Et le firmament vacille
Le ciel nocturne était défiguré. La lune était éventrée. Dans le sillage d’un hémisphère blanchâtre déchiqueté, un essaim de rocs scintillants s’éparpillaient dans la toile d’encre du ciel comme les entrailles d’un éviscéré. Les étoiles tremblaient. Depuis les bois, une musique montait vers le ciel obscur.
Dans le couvert d’une clairière encerclée de sapins, ils étaient quatre, autour d’un feu. Deux d’entre eux jouaient une musique à la fois sinistre et entrainante, l’un à la percussion, l’autre à la cornemuse. Les voix des deux instruments s’élevaient dans la nuit, autrement silencieuse, avec une harmonie aussi belle qu’inquiétante. Des deux autres, l’une était assise sur une bûche, près du feu, un paquet de tissus posé, ballant, sur les bras. La dernière, petite de taille et drapée de noir, remuait joyeusement au rythme des percussions, et finissait par danser autour du feu en faisant gigoter des gris-gris et colifichets épinglés à ses vêtements.
Harald frappa le dernier coup de percussion. Ses yeux étaient rouges de fatigue et son visage blême de froid. Il fusilla du regard la sorcière qui s’était figé en plein milieu d’un pas de danse.
« Lultressa ! J’ignore ce qu’il en est chez vous les gnomes, mais dans mon peuple on ne danse pas dans ce telles occasions. »
L’intéressée haussa les épaules en lui envoyant un regard qui ne contenait aucune excuses. La gnomesse ressemblait presque à une enfant, n’étaient sa peau grisâtre, ses oreilles difformes et pointues, et les rides qui encerclaient ses yeux. Là où un humain normal aurait eu des cernes, elle avait des sortes de grandes tâches turquoises, et ses yeux noirs ressemblaient à deux grandes bulles d’encre tant ses pupilles étaient dilatées. On y lisait des reflets multicolores comme dans une flaque de pétrole. Harald devina en un instant que la sorcière était sous l’emprise de l’une de ses drogues de magicienne.
Elle articula d’une voix geignarde :
« Mais enfin, paladin, par chez nous la danse n’est qu’une méthode de transe. Je me meus dans l’espace… je suis une avec la masse… C’est simplement ainsi que je canalise la magie.
⁃ Balivernes ! Je suis bien au courant que les gnomes canalisent la magie en permanence. Vous en feriez tout autant en restant assise, d’autant plus avec vos drogues. »
Lultressa leva les yeux au ciel en disant :
« Oh, puisque vous insistez, et qu’apparemment vous aimez vous lamenter, soit, je n’ai qu’à m’asseoir et parler. En revanche je dois rester stimulée, ou je sens ma tête tourner et et mes potions me rendent troublée et à demi cinglée. »
De l’autre côté de la clairière, celui qui jouait de la cornemuse l’instant d’avant posa précautionneusement son instrument, et lança à la sorcière :
« Faut-il être idiot pour s’en gaver le soir avant de dormir ? Moi je ne prends les miennes qu’avant un combat. »
Hieronymus était un humain svelte à la chevelure blonde constellée de franges blanches. Il portait un magnifique uniforme taillé sur mesure de blanc et d’or, mais tâché de boue, de sang, et d’autres liquides visqueux. Il avait le port aussi altier que n’importe quel soudard : l’échine à peine droite, les bras sans cesse croisés soit dans le dos soit sur son torse, un rictus de mécontentement permanent et des yeux fuyants. Ses drogues de mage avaient altéré son corps au point de rendre ses lèvres blanches comme de l’albâtre et ses yeux brillants comme des bougies. Sa peau chatoyait, comme incrustée de minuscules cristaux aux reflets irisés. Il se tenait debout, le regard dirigé vers le sol.
Lultressa le pointa d’un doigt tremblant, tout son corps vacillant comme celui d’un alcoolique ivre mort. Elle eut un ricanement aigu et siffla :
« Quand on ne sait rien faire d’autre de sa magie que de la lancer au visage d’autrui, il faut souffrir en effet que les choix soient limités.
⁃ Entends-je une critique de la noble discipline de la photomancie provenant d’une va nu pied bouffeuse d’asticots qui prétend avoir des visions ?
