Chapitre 6 :
Iris, surprise, écarquilla les yeux avant de les plisser, suspicieuse. La jeune fille essayait de comprendre les mots qu'elle entendait de la rue, mais elle ne put comprendre que les insultes qui sortaient à tout-va. La fille aux cheveux auburn fut étonnée, il n’y avait jamais eu une quelconque manifestation dans sa ville auparavant. Sa ville était relativement calme et sans danger si on oubliait les quelques quartiers comme celui-ci, même s’il y avait toujours quelques racailles qui traînaient dans chaque bahut.
— C’est une émeute, rien de bien grave. C’est typique. Vous allez devoir vous y habituer, cela arrive une ou deux fois par jour, même plus. Il n’y a pas de jour sans. Et c’est comme cela dans tout l’Opartisk, surtout dans la capitale. Les conseillers ne font plus de rendez-vous politique. C’est déjà cela. Quoique… Comme ils ne sortent plus cela serait plus dur de les tuer, expliqua Peter.
— Il vaut mieux ne pas tuer les Opartiskains, objecta Samuel. Certes, et je suis d’accord, les conseillers sont d’une nullité incroyable, et je ne les aime pas non plus. Mais les tuer n’est pas la solution. Ils ont beau avoir fait des choses stupides, ils ne méritent pas de mourir pour autant. Est-ce qu’on tue les jeunes qui font des imbécillités à répétition ? Non, pas dans ce pays en tout cas. Si les conseillers mouraient tous, ce serait pire. Il n'y aurait plus de stabilité et le gouvernement mis en place serait peut-être encore plus mauvais. Il faut tout de même, un minimum de stabilité sociale pour qu’une société soit ne sera-ce qu’un peu stable.
— Sur ce point-là, je suis d’accord avec toi, concéda Iris. Enfin… Je veux la mort des conseillers, mais je veux avant tout penser aux pays d'abord. Et si ses dirigeants sont morts, le pays va droit au-devant des problèmes pendant un moment. Un changement de gouvernement est une étape assez délicate, longue et compliquée et qui met le clan dans une instabilité totale. Ce que je veux, c’est trouver une solution contre la maladie, arrêter cette guerre atroce tout en trouvant ces raisons sûrement absurdes.
Samuel fit tourner son index de la main droite sous les yeux d’Iris avant de lui faire un sourire narquois.
— Ma chère amie, je crois que tu en demandes un peu trop. Pour trouver une solution contre la maladie c’est assez difficile puisque l’on part de rien. Nous ne savons pas ce qu’ont fait les autres clans. Ce qui s’est avéré sans effet, et ce qui a révélé un bout de solution. Néanmoins, je trouverais intéressant de rechercher les causes de la maladie, on insiste beaucoup sur la recherche d'un remède, mais ne devrions-nous pas tenter de trouver la cause de cette épidémie ? Puis, j’en ai quand même un peu marre que tu t’accroches à l’idée qu’on pourrait stopper définitivement cette guerre. Tu n’as le pouvoir sur rien, et il faudrait faire sortir les morts des tombes.
Iris soupira. Ce n’était pas la première fois que le jeune homme lui disait d’arrêter de penser à cette guerre. Il lui avait répété cela plusieurs fois même, mais la jeune fille ne l’écoutait pas. Samuel le savait, mais il s’obstinait à essayer de la convaincre qu’elle ne pourrait rien y faire. Le brun aux yeux bleus profonds fixa son meilleur ami.
— Dis-moi Pet’… Comment as-tu su qu’une association s’était créée et proposait aux jeunes de les cacher alors qu’ils devaient se rendre dans le désert ? voulut savoir le surdoué.
— Rahh ! Enfin. Je savais que tu allais finir par me poser la question, et je n’attendais que cela ! Je suis content de l’entendre sortir de ta bouche. Grâce à ma tante, elle fait partie des responsables qui débattent lors des réunions avec les autres dirigeants et Mme. Keys. Elle en a parlé à mes parents, ils ont beaucoup hésité, car ils savaient que si j’y allais, je n’aurais plus autant de liberté qu’avant, même après les dix-huit ans. Puis finalement, ils m’y ont mis, retraça Peter.
