1 - L'enlèvement

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Un quartier calme, sans bruit, avec simplement le bruit du vent qui frappe les voitures.

Une barre d'immeubles, plus ou moins en bon état, se disputait les parages. Des ordures couvraient les ruelles.

Le soleil se levait à peine sur Londres, projetant des lueurs dorées à travers les rues encore paisibles de Covent Garden. Les premiers commerçants commençaient à installer leurs étals, et l'odeur du café frais flottait dans l'air. Au milieu de cette scène pittoresque, trois individus détonnaient par leur présence discrète mais inquiète. Ils étaient assis dans une Rover 75 rouge, plus rouge que l'hémoglobine, qui aurait pu escorter la Reine Elizabeth II.

Eyebrows conduisait, regardant de droite à gauche. Il venait d'éteindre la radio, et le contact, et ne laissait que le vent lui rentrer dans les oreilles. Derrière lui, Harry fixait sa montre, avec son air vieillissant à la Al Capone. A ses côtés, un gorille se disputait la banquette pour pouvoir allonger son corps plus corpulent que King Kong.

Rien de plus simple, rien de plus menaçant. Au bout de la rue, ils observaient une jeune femme, peu habillée et belle, qui regardait quant à elle de droite à gauche tout en se déplaçant, devant la barre d'immeubles de Covent Garden. Personne n'était là dans les parages pour l'en empêcher, pas même un officier.

A force de focaliser son regard sur cette fille, Eyebrows se retourna vers un Harry stressé, et lui demanda, tout en plissant son costard Ermenigildo Zegna couleur crème :

- C'est qui, cette nana ?

- Un talent spécial de Charly, répondit Harry, lassé.

- Un talent spécial ?

- Un talent spécial pour les travails spéciaux. Elle faisait dans le strip-tease avant de trouver sa vocation.

Sur un ton moqueur, en pouffant presque, le jeune brun demanda :

- Mais qu'est-ce que tu me chantes, là, Harry ?

Pour son âge, Harry était un homme qui ne le faisait pas, et qu'on préférait au métier de gangster qu'à celui de civil. Il était vêtu d'une chemise verte, et ne parlait que quand il en avait l'occasion. Il ignorait sans cesse le sujet de l'impatience, qui pour lui ne signifiait que la déprime. Il répondit, d'une voix encore plus grave :

- C'est elle, qui exécute. Charly dit qu'on ne voit rien venir avec une fille.

- Quoi ? C'est un tueuse ? demanda à nouveau Eyebrows, stupéfait.

Au contraire, Eyebrows était préférable au rôle de père londonien, qui s'occupait de sa vie en travaillant tout en étant aux côtés d'une femme et d'un enfant. Il était rasé, et portait ce visage et cette vocation de ceux qui sont curieux. Ce qui n'étonnait guère Harry qui répondit à nouveau, d'une voix aigre :

- On peut le dire, mec.

Puis il ajouta, plus jugeur :

- Elle n'est pas du genre à tourner de l'oeil à la vue du sang.

Ce qui étonna encore plus Eyebrows qui était du genre à exécuter solitairement, et non pas avec des gardes et des idiots ne sachant pas tirer au Beretta sur une limousine, mais pouvait caresser des animaux en se posant la question de la maltraitance animale. Il demanda, inconsciemment étonné :

- Eh ! mais pourquoi on a besoin de quelqu'un comme elle pour ce job ?! Je croyais qu'il fallait juste flanquer la trouille : ramasser la fille, ramasser le gosse, et les ramener à Charly.

Ce qui lassa encore plus Harry, qui répondit, vexé :

- Tu te ramollis Eyebrows. T'as des scrupules ou pas ? Tu sais que les choses ont l'habitude de se compliquer.

- Compliqué ?! Qu'est-ce qu'il y a de compliqué à ramasser une nana et son môme ?

Au même moment, la tueuse ouvrit la portière et se posta à côté d'Eyebrows. Elle semblait froide, incorruptible, au dessus de toutes les lois. Eyebrows la juga du regard, ce qui l'agaça encore plus qu'une capricieuse de cinq ans quand elle n'a aucun cadeau :

- Quoi ? Et alors, qu'est-ce que vous regardez ?

Les garçons, y compris le gorille, ne dirent rien et détournèrent le regard, ce qui froissa encore plus la femme qui répondit, d'une voix ironique :

- Oh ! rien à dire ? Bien. Salaud de Charly ! J'étais sensé bosser avec des pros, pas avec une bande d'amateurs...

- La ferme, ils arrivent, la coupa Harry, légèrement vexé.