⁃ Estimes toi heureux, si du moins tu le peux, que la plupart ne se réalisent pas, car tu serais depuis longtemps passé de vie à trépas !
⁃ Foutaises !
⁃ Silence vous deux ! » rugit Harald. « Vous rendez ça encore plus difficile. »
Le silence se fit dans la clairière. Hieronymus grimaçait, Lultressa sautait d’un pied sur l’autre.
Le paladin tourna finalement son attention vers leur quatrième comparse. Assise, immobile comme un cadavre, elle n’avait pas prononcé un mot ni émis un souffle. Engoncée dans une armure de maille et une robe de bure immaculée, elle paraissait perdue. Idaïlde avait une peau si blême qu’elle en prenait des teintes gris bleuté, et ses yeux étaient uniformément d’un carmin brillant. Ses cheveux noirs filasses étaient ramenés en arrière sous une capuche brodée de tissus dorés.
Dans ses bras, on distinguait une masse de tissus épais au milieu de laquelle trônait un petit tas de chair bleuie de froid.
Voyant qu’on la regardait, Idaïlde tourna lentement la tête pour faire face à Harald. Les émotions se lisaient difficilement sur le faciès d’une vampire, mais le paladin reconnaissait tout de même le visage de quelqu’un qui voulait pleurer, bien que ses yeux ne puissent produire une quelconque larme.
« C’est de ma faute. articula-t-elle d’un ton monocorde.
⁃ Non… »
Mais comme il le disait, Harald ne put s’empêcher de penser le contraire. Hieronymus tourna son regard ailleurs et essaya, sans réellement l’assumer, un semblant de paroles rassurantes :
« On est tous et toutes passées par là.
⁃ Cela, je le confirme ! embraya Lultressa. Chaque intervention le réaffirme. Mais ça n’est pas notre faute je dirais. Disons plutôt que ça n’a pas marché.
⁃ Oui, exactement, continua le photomancien, un simple échec, ça arrive à tout le monde. Je veux dire, littéralement à tout le monde. Tu n’as pas à te sentir coupable d’avoir tenté de faire le bien, et de ne pas avoir réussi. »
Idaïlde eut un léger mouvement, presque similaire à un frisson. Elle tendit les bras et éleva jusqu’au niveau de son visage le corps du nourrisson mort.
« Mais… si on l’avait laissé à ses parents… ?
⁃ On ne pouvait pas laisser passer une telle occasion ! intervint aussitôt Harald. On en a déjà perdu beaucoup d’autres.
⁃ Et puis, reprit Hieronymus, ça aurait voulu dire le laisser à ces crapules du Conclave Pourpre, et crois moi ils auraient fait bien pire que nous. Non content d’être incompétents, ils n’ont aucune morale. »
Idaïlde reprit d’une voix hésitante.
« Mais… si… si je ne l’avais pas autant brusqué quand on s’est enfui du village… et si j’avais fait plus attention à le maintenir au chaud quand on a traversé la forêt…
⁃ Tu ne peux pas t’en vouloir pour ça » l’interrompit Harald.
Il songeait pourtant que sa plus grande erreur, la sienne en l’occurence, était d’avoir confié le nourrisson à la vampire du groupe dont le corps n’émet aucune chaleur. En essayant de garder l’enfant contre elle, elle n’avait pas pu lui apporter la chaleur nécessaire et, par ces froides nuits d’hiver, les tissus qu’ils avaient ramassés à la hâte s’étaient avérés insuffisants.
« On ne pouvait pas faire mieux dans la hâte. »
Hieronymus ajouta d’un ton fielleux :
« Et si ces abrutis du Conclave Pourpre n’avaient pas lancé une boule de feu en plein milieu du village, on n’aurait pas eu besoin de partir en courant sans rien préparer.
⁃ C’est vrai ! enchaîna Lultressa. Ils auraient dû deviner que le bâtiment était plein à craquer. Quelle idée d’incendier un village habité ?
⁃ C’est ce que je dis. Ils sont incompétents ! Leur magicienne n’a même pas été capable d’éteindre ses propres flammes quand elle s’est rendue compte que l’endroit était plein de civils.
