Dollhouse - Dock A
Ed s'arrêta au milieu du chemin, bientôt imité par les autres fuyards.
« C'est bon, nous devrions être en sécurité, ici, cracha-t-il difficilement après avoir repris son souffle. Il pointait du doigt l'écriteau en Bandalorien, sur le mur, qui indiquait qu'ils étaient à quelques couloirs du Dock A, le plus proche de la zone habitable. Ils n'avaient pas croisé de vaisseaux ni de cadavres depuis plusieurs portes.
— Tu es sûr ? » demanda Tanya.
Il haussa les épaules. Ils savaient tous que, si les Vaisseaux avaient réussi à passer le Dock A, alors, le Dollhouse entier était perdu. Clarinetta prit la tête du convoi, pistolet M-0 Flare en main. Bientôt, trois fantassins Noplocks, dans leurs impressionnantes armures de combat, rotatives Krα-Mεr en main, émergèrent d'un couloir perpendiculaire,. Ils n'appartenaient pas au clan de Kolom-Batur.
« Lâchez vos armes, à genoux, les mains derrière la tête, » ordonna le combattant du milieu, dont les épaulettes aux reflets émeraude indiquaient le grade de sergent.
Sa voix était très grave, vibrante, comme la plupart des membres de son espèce. Elle imposa l'obéissance. Un des deux guerriers s'approcha d'eux et les palpa, chacun leur tour. Lorsqu'il trouva la lame L'une sur Tanya, couverte de sang, il lui envoya un regard mauvais.
« Vous devriez savoir, en tant qu'amante de Kolom-Batur, que c'est un sacrilège, pour une humaine, d'utiliser une lame L'une. Quand nous serons sortis d'ici, vous devrez répondre de ce crime devant les Anciens.
« Owum thalimba owumi » s'excusa Tanya dans leur langue maternelle.
La traduction littérale de l'expression était : « mon âme est à genoux devant les vôtres ». C'était l'excuse la plus pure et la plus sincère des Noplocks. Tanya hocha gravement la tête. Elle savait que, grâce à leur empathie, les trois Noplocks ressentaient sa grande honte, mais aussi son inquiétude pour Kolom-Batur. Le fantassin ramassa aussi les reliques du clan, que Brandy avait jetées comme de vulgaire déchets quelques heures plus tôt. Elle bafouilla, dans leur langue, leur expliquant qu'elle connaissait l'importance de ces reliques et qu'elle voulait les remettre au clan. Son explication sembla satisfaire le Noplock, qui s'apaisa. D'un hochement de la tête, le sergent les invita à le suivre. Il leur indiqua qu'ils allaient les guider jusqu'à Tor˅lo˅e, qui coordonnait l'assaut sur les Docks inférieurs. Ils arrivèrent bientôt dans le Dock A, lui aussi plongé dans une semi obscurité. Ils furent accueillis par un brouhaha de voix. Un nombre impressionnant de soldats, de toutes les races connues, s'agitait dans le Dock A. Ils récupéraient leur équipement sous la vigilance de gradés qui coordonnaient de leur mieux ce ballet de combattants.
* * * * *
« Vous savez vous battre ? demanda le sergent Noplock.
Tanya, Dean et Clarinetta hochèrent négativement la tête. Aucun d'entre eux n'avait envie de se retrouver à nouveau face à un Vaisseau. Prish'ta arqua sa collerette en position d'attaque.
— Hé, vous n'étiez pas quatre humains, tout à l'heure ?
La capitaine du Cabriolet tourna la tête, mais ne trouva pas Ed. Le membre de l'équipage du Quad avait disparu. Les trois Noplocks se mirent en formation autour d'eux et pointèrent les canons de leurs rotatives Krα-Mεr vers le groupe.
— Dites-nous où est le dernier membre de votre groupe.
La voix grave du sergent était emplie de menace. Les tatouages métalliques faciaux des trois fantassins crépitaient d'énergie.
— Je... Je ne sais pas, » balbutia Tanya.
Les Noplocks n'avait pas besoin de leurs talents d'empathie pour sentir le stress qui l'animait. Elle tremblait et de grosses gouttes coulaient sur ses tempes et dans son dos. Les canons imposants des armes des fantassins ne l'aidaient pas du tout à se calmer. Une alarme retentit soudain dans tout le dock, et une voix automatique hurla en Bandalorien. Un mouvement de panique général anima soudain le Dock.
« Qu'est ce qui se passe ? demanda Clarinetta en hurlant pour couvrir le bruit de la sonnerie.
— Aucune idée, » avoua Tanya.
Le silence tomba subitement sur le Dock. La capitaine sentit son rythme cardiaque s'accélérer. Elle serra sa main droite qui tremblait. Tous les guerriers présents tournèrent leur tête vers la lourde porte de la soute. Une flaque de magma la traversa de part en part, créant une ouverture béante sur le vide de l'espace. Le trou commença à aspirer l'air, ainsi que les combattants à proximité. Un champ de force d'urgence se déploya. Une explosion retentit. Des flammes envahirent le mur côté proue. La barrière énergétique vacilla. Tous les combattants commencèrent à paniquer. Les officiers avaient beau crier, plus personne ne les écoutait. Tous cherchaient à fuir le Dock. Finalement, le champ céda. Le vide insatiable commença à dévorer tout ce qui n'était pas fermement attaché au sol.
