CHAPITRE SIX
Adrian Price
09 décembre, 2086
Poste de police, Minport City.
Ran, c’est un drôle de prénom. Je n’ai jamais entendu quelqu’un se nommer ainsi et pourtant j’en ai croisé des personnes. Des victimes comme des criminelles, mais Ran, c’est vraiment atypique. Est-ce encore un mensonge de sa part pour nous duper ? Je préfère rester sur mes gardes, si jamais, elle viendrait à nous trahir. Newton n’est pas aussi confiant que moi, mais j’ai envie d’y croire, parce que je veux vraiment rentrer. Je ne pensais pas non plus qu’elle allait accepter aussi facilement, je m’attendais à une nouvelle chasse au chat et à la souris dans les rues de Minport City.
Newton et moi l’emmenons à l’étage du poste de police, la pièce que nous avons aménagée lorsque nous sommes arrivés ici. Je vais devoir lui donner ma chambre dans un premier temps, parce que j’ai perdu au shifumi avec Newton, et parce qu’il n’y a pas d’autres endroits.
— Donne-moi cinq minutes pour changer les draps, déclaré-je en lui faisant un signe de tête.
Elle a l’air nerveuse et observe autour d’elle en scrutant la pièce avec précision. Je remarque qu’elle n’arrête pas de toucher l’arrière de sa tête, comme si quelque chose la gênait.
— Je ne suis pas désolé gamine, il a perdu, alors il te file sa chambre, rétorque Newton en lançant une grimace pour se moquer de moi.
— Je vais dormir dans ta chambre ? demande-t-elle en reculant légèrement.
— Il n’y a pas d’autres endroits pour l’instant.
— Non ! s’écrie-t-elle, je dormirais sur le canapé !
— Quoi ? C’est bon, tu n’es pas notre prisonnière, je peux t’offrir le strict minimum quand même.
— Je refuse !
Elle sert son sac fort contre elle et me fusille du regard. Je soupire, elle est vraiment têtue. Je ne préfère pas insister, de peur qu’elle change d’avis et qu’elle décide de partir à nouveau.
— D’accord, alors, tu prendras le canapé, le temps qu’on trouve une autre solution.
Elle hoche la tête pour acquiescer et continue son inspection.
— L’étage du haut dans le frigo, c’est le mien, rétorque Newton.
Il se dirige dans la cuisine et ouvre une canette de bière. Il est à peine onze heures…
— Les étages du frigo sont à tout le monde, contredis-je en levant les yeux en l’air, on partage tout. Si tu as envie d’une bière, on ne fera pas les comptes.
Je crois apercevoir un léger rictus inhabituel de ses lèvres rosés. Puis, elle se dirige naturellement vers les écrans accrochés sur le mur et en quelques secondes, elle s’approprie le lieu en s’asseyant sur la chaise à roulettes. Elle parcourt les fichiers avec vitesse que j’ai du mal à suivre. Incroyable. Je fais un signe de tête à Newton et il comprend qu’il doit la laisser faire.
— Ghost, agissant depuis douze ans dans le plus grand des secrets, leur première mission s’est déroulée le 29 septembre 2071. Ils ont fait tomber iTechnologik, une petite entreprise d’arnaque de cyber monnaie. A force de faire disparaître ce genre de firme, les megacorporations ont commencé à prendre le pouvoir, à Minport City, comme ailleurs dans le monde en créant le chaos, l’injustice et les inégalités. Vos dernières recherches se portent sur Gordon Hammer, disparu depuis huit mois. Dernière apparition : Minport City. Premier suspect : Enders Warren son rival. C’est donc pour ça que vous êtes ici ? demande-t-elle en faisant demi-tour sur la chaise à roulettes, comme si tout était évident.
J’ai le souffle coupé, lorsqu’elle énumère les recherches accumulées de presque un an. J’ignore comment elle a pu lire autant d’informations en si peu de temps. Il doit avoir plus de mille dossiers répertoriés dans les différentes racines de l’ordinateur.
— Bordel, mais qu’est-ce qu’on a récupéré ? s’esclaffe de rire Newton devant elle.
Il a soudainement changé son comportement et se laisse intéresser par ses capacités. C’est la première fois que je le vois autant rire.
— T’es une putain de génie en fait gamine !
Il tapote dans ses mains, excité par la situation.
— Attend, mais t’as vraiment lu tout ça ? dit-il en finissant sa canette de bière.
Elle reste très sérieuse, et le regarde dans les yeux comme si elle était prête à le tuer.
— Je lis vite, c’est tout, dit-elle humblement.
— C’est quoi ton secret ? demandé-je en me rapprochant d’eux. Tu te drogues aux amphets ? T’as trouvé ça au marché noir ?
Elle hoche la tête plusieurs fois d’un « non » et recule de quelques pas en arrière, comme si elle avait peur de moi. En même temps, avec ma tête et demie de plus qu’elle, je peux la comprendre. Elle a l’air si minuscule, si fragile mais en même temps si forte. Ran reprend son sac, qui est posé à terre. Je peux voir que sa tension augmente, rien qu’en regardant les ongles qu’elle s’arrache.
— Ran, je ne vais pas te faire du mal, la rassuré-je. T’es en sécurité ici, je te le promets. On a passé un deal, alors si tu le respectes, tu n’as pas à t’en faire.
— Elle a peur de toi, réplique Newton.
— Je n’ai pas peur, lance-t-elle brusquement, la peur, c’est pour les faibles.
Newton éclate de rire à nouveau en se dandinant, pendant que son regard déterminé m’affronte. Elle finit par déboutonner son manteau qui est fermé jusqu’à son cou et l’enlève. Elle porte un vieux pull à capuche de couleur bordeaux et son pantalon est abimé vers le bas.
— Est-ce que… je peux prendre une douche ? demande-t-elle soudainement.
— Je commence à t’apprécier gamine ! s’exclame Newton dans sa direction. Au fond à gauche de la cuisine, il y a une salle de bain et même une baignoire parce que, Inspecteur Price aime bien se détendre comme une fillette.
Je soupire, il m’insupporte avec ses réflexions à deux balles. Ran passe devant moi, ses cheveux longs se déposent jusqu’au début de ses fesses et elle part s’enfermer en prenant à nouveau, son sac avec elle.
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