Chapitre 6
Jeudi 6 juillet 2037
Maxime se tenait devant son armoire, les mains légèrement tremblantes. Ses vêtements étaient soigneusement rangés, chaque pièce à sa place, mais rien ne semblait convenir pour cette soirée. Il attrapa une chemise bleu marine, la déposa sur son lit, la contempla un instant, puis la replaça précipitamment dans l’armoire. Trop formel, pensa-t-il en soupirant.
Ses doigts glissèrent sur les tissus, effleurant les chemises, les pulls, les t-shirts qu’il portait habituellement sans y réfléchir. Finalement, son choix se porta sur un pull léger gris, simple mais bien coupé, qu'il assortit avec un jean foncé qui soulignait discrètement sa silhouette. Il ajusta le col du pull, vérifiant l’ensemble dans le miroir. Ce n'était pas extravagant, mais suffisant pour montrer qu'il avait pris le temps de choisir sa tenue, qu'il avait envie de bien paraître.
Se regardant dans le miroir, il arrangea ses cheveux d'une main hésitante, essayant différentes façons de les coiffer avant de les laisser finalement tomber de manière naturelle. Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas soucié de son apparence. Un léger parfum, une touche de gel – des gestes qu’il avait presque oubliés, mais qui ce soir, lui semblaient importants.
Tout en ajustant son pull, il se surprit à vouloir prendre soin de lui pour cette sortie. Pour voir un... quoi exactement ? se demanda-t-il, le doute s’insinuant dans son esprit.
Pouvait-il dire qu'il s'agissait à présent d'un ami ? Le mot semblait lourd de sens, encore trop étranger pour lui, presque inaccessible. Pourtant, une partie de lui espérait que cela devienne vrai, que cette rencontre avec Antoine soit le début de quelque chose de plus solide, de plus tangible.
Maxime inspira profondément, refoulant les doutes qui l’envahissaient.
- On verra bien, murmura-t-il à lui-même avant de quitter son appartement.
Le soleil commençait à se coucher, baignant les quais de Seine d'une lumière dorée qui rendait la ville encore plus belle. Les réverbères s’allumaient un à un, projetant des halos de lumière douce sur l’eau qui scintillait paisiblement. Maxime marchait tranquillement, les mains enfoncées dans ses poches, sentant son cœur battre légèrement plus vite à mesure qu’il approchait du lieu de rendez-vous.
Les quais étaient animés, mais pas bondés. Quelques couples se promenaient, des joggeurs passaient en rythme, et les touristes prenaient des photos du paysage. L’air était doux, presque caressant, porteur d’une odeur mêlée d’eau et de végétation, rappelant à Maxime pourquoi il aimait tant cet endroit.
Antoine était déjà là, adossé à un muret, le regard perdu dans la contemplation de la rivière qui s’écoulait lentement. Il portait une veste légère, le genre de vêtement qui semblait toujours approprié, peu importe la saison, et ses cheveux bruns légèrement ébouriffés attrapaient les derniers rayons du soleil. En voyant Maxime arriver, il se redressa avec un sourire chaleureux, celui qui semblait éclairer non seulement son visage mais aussi l'atmosphère autour de lui.
- Salut, Maxime, dit-il en se rapprochant, sa voix calme résonnant agréablement dans le crépuscule. Prêt pour une petite balade ?
- Salut, Antoine. Oui, ça me fait plaisir de sortir, répondit Maxime avec un sourire timide, ses yeux fuyant brièvement ceux d’Antoine avant de revenir se fixer sur lui.
Ils commencèrent à marcher côte à côte, le rythme de leurs pas s’adaptant naturellement l’un à l’autre. Les premiers mots échangés étaient aussi doux et tranquilles que la brise du soir. Ils parlèrent de tout et de rien – de musique, de livres, de voyages qu’Antoine avait faits, des lieux que Maxime aimait visiter. Leurs voix se mêlaient au murmure de l’eau et aux échos des conversations lointaines, créant une harmonie apaisante.
- Et toi, Maxime, tu as toujours vécu à Paris ? demanda Antoine, tournant légèrement la tête pour mieux voir le visage de son interlocuteur.
- Oui, presque toute ma vie, répondit Maxime en jetant un regard autour de lui, absorbant le paysage familier. Mais parfois, j’aimerais m’éloigner de la ville, trouver un peu de calme ailleurs.