⁃ D’un autre côté, c’est ce qui nous a donné le temps de nous enfuir, fit remarquer Idaïlde.
⁃ Certes, mais, tu te doutes bien que des gens pareils, il vaudrait mieux ne pas les laisser attraper un nourrisson. La nécromancienne qui était à la tête de leur groupe, tu te l’imagines prendre soin d’un enfant aussi fragile ? »
Hieronymus fit un sourire sardonique en ajoutant :
« Elle aurait ordonné à son revenant de service de le porter et… et… »
Il s’éclaircit la gorge.
« Bref, ils sont plus à blâmer que nous. »
Voyant qu’il avait jeté un froid, le mage réfléchit à toute vitesse à quelque chose à dire, et se lança avec empressement sur une tirade :
« Tu sais Idaïlde, notre affaire de cette nuit me rappelle un truc dont j’ai été témoin peu de temps après que j’aie rejoint la Milice de l’Aube. J’étais sous les ordres du Général Lançompierre. À l’époque, il n’y avait eu que deux nuits de l’avènement. La première remontait déjà à une soixantaine d’années, et la seconde à cinq ans. Du coup, on savait que l’élu ne pouvait avoir que, soit la soixantaine soit cinq ans. On ratissait la campagne à sa recherche de façon… à peine plus organisée que maintenant, et à un moment on s’est retrouvés immobilisés dans un village avec toute une armée parce que le général Lançompierre était gravement malade. Une sorte de grippe je crois. Toujours est-il qu’à ce moment là, un homme s’est présenté à nous. Un vieil homme, à peu près dans la soixantaine. Je l’ai vu et… il était impressionnant. Il faisait son âge, mais paraissait étrangement vif d’esprit et sage. Il disait nous avoir trouvé par une sorte d’intuition. Il ne se souvenait pas de sa date de naissance, et ne pouvait donc pas dire s’il était bien né lors de la première nuit de l’avènement, puisque ses parents étaient morts peu de temps après sa venue au monde. Néanmoins, tout le monde s’est très vite persuadé qu’on avait probablement enfin trouvé l’élu qui nous débarrasserait des hécatonchires. À tel point que le général lui même a bravé sa maladie pour aller visiter cet homme miraculeux et constater lui même ce qu’on lui disait. Le général a paru regagner en vigueur rien que par cette simple nouvelle. Lui qui ne pouvait pas sortir du lit le jour d’avant, le voilà qui venait serrer la main de cet homme, et échanger avec lui. Ils ont longuement parlé, et à la fin de la conversation, le général était persuadé qu’un homme aussi vif d’esprit et charismatique ne pouvait qu’être l’élu. »
Hieronymus eut un sourire triste.
« Quelques semaines plus tard, le vieil homme en question mourait après une lente agonie. Il avait attrapé la grippe du général, et à son âge il ne pouvait pas y survivre. Lançompierre en a été dévasté. On dit qu’il est devenu mutique pendant des mois. Mais même lui a fini par s’en remettre. »
Hieronymus, dont les yeux furetaient au sol pour ne pas croiser le regard de qui que ce soit, esquissa un haussement d’épaule théâtral.
« Bien des gens qui auraient pu être l’élu, adultes et enfants, sont morts ; mais c’est pas pour autant qu’il faut perdre espoir. Tout ce qu’on sait c’est qu’il est supposé naitre la nuit d’une pluie d’étoiles filantes, mais ça fait quand même des milliers d’individus potentiels, d’autant plus qu’on en a eu plusieurs. Si on a eu une nouvelle pluie d’étoiles filantes la mois dernier, c’est pas pour rien. Les dieux feront venir l’élu quand il le faudra, et par leur grâce la Milice de l’Aube le trouvera en premier. Qui sait, peut-être qu’il n’est pas encore né et qu’on aura une nouvelle nuit de l’avènement dans un an.
⁃ Je suppose que tu as raison, murmura Idaïlde. Si l’enfant est mort, c’est qu’il n’était pas l’élu de la prophétie, mais… ça reste un enfant mort parce qu’on le cherchait…
⁃ Si nous ne cherchons pas l’élu avec ardeur, nous mettons en danger bien plus d’enfants fit Harald. Les hécatonchires sont impitoyables. On ne pourra pas sauver tout le monde tant que l’on aura pas trouvé l’élu. Bien sûr, on veut mettre le moins de personnes en danger ce faisant, mais parfois… »
Il hésita longuement, mais voyant que l’état mental de la vampire ne s’améliorait pas, il décida de poursuivre sa confidence.