— Mes parents n’ont pas voulu quand les tiens leur ont fait la proposition, avoua Samuel. Je leur en voulais car je savais que je ne pourrais plus te voir. Tu allais rester là, en Opartisk alors que je partais dans le désert. Puis, j’ai vite compris que de toutes façons, nous n’aurions pas été dans le même bâtiment. Même après la bombe, il y aurait eu très peu de chance. Donc je ne leur en veux plus.
Peter secoua la tête et fit un pas chassé pour pouvoir se reposer, une jambe repliée et un pied contre le mur.
— Tu ne m’as pas raconté l’histoire de la bombe ! Tout bien réfléchi, ils ont bien fait, ils ont choisi ce qu’ils pensaient être bon pour toi.
— Je sais, et c’est cela qu’il faut voir. Eh bien, on était dans un bâtiment isolé des autres et l’État a décidé de le détruire, résuma Samuel en s’enfonçant le canapé.
— Tu m’expliqueras plus en détail plus tard (il fit un clin d’œil au surdoué). Puis, regarde, il y eut des avantages que tu ne me suives pas, Sam-Sam. Déjà, finalement tu es là. Tu as découvert un autre territoire que l’Opartisk, et c’est cool. Tu as rencontré des amis géniaux. Et ta copine ici présente est, peut-être suicidaire d’après tes dires mais super-canon et super-intelligente comme toi, vous allez former un duo d’enfer, approuva Peter en observant ses ongles.
Samuel et Iris s’échangèrent un regard amusé par l’enthousiasme du meilleur ami du surdoué. Samuel commença à raconter la nuit de la bombe. Iris raconta le moment où elle était toute seule et avec Amanda, mais avant que Peter puisse se lancer dans un commentaire abracadabrantesque comme il avait l’air d’en avoir l’habitude, l’ancien infiltré qui les avait fait sortir apparu. Il resta agripper à l’échelle et ne monta pas jusqu’à pouvoir poser pied au sol. Il contempla brièvement la pièce.
— Beau travail Peter, salua-t-il. Iris, Mme. Keys te demande dans son bureau.
Iris lança un regard aux deux garçons puis se leva en fronçant les sourcils.
— Samuel peut venir ? demanda Iris.
— Cela ne va pas changer grand-chose mais si vous voulez, répondit-il en haussant les épaules.
Le jeune homme se leva à son tour et les deux surdoués s’approchèrent de l’échelle et attendirent que l’adulte descende puis Iris descendit à son tour et Samuel la suivit.
— On se revoit tout à l’heure Pet’ !
— Qu’est-ce que je vous ai dit. Vous formez un beau duo, sous-entendit Peter sur un ton taquin.
— Oh la ferme mon pote !
Samuel descendit, un sourire malicieux aux lèvres sous le rire moqueur de son meilleur ami. Les deux surdoués repartirent dans le bureau de la chef de l’association. L’infiltré ouvrit la porte et laissa passer les deux adolescents. Le visage d’Iris exprima la surprise puis elle se jeta dans les bras de la femme aux cheveux auburn et l’homme brun posa une main sur l’épaule de sa fille avant qu’elle passe un bras pour serrer ses deux parents dans ses bras. Élisa et Laurent Smarta retrouvaient enfin leur fille. Auparavant, ils ne s’étaient pas vraiment occupés de leur fille, se tuant au travail à la place. Quand elle était partie dans le désert, les deux adultes ont vite réalisé que la séparation avait été très difficile pour eux, peut-être même plus difficile pour les parents que pour la fille. Les deux adultes avaient ressenti le désagréable sentiment d’être passés à côté de l’évolution de leur fille, de son enfance, d’une partie de son adolescence. Ils ressentaient presque de la culpabilité. Samuel s’appuya contre le mur au côté de l’infiltré, un sourire aux lèvres, touché par ce tableau familial. La famille était importante pour lui, et il espérait voir la sienne rapidement. Il repensa aux autres. Il s’estimait, lui et Iris chanceux. Il avait revu son meilleur ami, et elle avait revu Mme. Keys, Marin et puis maintenant ses parents. Des figures de leur passé dont ils ne pouvaient pas se passer, même si Iris en avait perdu deux importantes, elle en avait retrouvé d'autres. La jeune fille s’écarta pour faire face à ses parents.