- Je comprends ça. Parfois, un changement d’air fait du bien, acquiesça Antoine en hochant la tête. Mais Paris a aussi son charme, avec ses coins tranquilles comme ici.
Maxime hocha la tête, appréciant ce moment simple et réconfortant. Pourtant, alors qu’il commençait à se sentir réellement à l’aise, une silhouette au loin attira son attention. Son cœur se serra, et il sentit une vague d'angoisse monter en lui. C’était elle. Son ex-petite amie, celle qui avait brisé son cœur il y a de cela quelques années. Sans réfléchir, il tourna brusquement vers Antoine.
- Antoine, on devrait faire demi-tour, murmura-t-il, la panique assombrissant sa voix, ses yeux ne quittant pas la silhouette qui se rapprochait.
Mais c’était trop tard. Elle les avait déjà vus. Elle s’avança vers eux avec une démarche assurée, ses talons résonnant sur les pavés, un sourire en coin étirant ses lèvres peintes d’un rouge éclatant. Elle portait une robe noire élégante, qui contrastait avec son expression, froide et calculatrice.
- Maxime, quelle surprise de te voir ici, dit-elle d'une voix douce mais teintée de sarcasme. Elle ne tarda pas à porter son attention sur Antoine. Et tu es… ?
- Antoine, répondit-il calmement, tendant une main polie, ses yeux cherchant à comprendre la situation.
Elle ignora ostensiblement sa main tendue et reporta son attention sur Maxime, son sourire se faisant plus acéré, presque carnassier.
- Je vois que tu as trouvé quelqu’un pour te tenir compagnie. Je suppose que c’est bien, après tout ce temps."
Maxime baissa les yeux, sentant une boule se former dans sa gorge. Les mots lui manquaient, tout comme le courage de faire face à cette confrontation. La douleur de leur séparation, qui s'était atténuée avec le temps, refaisait surface avec une intensité qu’il n’avait pas prévue. Il se sentait vulnérable, comme à l’époque où elle l’avait quitté, réduit à l’état d’un homme brisé.
- Tu sais, Maxime, je suis surprise que tu sois sorti de chez toi. C’est bien, vraiment. Tu commences enfin à tourner la page, c’est encourageant, dit-elle, son ton faussement bienveillant dissimulant mal son intention de blesser, tandis que ses yeux se plissaient de manière presque imperceptible.
Antoine, qui avait observé la scène avec une attention accrue, prit soudainement la parole, son ton plus ferme que d’habitude.
- Je crois que tu as dit assez. Maxime n’a pas besoin de ça.
Elle tourna la tête vers lui, surprise par la brusque intervention, mais Antoine ne fléchit pas. Il soutint son regard avec une force tranquille, mais indéniable.
- Tu ferais mieux de partir, ajouta-t-il, sa voix grave et posée, ne laissant aucun doute sur le sérieux de sa demande.
Elle hésita un instant, toisant Antoine d’un regard froid avant de finalement tourner les talons, une lueur de mépris dans les yeux.
Fais attention, Maxime. Les gens ne sont pas toujours ce qu’ils semblent être, lança-t-elle par-dessus son épaule avant de s’éloigner rapidement, ses pas résonnant comme un écho sinistre dans l’air du soir.
Maxime resta immobile, le souffle court, ses pensées un tourbillon chaotique. Le choc de cette rencontre inattendue le plongea dans une profonde tristesse. Il se sentait minuscule, comme si tous ses efforts pour aller mieux avaient été balayés en un instant. Il avait l’impression que le sol se dérobait sous ses pieds, et la panique qu’il avait ressentie en la voyant revenait en force, l’étouffant.
Antoine posa une main réconfortante sur son épaule, son geste mesuré et rassurant.
- Maxime, ça va ?
Maxime secoua la tête, les larmes aux yeux, incapable de répondre.
- Je… Je suis désolé, Antoine. Je crois que je devrais rentrer.
Antoine fronça les sourcils, une expression de préoccupation marquant son visage, mais son ton resta doux et compréhensif.
- Non, Maxime. Tu ne devrais pas laisser quelqu'un comme ça gâcher ta soirée. Je vais te ramener chez toi, d'accord ? On prendra le temps de se poser, de discuter."
Maxime acquiesça faiblement, trop abattu pour protester. Les mots d’Antoine étaient réconfortants,
mais il se sentait vidé, comme si toute l’énergie qu’il avait accumulée ces derniers jours s’était évaporée en quelques secondes. Antoine appela un taxi, et ils firent le trajet jusqu’à l’appartement de Maxime en silence, l’atmosphère lourde de la confrontation passée.
