Chapitre 16 :

13 minutes de lecture

Kilian n’avait pas vu les choses de ce point de vue. En y réfléchissant, elle n’avait pas tort. Lui et Fred avait été si proche à l’époque. D’une certaine manière, Cassandra avait raison, Fred était sa douceur. Ses discussions possédaient le don de l’apaiser, de le faire sortir de ses idées noires, de se sentir mieux, comme s’ils construisaient une bulle autour d’eux pour oublier tout le reste. Manifestement, c’était peut-être ça aussi qui lui faisait peur en ce moment. Il trouvait que le sentiment de bien-être lui allait si mal, pour lui, il ne le méritait pas. Alors pourquoi arrivait-il à se le procurer ? Et à en profiter ? Pourquoi trouvait-il toujours le moyen de se rabaisser ? La réponse était assez simple. Depuis sa naissance on le rabaissait, apportant donc l’impression de ne rien mériter. Kilian n’arrivait pas à s’extirper de ce poids.

Bon, nous devrions rejoindre les autres. Si on est en retard, on risque de voir Past nous faire la morale pendant toute la journée. Je n’ai pas envie de risquer cette horrible peine, dit Kilian.

De toute manière, cela ne changera pas grand-chose. Il est toujours de mauvaise humeur cet idiot de soldat raté !

Liam, Charles et Fred les attendaient dans le couloir, tous les trois adossés sur le mur d’en face. Ils prirent le chemin vers un autre bâtiment similaire à tous les autres, pour aller au sous-sol. Lors de leur marche, le nouveau couple parla entre eux alors que le trio resta en retrait. Kilian et Fred se jetèrent des coups d’œil à la dérobée, en faisant le nécessaire pour que l’autre ne s’en aperçoive pas. Kilian profita d’un silence pour pouvoir parler, car ses informations n’intéressaient pas grand monde à part Cassandra :

Je suis passé voir Marin hier. Il n’allait pas très bien. Je ne sais pas pourquoi et il ne veut pas m’en parler, Théo non plus. Je crois qu’ils sont tous les deux obligés de garder le secret sous peine de recevoir une sanction. Les conseillers ne voudront sûrement pas nous en parler.

Je n’aime pas trop le fait qu’ils nous cachent quelque chose. On n’a pas trop le choix, ils doivent sûrement avoir de bonnes raisons, du moins, j’espère, répondit Fred.

Je suis d’accord. De toute façon, on verra bien. Tant que l’on peut stopper cette foutue maladie qui empoisonne la vie de tellement de personnes. C’est tout ce qui compte, renchérit Cassandra.

L’adolescente avait raison. Les techniques des conseillers avaient beau être déplorables, tout ce qu’ils souhaitaient, c’était éradiquer cette maladie. Elle n’était pas encore présente en Opartisk, du moins, pas sous une forme et des symptômes remarquables. Les chefs d’État ne voulaient pas que la maladie prenne du terrain rapidement dans leur pays. C’était pour cela qu’ils avaient constitué des petits groupes qui devaient les aider. Les jeunes ne savaient pas le but de leur mission, mais ils le sauraient bientôt. En y pensant, Kilian avait hâte, mais appréhendait surtout. Qu’est-ce que les conseillers leur demandaient-ils exactement ? Fred poussa la porte et laissa tout le monde entrer. Il faisait assez froid dans ce bâtiment. Une porte s’ouvrit et les adolescents se retournèrent. Elle s’ouvrit sur Past tenant sur une béquille. Il semblait vraiment très agacé. Le supposé militaire, sans se retrouver au front grogna et avança lentement en fusillant les adolescents du regard. Il n’aimait pas les bébés, les enfants et les adolescents. Toute personne, autre qu’un adulte qui lui semblait sensé lui était insupportable. Nicolas Past était un homme détestable auprès des surdoués. À l’égard des autres jeunes, il leur paraissait carré et antipathique, certes, mais il n’avait pas encore été désagréable avec eux. Du moins, pas pour l’instant. Les adolescents n’avaient donc aucun motif pour le haïr.

Descendez ! informa-t-il d’un ton sec sans être méprisant.

Sans aucun regard, les adolescents obéirent aux ordres de leur supérieur. Nicolas les laissa passer devant pour ne pas les retarder encore plus. Lorsqu’ils arrivèrent au sous-sol, la salle était déjà allumée. Elle était vaste, et à la vue des cibles, Kilian comprit directement avec effroi ce qu’ils allaient faire : tirer au pistolet. Le jeune homme sentit Fred frissonner alors que leur bras se touchait et Cassandra trembla dans les bras de Liam. Past frappa le sol d’un coup de béquille qui résonna dans la salle. L’homme leur fit signe de s’asseoir sur les quelques chaises entreposées au fond, il n’y en avait pas assez, ainsi, Charles et Kilian restèrent debout, appuyés contre le mur.