Effectivement, une femme chiquement vêtue aux cheveux blonds coupés courts comme Patricia Kaas, et un enfant d'au moins cinq ans arborant le pull vert d'un uniforme scolaire, descendirent l'escalier de l'immeuble, et se retrouvèrent dans la rue. La femme marchait étrangement vite, en ne posant de regard qu'à son fils qu'elle tenait fermement dans les mains. Elle semblait heureuse, eux allaient tout gâcher. Le bonheur, le malheur, puis plus rien.

La tueuse les fixa longuement, puis répondit, d'une voix autoritaire :

- Regardez et prenez-en de la graine. Vous bougerez quand je vous le dirais. Attendez qu'ils aient fermé la porte.

Puis elle ajouta, plus joyeuse, mais toujours froide :

- Règle numéro un : Ne jamais laisser une transaction te filer entre les doigts. Allons-y !

Tout le monde ouvrit sa portière, à l'exception d'Eyebrows qui les fixa et attendit qu'ils sortent tous pour maugréer, agacé :

- Transaction ? Putain quelle garce !

Ce serait le conducteur, dans une autre histoire. C'est donc le transacteur. Les trois tueurs s'avancèrent en direction de la femme, à l'autre bout de la rue.

Elle souriait de plein gré, et regardait son fils avec amusement. Au bout de quelques mètres, elle dit à son fils, en lui tirant le nez avec amusement :

- Mon petit doigt me dit que tu seras délégué cette année. Ce serait super chouette, n'est-ce pa...

- Mrs. Hammond ?

La femme en question lâcha son fils qu'elle placa derrière elle, le temps qu'elle examine la situation. Une femme se tenait devant elle, se tenant le bas ventre, et escortée par deux hommes en costard. Mrs. Hammond découvrit directement qu'ils n'étaient sûrement pas de la police, ni du privé. Elle demanda, légèrement effrayée :

- Qui êtes-vous ?

- Nous aimerions vous poser quelques questions, d'abord, si vous voulez bien, dit la tueuse en éludant la question de Mrs. Hammond.

- Vous n'êtes pas de la police, se défendit Mrs. Hammond, depuis quand les flics ont une dégaine de pétasse ?

- Espèce de salope ! Salope !

Les hommes la prirent de devant, tandis que la tueuse la martela de coups. Le fils, quant à lui, courut droit dans la direction du tournant de la rue de Covent Garden, terrifié par la vue des gangsters. Mrs. Hammond n'eut qu'un mot à dire avant de mourir, et ce fut :

- Cours Alex ! Cours !

Avant qu'un coup de feu n'éteigne sa voix, suivi du hurlement de la tueuse qui ordonnait aux hommes de rattraper Alex.

La Rover roula jusqu'au tournant de la rue, et s'arrêta face au petit. Il y eut des hurlements, des protestations, le fils essaya de se défendre, de partir, de s'enfuir dans Londres.

En haut, au dernier étage de l'immeuble, un homme allongé dans son lit entendit, hurlé à la perfection :

- MARK MARK ! MAAAARRRRRKKKKK !!!!

Mark Hammond se réveilla immédiatement. Il se dirigea sans réfléchir vers sa fenêtre, et posa ses mains sur sa commode, les yeux embrumés par la fatigue. Le crâne douloureux, il observa la scène de ménage qui se passait dans la rue.

Il vit une femme à terre, et une autre courir en direction d'une berline rouge. Il reconnut immédiatement la femme au sol, allongée dans une flaque de sang : Suzy Hammond. Autrement dit, sa femme.

- SUZY !!! s'écria-t-il en attrapant le 9mm disposé sur sa commode. Il courut jusqu'à son hall d'entrée, se dirigea dans l'escalier de son immeuble, le dévala à toute allure, et se retrouva dans la rue. Plongé dans un brouillard blanc, sombre. Il semblait perdu, dans ses pensées. Terrifié.

Lorsqu'il vit sa femme, allongée dans une flaque de sang, au milieu de la rue et tenant dans sa main une arme, il accourut vers elle et la porta dans ses bras, tout en prenant l'autre 9mm. Agonisante, Suzy n'eut la force que de dire :

- Sauve...notre...fils...Mark...

- T'inquiètes pas ç'a va aller, ne t'inquiètes...

- Sauve...notre...fiiiillllss....

Elle fermit les yeux, définitivement endormie par la mort. Mark eut alors une bouffée de rage, comme si un ruisseau brûlant lui aspergeait le visage. Il hurla, enragé, hurla de douleur et de rage, et se dirigea vers la berline verte qui était stationnée sur sa droite, tenant dans les mains son arme. Il laissa sur l'asphalte des traces de sang. Derrière lui, une femme lâcha ses courses pour hurler.

Mais il s'en foutait : son nom, c'était Mark Hammond. Et à cet instant, sans le savoir, il venait de tout perdre.

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