« Moi même, il y a quelques temps, j’ai participé à l’évacuation d’un village qui était attaqué par des hécatonchires. Dans la mêlée, j’ai repéré un garçon de dix ans. C’est la tranche d’âge de la seconde nuit de l’avènement maintenant. Est-ce pour ça que j’ai essayé de le sauver ? Non. C’est parce qu’un paladin se doit de venir en aide aux faibles. Pourtant j’ai échoué. Le garçon ne pouvait pas bouger, alors je l’ai soulevé dans mes bras avant de partir en courant. Dans la fuite, j’ai… manqué de voir une falaise, et j’ai chuté. Mon armure m’a protégé, mais elle n’a pas protégé l’enfant. Il n’a pas survécu. »
Tout en la racontant, Harald se rendait bien compte que son histoire paraissait peu crédible. De fait, la vérité était toute autre. Il avait été envoyé dans ce village avec comme ordre de mettre en sécurité en priorité tous les enfants de cette tranche d’âge, et quand ils avaient fui les hécatonchires, les parents du garçon avaient tenté de le lui arracher des bras. Alors il avait pris un virage brusque dans l’autre direction pour échapper à la fois à ces paysans vindicatifs et aux monstres qui le poursuivaient. S’il avait mieux veillé à prendre connaissance de la topologie des lieux avant l’opération, il aurait su qu’il se dirigeait droit vers une falaise.
« La guerre ! La guerre ! La guerre et ses victimes collatérales ! » se mit à psalmodier Lultressa.
La gnomesse s’était presque remise à danser. Ses membres tremblaient et gesticulaient, au son, peut-être, d’une musique lointaine qu’elle seule entendait à moins que ce ne soit le tempo silencieux donné par les pulsations de la magie environnante.
« Il y a un mois, environ, je me souviens, nous étions… oh nous étions encore en armées, à assiéger une cité. La nuit de l’avènement venait de passer, et toutes les factions d’affluer, de s’agiter … L’objectif c’était de rassembler tous les bébés nés de cette nuitée ! Et pour en ramasser la plus grande quantité, il fallait se diriger vers les plus grandes cités. Logique, logique… On était trois factions devant les murailles de la ville. Les plus vertueux : nous ; les autres bien plus viles. Des Agents de la Loge Magenta étaient là, l’armée du Conclave Pourpre en outre, et on nous parlait d’une troupe de l’Ost Carmin non loin. La cité a refusé d’ouvrir ses portes à qui que ce soit ; ça a été la pagaille à partir de là ! Tout le monde a assiégé la cité en même temps ! Tout le monde a envoyé ses agents ! Les mages de destruction faisaient pleuvoir leurs sorts sur la ville, et pendant ce temps, nous autres, hop, on se faufile. Il y avait quelque part une nurserie, où tous les bébés récemment nés étaient rassemblés, alors vite vite on y est allés. On est tombés sur un groupe du Conclave et de la Loge, et la mêlée qui s’est ensuit est digne d’éloges. Sabre, hache, magie, arbalète et alchimie ! On serait allés jusqu’à s’entretuer, si tout n’avait pas brusquement explosé. Je n’ai jamais su si c’était un de nos sorts, ou si c’est du ciel qu’est venue la mort. Comme la ville était bombardée et que beaucoup de bâtiments s’effondraient… hé, je ne sais. Toujours est-il que près de nous est tombé un truc magique qui a fait voler en éclats pierres et briques. La nurserie c’était plus que des gravats, et nous on était tous figés là. Des dizaines et des dizaines de bébés, enterrés sous une masse de rochers… On s’est regardés, on a hésité, puis on a décidé de se retirer. Mission ratée. Des dizaines d’enfants broyés. J’y repense souvent. Chaque fois que je vais dormir, généralement. »
Harald fut saisi d’une soudaine quinte de toux. Hieronymus regardait maintenant tellement ailleurs qu’il tournait le dos à ses compagnons. Idaïlde, le visage impassible, se leva.