Bien, habituellement, les soldats s’entraînent côte à côte. Au début, je pensais vous mettre à deux d’intervalle. Finalement, j’ai une meilleure idée : vous passerez un par un devant tout le monde. Les conseillers veulent vous voir aujourd’hui, mais on a le temps. Aujourd’hui, je veux juste voir comment vous vous débrouillez avec une arme dans la main, et comment vous visez. Bien… Honneur aux dames.

Le militaire s’avança et sortit de sa poche un revolver qu’il tendit à Cassandra éberluée qui le regardait de ses grands yeux verts écarquillés.

Pour l’instant, vous utiliserez le mien. Vous n’êtes pas encore autorisé à en posséder. Bien évidemment, si je me rends compte qu’un de vous sait l’utiliser pratiquement parfaitement, je ferai une demande pour qu’il puisse le porter sur lui continuellement. Allez jeune fille ! Nous n’allons pas rester ici jusqu’à demain matin.

Cassandra souffla et lâcha la main de Liam pour rencontrer le métal froid de l’arme. Le revolver lui fit lourd dans sa main. Elle se jura de ne plus jamais en porter. La jolie brune savait d’avance que de toute manière, elle n’aurait pas l’obtention de l’arme : elle n’arrivait pas à viser. Cette constatation se renforça encore plus lors de son essai. À chaque fois que la jeune fille tirait, l’intensité la fit reculer d’un pas. Sur les cinq tirs, seulement un d’entre eux toucha la cible, sur le côté droit en bas, non au milieu. Kilian observa Nicolas Past. L’adolescent se demandait si leur professeur était exaspéré ou alors sur le point d’éclater de rire. Cassandra, elle, se trouva soulagée de ne pas savoir se servir d’une arme. Elle ne voulait pas en utiliser à nouveau. Mais elle serait obligée.

Liam arriva à atteindre la cible deux fois, une à droite, l’autre vers le milieu en haut. Charles ne fit guère mieux même si trois de ses tirs touchèrent la cible, une juste en haut du point central et les deux autres se situaient plus haut.

Kilian fut inquiet lorsqu’il regarda Fred contempler longuement le revolver. Ce dernier commençait à avoir les mains moites. Les armes avaient l’air de lui rappeler un mauvais souvenir. Kilian comprit que Fred ne lui avait pas tout dit. Certes il lui avait parlé de sa mère, de l’abandon de son père, mais il y avait autre chose. Kilian en avait bien l’impression. Le jeune homme fut surpris d’être un peu triste, pourtant il ne lui en voulait pas. Pourquoi Fred lui dirait-il tout alors que lui-même ne lui disait rien ? De toute manière, tout le monde avait ses petits secrets. Le jeune homme releva la tête avec détermination et s’empara de l’arme avec détermination. Charles lui lança un regard noir et s’appuya contre le mur, ne prenant pas la chaise de libre. Il bougonna quelque chose à l’oreille de Liam avant de croiser les bras. Kilian avait bien remarqué que Charles et Fred n’étaient pas les meilleurs amis du monde, loin de là… Kilian tourna la tête pour se concentrer sur Fred. Le jeune homme n’avait pas encore tiré. Il prit une inspiration puis tira le premier coup. Il n’était pas loin du centre. Puis il tira trop en haut, puis près de la cible, puis légèrement trop sur le côté pour finir par tirer dans la cible. Kilian resta la bouche semi-ouverte. Où Fred avait-il appris à tirer ? Kilian resta troublé. Il jeta un regard à Nicolas qui fit un sourire et l’applaudit. Fred lui répondit par une sorte de sourire mauvais.

Génial mon garçon ! C’est très bien, encore quelques entraînements et je pourrai demander à ce que tu puisses en détenir un. Bon… Suivant qu’on en finisse. Les trois premiers ont été lents, et si je vous ramène trop tard, je vais me faire taper dessus par les conseillers.

Kilian remarqua aussitôt que la séance de tir venait de faire de l’effet sur Fred. Ce dernier semblait s’être durci au touché de l’arme. Kilian décida de creuser un peu plus dès qu’il le pourrait. Fred lui passa le pistolet.

Tâche de ne pas te blesser.