— Comment allez-vous ? répliqua la jeune fille.
— On va mieux que toi, je pense, tu as vécu tellement de chose, déclara sa mère en lui caressant la joue.
Iris ferma les yeux. Cela faisait des années que sa mère n’avait pas fait un geste aussi tendre, des années qu’il n’y avait plus de communication dans sa petite famille. Des années où ses parents travaillaient d’arrache-pied sans obtenir de meilleurs salaires, qui, revenaient aux riches, toujours aux riches qui ne faisaient que suivre l’État et gober ses mensonges car c'était mieux pour leur supériorité sociale. Samuel se fronça le bras et détourna le regard.
— Je crois bien que tes parents viendront demain, signala Mme. Keys à Samuel.
Le jeune homme fit son possible pour ne pas sourire, ni pour rougir quand les parents de son amie relevèrent la tête pour le fixer. Samuel n’aimait pas être au centre de l’attention, mais malheureusement pour lui, il l’était. Iris lui offrit un sourire éclatant avant de tendre le bras vers Samuel et tourner sa tête vers ses parents.
— Je vous présente Samuel, c’est un ami et il est surdoué lui aussi, présenta Iris.
Samuel les salua poliment avant de faire quelques pas pour se retrouver au côté d’Iris. Les parents de cette dernière continuèrent de le dévisager, il détourna le regard et se tourna vers Mme. Keys.
— Peter nous a dit qu’il y avait des émeutes tous les jours. Comment cela se fait-il ? Et pourquoi personne encore n’a essayé de les stopper ? se renseigna le jeune homme.
— Eh bien mon enfant, tout n’est pas si simple, et je suis certaine que tu en as conscience puisque tu m’as l’air d’être un garçon plein de sagesse. Hélas, tout le monde ne possède pas la sagesse. Beaucoup de monde se révolte contre les conseillers, et, je pense, que tout le monde en veut à nos dirigeants à part les riches. Les émeutes peuvent être vraiment très violentes, et les policiers ont renoncé à s’opposer. Avant, c’était pire que cela. Les forces de l’ordre répliquaient, si bien qu’à chaque fois, on avait l’impression que l’ennemi avait lancé un bombardement sur la ville. Puis… C’est beaucoup plus violent dans la capitale. Des incendies, des destructions massives. Une vraie guerre civile.
Iris laissa échapper un soupir. Certes, elle n’aimait pas les conseillers et leur décision, mais si la population se mettait elle aussi à faire des idioties, plus rien n’allait. Ce n’était pas en débutant une guerre civile que la guerre mondiale allait se terminer. Mais de cela, tout le monde s’en moquait, tout ce que voulait le peuple, c’était une stabilité sociale et économique. Cela leur importait peu que les clans se fassent la guerre entre eux, mais ils n’avaient pas l’air de se rendre compte qu’il ne pouvait pas y avoir de stabilité dans un pays quand il y avait une guerre. Ils étaient stupides.
— C’est quoi le programme maintenant ?
— Je vous en reparlerai demain.
Alors qu’elle s’apprêtait à parler, il y eut un coup à la porte et quelqu’un entra précipitamment, essoufflé, respirant très vite. Essayant de parler sans succès.
— Du calme voyons ! Inspirez et expirez profondément, puis parlez après, conseilla la cheffe de l’association.
L’homme qui était entré obéit, puis, après une inspiration, il sortit d’une traite :
— Madame ! L’État a enlevé le jeune Marin !
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