« Capitaine, par ici ! » hurla Clarinetta.
Alors que la pilote commençait à être aspirée, elle déclencha le système magnétique de ses bottes. L'aimant l'attira vers le sol. Elle attrapa de justesse la main tendue de Tanya, et la tira à elle. À leur côté, Prish'ta se maintenait grâce à son pouvoir télépathique. Le vent sifflait autour d'elles, envahissant toutes les longueurs d'onde, rendant toute communication difficile. Dean tendait désespérément sa main gauche vers Tanya. Il était trop loin. Il fut emporté avec de nombreux autres soldats vers l'espace.
« Vers la sortie, vite ! L'air va bientôt manquer ! »
Le sas intermédiaire, composé de deux lourds battants, commençait à se refermer. Une nouvelle explosion, au niveau du panneau de commande, stoppa la porte à mi-parcours, condamnant la plupart des combattants présents. Clarinetta, Tanya et Prish'ta progressèrent difficilement jusqu'à la sortie la plus proche. D'innombrables feuilles de papier, chargeurs, cartons et autres objets volants rendaient leur progression dangereuse. Clarinetta fut obligées d'abattre d'un tir de M-0 Flare quatre soldats qui tentaient, pour ne pas être aspiré, de s'agripper à elle ou à Tanya. Les bottes n'avaient pas la puissance de maintenir une troisième personne, elle n'avait pas le choix. La porte de sortie se ferma derrière eux. Le sifflement de l'air stoppa enfin.
* * * * *
Clarinetta s'effondra, dos contre le mur. Ses bras pendaient lamentablement le long de son corps. Elle luttait pour retenir ses larmes. La porte s'était verrouillée depuis un moment. Personne d'autres n'en était sorti. Le panneau de contrôle indiquait qu'elle était à présent verrouillée. Tanya lui tendit une main pour l'aider à se redresser, mais elle ne la saisit pas. Elle n'arrivait pas à réaliser ce qu'il venait de se passer.
« Il y a eu tellement de morts... murmura-t-elle. Tellement de morts... »
Elle répétait ces quelques mots en boucle. Son pistolet était posé par terre, à côté d'elle. Elle n'osait pas poser son regard plus de quelques secondes sur l'arme. Malgré son passé dans les gangs de Seattle, c'était la première fois qu'elle avait à se servir de ses propres mains d'une arme pour tuer. Pour tuer des innocents, qui cherchaient juste une solution pour survivre. Elle repassait chacun de ses quatre tirs en boucle, visionnant à chaque fois une nouvelle solution qui aurait pu sauver ces soldats. Elle poussa un long soupir.
« Tu ne pouvais rien faire, Clarinetta. » tenta Tanya, soutenue par Prish'ta.
Le petit Alash'tarien avait pratiquement épuisé ses réserves d'énergie télékinésiques.
« Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? demanda Clarinetta.
Elle s'était redressée mais son visage était complétement éteint.
— Nous devons rejoindre... » commença Tanya.
Elle fut interrompue par une porte qui s'ouvrait, au bout du couloir. En sortirent le capitaine Clothilde et le reste de l'équipage du Quad, Ed inclus. Armes en main, ils escortaient une grande femme, très fine, à la peau noire ébène et à la très longue chevelure argentée. Ses traits avaient été découpés au scalpel pour affirmer son caractère autoritaire. Elle portait un tailleur gris uniforme très strict. Malgré l'obscurité qui régnait dans le vaisseau, elle arborait des lunettes de soleil triangulaires. Celles-ci ne suffisaient pas à masquer la puissante lueur émise par son exovision. Les deux humaines reconnurent immédiatement Marion Tirmont, la présidente de Primo Humanis. Ce mouvement politique avait été créé lors de la première rencontre avec les extraterrestres. Leurs slogans vantaient la supériorité de l'homme, créé par Dieu, sur tous les autres êtres vivants. Ces extrémistes violents nourrissaient des conflits aux quatre spirales de la galaxie.
« Il reste des survivants ? s'exclama Ed, la surprise dans la voix.
— Descendez-les, » ordonna la femme d'un ton sec.
Les membres de l'équipage du Quad pointèrent les canons de leurs K-3 Flare sur le groupe. Puisant dans ses dernières ressources, Prish'ta monta un bouclier kinétique.
« Fuyez ! » ordonna-t-il.
Les premières vagues d'énergies s'abattaient sur sa fragile membrane, libérant des éclairs multicolores dans tout le couloir. En touchant les murs, ceux-ci créèrent de petits départs de feu bientôt éteints par les systèmes anti-incendie du Dollhouse. Tanya ramassa le M-0 Flare et prit à nouveau la fuite. Marion s'approcha de l'Alash'tarien, dont la collerette relevée indiquait l'effort intense qu'il fournissait. Elle avait un sourire malsain sur le visage, malgré les éclairs d'énergie qui fusaient autour d'elle.
« Combien de temps vas-tu tenir, petit lézard ?
Elle sortit de sa poche une dague Kornoh, une relique d'un peuple ennemi des Alash'tariens, depuis longtemps disparu. La lame, très ouvragée, était recouverte de Polonium 209, ce qui empéchait toute régénération.
— On n'a pas tous les jours la chance de tuer l'un des vôtres. Je vais savourer ce moment. »
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