Le jeune homme l’ignora et prit le métal chaud dans sa main dominante. Il s’approcha et ferma les yeux. Quelques images lui vinrent à l’esprit, et le jeune homme se souvint de la douleur lorsqu’une balle lui avait traversé le bras étant plus petit. Où qu’il soit ils resteraient avec lui. Lorsqu’il ouvrit les yeux, il venait de lever le revolver vers la cible. Le jeune homme souffla et essaya de bien s’ancrer au sol.

C’est pour aujourd’hui ? Ou pour demain ?

Pour demain, mec.

Puis il tira. La balle toucha sa cible. Plus exactement le point noir au milieu. Past se décolla du sol alors que son air hautain laissa place à de la surprise. Kilian tira encore. Le point noir fut encore une fois atteint. Alors qu’il allait continuer, Past le coupa dans son élan :

Recule !

Il obéit, s’adapta avant de tirer et arriva à loger la balle au milieu de la cible.

À droite.

Le point noir fut totalement pulvérisé.

À gauche.

La balle passa à travers le trou.

Les autres adolescents restèrent bouches bées alors que Kilian laissa tomber le pistolet à terre. Il venait de se rendre compte de ce qu’il avait fait. Ce n’était que la deuxième fois qu’il tenait une arme entre ses mains pour l’utiliser. Pourtant, il venait de réussir. La mémoire visuelle ne s’oublie pas si facilement. Il en frémit sans même s’en rendre compte. Que venait-il de faire… Il semblait être usé. Il sentit une main sur son épaule et se dégagea rapidement et violemment si bien que Past faillit tomber. Il en rit.

Alors toi mon garçon. C’est officiel ! Tu es dispensé de cours de tir et je vais demander le droit de port d’arme. Les conseillers ne pourront pas te le refuser avec la vidéo que j’ai filmée. Je ne sais pas où tu as appris à tirer, mais c’est juste incroyable !

Il lui donna une tape dans le dos et le jeune homme lui marmonna un remerciement sans engouement auquel Nicolas ne prêta aucune attention. Il rejoignit les autres sous le regard médusé de Cassandra, Charles et Liam alors que celui de Fred était rempli d’inquiétude. Nicolas Past se mit face à eux.

Bon… Certains ont un niveau élevé. D’autre médiocre mais nous allons y remédier. Demain, je veux voir tout le monde à part Kilian. Maintenant allez rejoindre les conseillers.

Les adolescents repartirent donc de la salle. Lorsqu’ils débarquèrent à l’extérieur, Fred n’était pas avec eux.

Il est où Fred ? Questionna Cassandra.

Je n’en sais rien, et je m’en fiche de cet imbécile. Cela me fait des vacances plutôt que de voir son air faussement posé et intelligent, rétorqua Charles en tournant le dos pour continuer sa marche.

Je vais aller le chercher, je vais vite ! proposa Kilian.

Il fit demi-tour et dévala les escaliers avant de s’arrêter devant la porte car il entendit des voix dans la salle de tir. C’était certain, c’était Fred et M. Past. Pourquoi parlaient-ils entre eux ? Tout en s’assurant de ne faire aucun bruit, Kilian se colla à la porte pour entendre ce qu’ils disaient.

Voyons Fred ! Je ne vois pas pourquoi cela te dérange autant que ton ami ait le droit au port d’arme. Il est excellent ! Ne t’inquiète pas, si tu es juste jaloux, je peux t’assurer que tu es un bon tireur toi aussi. Encore un peu d’entraînement, et je pourrai demander l’autorisation pour toi aussi.

Je ne suis pas jaloux. C’est pour son bien à lui ! Vous croyez quoi ? Vous pensez qu’il va bien ? Je peux répondre à cette question les yeux fermés dès la première fois que je l’ai revu ici. Il va très mal ! Plus que très mal. Alors non, je ne suis en aucun cas jaloux, si c’est pour me retrouver en train de se prendre la tête à chaque moment de ma vie comme il le fait. Je n’aimerais pas non plus être torturé comme je le vois l’être en ce moment. J’ai été dans cette situation depuis longtemps, et rien que de le voir comme cela, cela me tue. Peut-être même qu’en réalité cela fait bien plus longtemps qu’il va mal. Et, sachant que j’ai aussi été dans cette situation, je pense qu’il pourrait faire quelque chose de mal sur lui avec cette arme.

Je comprends que tu t’inquiètes pour ton ami, mais je suis certain qu’il sait ce qu’il fait. C’est un grand garçon, déclara Past.

Écoutez-moi bon sang ! Cassandra ne veut pas le perdre. Liam ne veut pas le perdre. Charles ne veut pas le perdre. Et s’il meurt, je meurs aussi. Dès que je l’ai retrouvé je me suis juré de comprendre pourquoi il n’allait pas bien et comment réussir à l’aider. Je veux l’aider. Il était tout pour moi avant. Et il est hors de question que mon meilleur ami d’enfance meurt car il ait décidé de se suicider.