« Je vais l’enterrer et… réfléchir. La nuit porte conseil.
⁃ Bien, mais ne réfléchis pas trop ! Y’a des fois, ça rend idiot ! » lança la gnomesse avec un sourire béotien.
La prêtresse vampire ne répondit rien. Elle s’éloigna entre les arbres, en silence. Quand elle fut un peu éloignée, Hieronymus émit un claquement de langue.
« Quelqu’un devrait peut-être aller voir… pour s’assurer qu’elle n’essaie pas de le manger.
⁃ Idaïlde ne ferait jamais ça.
⁃ Ça reste une vampire. Ça adore la chair humaine ces choses là.
⁃ Bon sang, sois pas idiot ! Tu sais bien qu’elle a fait vœux de ne pas dévorer d’humains. Et tu crois vraiment qu’elle en serait capable ? »
Le photomancien prit un air faussement contrit :
« Bon, bon, d’accord, si tu veux. Moi je dis juste qu’elle a pas pris de pelle pour aller l’enterrer, mais après je dis ça je dis rien. »
Le silence était tombé sur le campement depuis longtemps lorsque la prêtresse revint. Les trois autres étaient déjà allongés sur leurs couchettes autour du feu et cherchaient le sommeil. Elle s’assit près du foyer, ses yeux rouges fixant la frontière entre la lumière de la flamme et l’ombre qui encerclait leur clairière.
« Harald ?
⁃ Qu’y a-t-il ? »
La voix d’Idaïlde était un murmure triste. À la surprise du paladin, il la trouva plus expressive que jamais. Il ne savait même pas que les vampires pouvaient se départir de leur habituelle tonalité monocorde.
« Crois-tu sincèrement qu’on trouvera l’élu un jour ?
⁃ Évidemment. »
La question était dure à entendre, et la réponse qui avait franchi immédiatement les lèvres du paladin ne devait certainement pas sonner sincère quand bien même elle était instinctive.
« Il le faut bien, précisa-t-il avec plus d’honnêteté. Regarde là haut. »
Il leva un bras pour désigner la voûte étoilée au dessus de leurs têtes. La vampire détourna les yeux de l’ombre et fixa son regard sur le ciel nocturne. Derrière les débris de la lune éclatée, on voyait briller une myriade d’étoiles vacillantes. Certaines se mouvaient. D’autres clignotaient. D’autres succombaient à l’obscurité, s’éteignant pour ne plus jamais revenir. C’était discret, subtil, mais en regardant bien l’on voyait à chaque poignée de secondes une étoile parmi cet ensemble indénombrable qui se changeait en noirceur et disparaissait pour ne plus jamais revenir.
« Les hécatonchires, murmura simplement le paladin.
⁃ Je n’ai jamais compris comment ils faisaient ça.
⁃ Personne n’est sûr. Les astronomes disent qu’ils déplacent notre planète pour l’éloigner de tous les autres astres, au mépris des lois de la physique. Les mages disent qu’ils essayent de nous isoler dans une bulle pour pouvoir faire ce qu’ils veulent de notre planète et affaiblir notre magie. Les théologiens prétendent que c’est un compte à rebours d’ici la fin du monde, et que lorsqu’il n’y aura plus d’étoiles, il ne pourra plus y avoir d’élu. Certains philosophes et métaphysiciens y voient simplement le signe que les conditions naturelles qui permettent à la lumière des étoiles de nous parvenir sont altérées. Les hécatonchires réécrivent les lois de la physique et de la nature. Ils veulent tout dénaturer, jusqu’à l’aspect du firmament. C’est peut-être aussi pour ça qu’ils ont détruit la lune. Ou alors pour nous intimider.
⁃ Si on ne trouve pas l’élu, notre monde cessera d’être ce qu’il est, oui. Mais est-ce qu’on le trouvera à temps ?
⁃ Il le faut. »
Bientôt, le groupe s’endormit. Seule restait Idaïlde qui montait la garde dans la nuit. Le camp était silencieux. La forêt était calme. La nuit était froide. Et au dessus, le firmament vacillait.
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