Elle releva la tête et vit une jeune femme aux cheveux blond platine et un homme aux yeux verts. Ses parents se retrouvaient attachés contre un poteau. Elle s’avança en criant et tambourina contre la vitre en plastique qui les séparait. Elle cognait mais il n’y avait aucun moyen de les atteindre. La jeune fille baissa les yeux et ne put réprimer un sursaut d’horreur. Le cadavre de sa tante était par terre. Ses vêtements remplis de sang sec et la tête positionnée plus loin, pour bien montrer la violence des attaques. Le corps était en pleine putréfaction. L’odeur ne venait pas à son nez, pourtant elle en eut un haut-le-corps. En tournant la tête, elle vit deux corps entassés l’un sur l’autre à droite, une blonde et un blond. Les parents de Marin, réduits en cadavre. Maryline détourna sa tête pour fixer les siens.
— Laissez les tranquilles, bande d’ordures ! Laissez-les sortir ! Ils n’ont rien à voir avec cette histoire, ils n’ont rien demandé, encore moins d’être ici.
Le garde ricana encore et la porte claqua. Maryline tressaillit lorsqu’elle vit un autre garde apparaître avec un pistolet dans la main. Elle hurla d’horreur et cogna de plus en plus fort la vitre sans réussir à la briser. Le métal froid vint se poser délicatement sur la tempe de sa mère. Maryline n’avait même plus assez de souffle pour crier. Le garde, qu’elle avait vaguement déjà vu, affichait un sourire mauvais et prenait un malin plaisir à torturer la jeune fille et sa famille. Quelle idiote elle avait été ! Comment sa mère faisait-elle pour ne pas hurler ni trembler comme une feuille sous l’effet du vent ? Soudain, un homme apparut derrière ses parents. Un grand brun se tenait là, il laissait toujours apparaître sa confiance en soi. Il était toujours habillé élégamment, surtout lors de ses apparitions publiques. Mais tout le monde comprenait que les conseillers devaient toujours être sur leur trente-et-un. Son sourire n’était pas mauvais, il était confiant et un peu narquois. Maryline tapa une nouvelle fois sur la vitre même si elle ne la casserait pas.
— Dis-moi tous ce que tu sais sur l’association, déclara-t-il calmement et lentement.
— Je ne sais rien !
L’autre garde tira.
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