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Une fois arrivés chez lui, Maxime se dirigea directement vers la cuisine, son visage marqué par la tristesse et la fatigue.
- Je vais préparer du café, dit-il d’une voix monotone, presque mécanique, comme s'il avait besoin de s'accrocher à une routine pour ne pas sombrer.
Antoine le suivit, s’installant sur une chaise près de la table, observant Maxime en silence. La petite cuisine était éclairée par une lumière douce, chaleureuse, contrastant avec l’humeur sombre de Maxime. Antoine nota les petits détails qui faisaient de cet espace un reflet de son propriétaire : des livres empilés sur une étagère, une plante en pot sur le rebord de la fenêtre, des tasses de café soigneusement alignées. Il respecta le silence, conscient que Maxime avait besoin de temps pour se recentrer.
Maxime prit le temps de préparer le café, chaque geste exécuté avec une précision presque obsessionnelle. Il mesura soigneusement le café moulu, remplit la cafetière d’eau, et attendit que l’odeur familière commence à envahir la pièce. Une fois le café prêt, il servit deux tasses, l’une pour lui, l’autre pour Antoine, et s’assit en face de lui, les mains serrées autour de sa tasse pour se réchauffer, cherchant un réconfort dans la chaleur.
Un silence pesant s’installa entre eux, que Maxime finit par briser, sa voix tremblante et remplie de douleur.
- Elle… c’était mon ex. On est sortis ensemble pendant deux ans, mais ça s’est mal terminé."
Antoine hocha la tête, l’encourageant à continuer sans le presser, son regard ancré dans celui de Maxime.
- Elle a toujours eu ce pouvoir sur moi, murmura Maxime, ses yeux se perdant dans le noir de sa tasse de café. Même après tout ce temps, elle arrive encore à me faire me sentir… insignifiant.
Antoine posa doucement sa tasse sur la table, ses yeux remplis de compassion et de détermination.
- Maxime, ce qu’elle a dit ne te définit pas. C’est difficile, je le sais, mais tu ne devrais pas lui laisser ce pouvoir sur toi. Tu vaux bien plus que ça.
Maxime ferma les yeux, luttant contre les larmes qui menaçaient de couler.
- Je sais, mais c’est dur. Parfois, je me dis que je ne mérite pas d’être heureux.
Antoine se pencha légèrement en avant, ses mains posées fermement sur la table.
- Tu mérites d’être heureux, Maxime. Tu mérites d’avoir des gens autour de toi qui t’apprécient pour qui tu es, pas pour ce qu’ils veulent que tu sois. Tu as le droit d’avancer, de tourner la page.
Ces mots réchauffèrent légèrement le cœur de Maxime, même s’il ne parvenait pas encore à y croire totalement. Mais il appréciait la sincérité d’Antoine, la force tranquille qu’il apportait dans cette soirée qui avait failli être gâchée.
Ils continuèrent à parler, Antoine partageant des anecdotes légères pour essayer de ramener un sourire sur le visage de Maxime. Il raconta des histoires drôles de ses voyages, des rencontres inattendues qu’il avait faites, des petites mésaventures qui, rétrospectivement, étaient devenues des souvenirs amusants. Peu à peu, la tension dans les épaules de Maxime commença à se relâcher, et bien que la douleur de la rencontre soit encore présente, il se sentait moins seul. L’atmosphère dans la pièce s’adoucit, et un sentiment de calme se réinstalla.
Alors qu’ils terminaient leur café, Antoine leva les yeux vers Maxime, son sourire sincère. "Tu sais, Maxime, je suis content d’être là ce soir. Et si tu as besoin de parler, que ce soit maintenant ou plus tard, je suis là. On peut prendre le temps qu’il faut."
Maxime le regarda, touché par cette offre, sentant une chaleur réconfortante remplacer progressivement le poids dans sa poitrine.
- Merci, Antoine. Ça compte beaucoup pour moi."
Leur conversation continua jusqu’à ce que la nuit soit bien avancée, la ville silencieuse à l’extérieur, offrant à Maxime un répit bienvenu. Il n’était peut-être pas encore prêt à tourner la page, mais avec Antoine à ses côtés, il se sentait un peu plus fort, un peu plus capable de faire face à ce qui l’attendait.
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