Es-tu certain que c’est vraiment ton meilleur ami ?

Pourquoi…

Kilian ouvrit la porte brusquement. Il en avait assez entendu. Pourquoi Fred voulait toujours son bien ? Il ne le méritait pas. Il ne méritait pas sa clémence. Pourtant, cela n’empêcha pas que cela lui fasse plaisir. Puis… Fred n’aurait pas tort, à certain moment, il avait bien essayé de se blesser avec un pistolet chez lui en Opartisk. Dans l’état dans lequel il se trouvait, le jeune homme aurait très bien pu recommencer. Lorsqu’il ouvrit la porte et apparut, Fred resta figé la bouche ouverte, le fixant.

Je ne pense pas que les conseillers vont tolérer un tel retard, déplora le plus jeune.

Va-y Fred, on continuera notre conversation plus tard. Vous leur direz que j’ai dû vous retenir pour vous parler du port d’arme.

Kilian acquiesça et fila, suivit de Fred. Le vent frappa leur visage et lorsqu’il atteint le bâtiment des conseillers, Kilian se retourna. Fred resta figé là, le fixant. L’autre adolescent poussa un soupir et redescendit les quelques marches menant à la porte d’entrée de la bâtisse.

Tu as entendu… N’est-ce pas ?

Kilian marcha pour être plus proche de Fred et planta son regard dans celui de son aîné.

Je… Tu as raison pour le revolver, mais ne t’inquiète pas, je ferai attention. Je sais refouler mes pulsions. Qu’elles soient suicidaires ou non. Mais… Je ne comprends pas, Fred. Pourquoi t’obstines-tu à m’aider alors que c’est voué à l’échec ?

L’autre fit un sourire triste et dégagea ses mains de ses poches en étendant ses bras, si bien qu’il effleura la droite de Kilian. C’était fait exprès, mais ce dernier ne s’en rendit même pas compte.

Non, Kilian. Tu n’es pas voué à l’échec. Je veux t’aider car tu le mérites. Je sais parfaitement que tu ne le penses pas, que tu ne le crois pas, mais écoute-moi bien. Qu’importent les choix que tu as pu faire, tu es une bonne personne, et tu mérites que quelqu’un t’aide. Je veux t’aider. Donc, laisse-moi d’aider.

Il le prit par le bras et l’entraîna avec lui dans le bâtiment. Lorsqu’ils entrèrent dans la salle, le reste du groupe était déjà assis. Charles semblait toujours de mauvaise humeur, Cassandra demeurait pensive alors que Liam se tournait les pouces.

Bah dit donc ! Ce n’’est pas trop tôt ! maugréa Charles.

Fred lui lança un regard noir pendant que Kilian referma la porte. Ils s’assirent et regardèrent une jeune femme aux cheveux bruns, fines de tailles moyens aux yeux noisettes. Malgré quelques traits de fatigues, elle restait une très belle femme au charme et au charisme fou. Elle contourna son bureau et s’appuya de ses mains.

Bien… C’est moi qui vais me charger de vous expliquer vos missions. Dans le but de découvrir jusqu’où va la maladie, et comment elle se manifeste, nous avons décidé de vous séparer et de vous envoyer dans deux clans. Là-bas, nous vous expliquerons votre mission plus en détail. Le temps de prendre quelques cours de tirs et de défenses ainsi que de planifier tout cela, je pense que vous pourriez partir d’ici un mois environ. Des questions ? Avant que je continue à vous exposer le reste.

Pourrons-nous voir nos familles ? voulut savoir Charles.

Non. Vous ne les verrez qu’à votre retour. Personne ne doit être au courant de votre déplacement. Le peuple ne sait rien sur la maladie. Bien… Je continue. Vous serez donc séparés en deux groupes. Un de deux personnes, et un de trois personnes. Ouvrez grand les oreilles. Cassandra, Liam et Charles, vous irez en Kuyinto. Fred et Kilian, on vous a confié la lourde tâche de supporter et s’adapter à Siar et ses coutumes. Vous partirez tous dans le même avion pour la Siar. C’est avant tout un voyage diplomatique, nous allons essayer d’obtenir un traité de non-destruction de la part de la Siar. Vous vous ferez passer pour les fils et la fille de Bertrand et Sophia qui vous accompagneront. Puis, le trio retrouvera Christian en Kuyinto. Des questions ?

Aucune.

Bien. Alors bon entraînement.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Starry Sky ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0