CHAPITRE QUATRE

4 minutes de lecture

Adrian Price.

08 décembre, 2086

Poste de police, Minport City.

Devant les moniteurs de notre salle à l’étage, je cherche les noms de « Snow Anna », je tombe sans surprise sur une jeune fille de vingt ans habitant les beaux quartiers de Westfield de Minport City. Sauf qu’elle ne m’a pas l’air de venir de là-bas, j’en suis certain. C’est la première fois que je croise une femme avec de si longs cheveux et elle a l’air bien déterminée. Elle joue à la dure, mais ça ne fonctionne pas avec moi. Pourtant, tout à l’heure quand elle a jailli son cran d’arrêt, elle avait l’air terriblement apeurée, ses yeux noisettes étaient larmoyants, ses jambes tremblaient, elle était prête à s’effondrer totalement sur le sol. Elle doit en avoir vécu des choses. J’utilise l’intelligence artificielle afin d’approfondir mes recherches, mais seule une photo d’identité apparaît. Si elle s’est déjà fait arrêter, je devrais la trouver dans les fichiers partagés des autres postes de police, cependant, nous n’avons pas de très bonnes relations avec nos confrères. En même temps, ils ne lèvent jamais le petit doigt et c’est désolant. Lorsque je suis arrivé à Minport City, je n’imaginais pas faire équipe avec Newton. J’ai l’impression d’être puni, mais je n’ai clairement pas le choix. J’ai besoin d’argent pour payer les soins de ma mère malade à Steamfall, ma ville d’origine, située à plus de quatre cents kilomètres d’ici, alors comme personne ne voulait s’isoler à Minport City, je me suis dévoué à aller faire le sale boulot, avec le flic et partenaire le plus exécrable de toute la terre. Habitué des vieilles méthodes, j’ai appris à le connaître depuis un an maintenant.

— Alors, la gamine ? demande Newton en prenant un sandwich dans le frigo de la cuisine.

J’ignore combien de temps il est resté à pourrir dans le frigidaire, et ça me répugne.

— Elle se dit s’appeler Snow Anna, mais je n’ai rien sur elle.

J’enlève mes lunettes et me frotte les yeux de fatigue. Je prends une gorgée de café refroidie et je regarde les écrans de surveillance de l’autre pièce. Je prête à peine attention à l’autre ivrogne de la cellule d’à côté. Par contre, elle, elle est allongée à terre, recroquevillée comme un fœtus, en tenant fermement son sac. Je me demande pourquoi elle le tient si fort.

— On va la relâcher demain matin, c’est juste une petite délinquante, rétorque Newton en soupirant.

— Je crois qu’elle peut nous aider, je pense que c’est une cyberhackeuse.

Newton se redresse et ajoute dans sa tasse de café quelques gouttes d’alcool. Il devrait vraiment penser à réduire, sinon je vais devoir l’arrêter à mon tour.

— C’est pas avec elle qu’on va réussir à infiltrer ces fils de putes de Ghost.

— C’est l’appât idéal.

Je suis convaincue qu’on peut l’utiliser, elle a l’air encore naïve, blessée par quelque chose et si ses capacités de cyberhack peuvent nous faire parvenir à faire tomber cette pseudo milice, je pourrais enfin rentrer chez moi. Mais pour ça, il faut que j’acquière sa confiance.

— Fais-moi confiance, conclus-je.

***

Adrian Price.

09 décembre, 2086

Poste de police, Minport City.

J’observe par la fenêtre la tempête de neige qui s’abat sur les fenêtres des tours d’acier. Impossible de me rendormir, je regarde le cadrant de ma vieille montre et observe cinq heures du matin. Je me lève et passe la porte pour rejoindre la grande pièce principale où je perçois Newton ronfler dans la chambre d’en face. Je m’approche de la cuisine pour me servir un verre d’eau. L’astre lunaire reflète sur les lames de parquet via les hautes fenêtres qui habillent la pièce. Puis, verre en main, j’allume les moniteurs de surveillance afin de vérifier rapidement que personne ne s’est enfuit cette nuit. L’alarme aurait retenti, mais je préfère être sûr. Mon visage se rapproche des écrans et à ma plus grande surprise, je remarque que Gilberte est en train d’ouvrir la cellule de prison. Elle doit être sûrement en train de cracker son système. J’enfile mon pull à capuche rapidement et descends les escaliers en colimaçon. Je passe la porte des bureaux d’accueil et l’aperçois à quelques mètres de la porte d’entrée.

— Hé ! crié-je en courant dans sa direction.

Elle remarque que je suis là et se dépêche d’atteindre la poignée. Je prends une paire de menottes, me précipite en glissant sur les bureaux. Elle essaye d’ouvrir la porte, mais celle-ci est verrouillée. Gilberte se tend devant la jeune fille et n’arrête pas de prononcer « Bienvenue au poste de police ». Anna me voit arriver et court autour des bureaux pour me fuir. L’ivrogne se met à se réveiller et nous observe depuis sa cage comme si nous étions sa distraction.

— J’avais prévu de te libérer ce matin, mais tu n’as toujours pas compris la leçon, rétorqué-je en essayant de la rattraper.

Elle s’arrête net en prenant soin d’observer les alentours. Elle pense pouvoir s’enfuir, mais c’est impossible, tout est fermé, tout est bloqué, les serrures ne sont pas électroniques.

— Tu es coincée Anna, rétorqué-je à travers le bureau. D’ailleurs, je sais que ce n’est pas ton vrai nom.

— C’est ce qu’on va voir, dit-elle avec certitude.

— Tu es un fantôme, tu n’existes pas, sur aucun fichier. Newton t’a dit, tu n’es pas tombée sur les bonnes personnes.

— Laisse-moi partir !

— C’est ça que tu cherches ? demandé-je en brandissant la clé de la porte d’entrée.

J’esquisse un léger sourire de satisfaction. Je peux apercevoir, dans l’ombre, les traits de son front se plisser légèrement. Elle souffle.

— Viens là chercher.

J’entends ricaner l’ivrogne à travers les barreaux. Alors que je pensais qu’elle allait venir se précipiter chercher la clé, elle prend la chaise d’un des bureaux de la pièce et la projette brutalement contre la fenêtre, l’éclatant en mille morceaux. Le froid et la tempête s’invitent brusquement à l’intérieur. Ses cheveux volent et font contraste avec le manteau de neige à l’extérieur. Elle se tient debout, comme une ange déchue et disparaît sous mes yeux.

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