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L'apaisement se faisait sentir alors que la fin du séminaire approchait. Félicitée à de nombreuses reprises par ses collègues et directeurs des différents services pour toute l'organisation et la qualité des animations mises en place, Fanny savourait cette réussite avec plaisir. Avant la fin du dîner, elle quitta l'effervescence de la grande salle du restaurant pour souffler quelques minutes sous la grande véranda qui courait le long de l'immense bâtisse. La fraicheur printanière lui provoqua quelques frissons alors qu'elle portait une longue robe noire à petites bretelles, ses bras nus légèrement couverts d'un châle abricot. Elle songea au discours de Roger et à sa future nomination, avec une once de stress. Après cela, elle pourrait entamer un nouveau chapitre de sa vie, et peut-être se laisser distraire par ce qui lui manquait à sa vie. Le visage d'Alexis Ramirez s'imprima dans son esprit mais elle secoua la tête, chassant son image rapidement.

— On évite la foule ?

Cette voix chaleureuse ne lui sembla pas inconnue. Et pourtant, elle détourna le regard pour y mettre un visage. Quel ne fut pas son étonnement lorsqu'elle comprit que c'était le bel inconnu auquel elle pensait quelques minutes plus tôt qui venait de faire son apparition à ses côtés. Que pouvait-il bien faire ici, à son séminaire ? Son esprit fourmillait d'interrogations mais elle s'interrompit pour le questionner à son tour, en omettant de lui répondre :

— Vous ? Vous travaillez pour l'hôtel ?

— Oui...euh, non, j'ai été convié, c'est une très longue histoire, à vrai dire. Mais, je ne vais pas vous embêter avec cela.

Le vent s'invita à leurs échanges, malmenant sa longue chevelure brune qu'elle avait laissé retomber en cascade sur son dos pour l'occasion. Elle glissa l'une de ses mèches derrière l'oreille puis planta son regard dans celui de cet homme mystérieux.

— Nous avons tout le temps.

Elle venait de l'inviter à poursuivre, à faire de cette parenthèses une fenêtre vers tous les possibles car il lui semblait que désormais, elle était prête. Mais ce court instant fut interrompu par Maryam qui passa une tête à travers l'encadrement de la porte vitrée, la pressant de se rendre dans la salle de réception. Le moment tant attendu venait enfin d'arriver. D'un sourire lumineux, elle abandonna Alexis Ramirez lui promettant de terminer cette conversation plus tard. Cette nomination la rendait plus sûre d'elle, plus entreprenante que jamais, comme si elle allait enfin pouvoir voler de ses propres ailes. Maxime Coste avait tendance à dire que la réussite professionnelle se construisait pierre par pierre, mais ne se mesurait que par l'édifice érigé. Et Fanny allait enfin rentrer dans les hautes sphères du bâtiment qu'elle avait pris soin de bâtir pour son avenir.

Au premier rang, tout près de son mentor, Fanny affichait cette mine enjouée et pleine de vie, attendant avec impatience le discours de Roger, telle une enfant ébahie devant les immenses vitrines de Noël. Et l'annonce ne tarda pas. Après avoir remercié la compagnie pour toutes les années de bonheur qu'elle lui avait offerte, son équipe pour son efficacité et sa réactivité et ses pairs pour leurs soutiens, il posa son regard amical et attentionné, le regard d'un père, bien loin de la mine autoritaire de Maxime Coste, sur sa collaboratrice en énumérant une à une chacune de ses qualités. Ses joues s'empourprèrent à la démesure, elle n'aimait pas les éloges publiques. Ce travail, cet accomplissement, elle ne le faisait pas pour rayonner auprès des autres ou pour plaire mais plutôt pour prouver à ceux qui ne croyaient pas en elle, qu'elle avait pu y arriver. D'ailleurs, elle n'avait pas vraiment prévu une fête en l'honneur de sa nomination, préférant passer ce moment unique avec son amie et collègue, Maryam. Roger s'éternisait à dresser le portrait de la collaboratrice idéale, laissant planer ce demi suspense. Fanny trépignait d'impatience, elle aurait aimé lui arracher le microphone et le remercier à son tour pour tout ce qu'il avait fait pour elle. Elle s'était d'ailleurs entrainée à réciter son discours de remerciements à de nombreuses reprises devant le miroir de sa salle de bain mimant l'étonnement et la joie.

— Et comme vous le savez toutes et tous, c'est avec grand regret que je vais devoir céder mon petit bureau au sein de You Care Assurances. Je quitte une grande famille et j'espère que les générations qui suivront contribueront à garder ces liens si précieux. Sans plus attendre, je vous présente votre nouveau chef des opérations marketing & communication, viens par ici, ajouta Roger Hollande tout en invitant son successeur d'un geste de la main. Bienvenue à Alexis Ramirez.

Fanny qui commençait à s'approcher de Roger fut devancée par Alexis, sans comprendre la situation qui venait de se dérouler juste devant ses yeux. Que s'était-il réellement passé ? Le regard perdu, elle n'entendait plus le nouveau directeur qui déjà exprimait sa gratitude envers le groupe pour cette opportunité stimulante. Sa vision se flouta et avançant à contre-courant, elle rejoignit les jardins pour s'aérer l'esprit. Maryam, tout aussi décontenancée, lui emboita le pas, tentant de soutenir son amie dans cette épreuve, sonnée par la nouvelle, les félicitations ainsi que les applaudissements assourdissants.

Sous le choc de cette révélation, Fanny retraçait les années de travail auprès de Roger, les milliers d'heures accumulées, les réussites qu'elle avait engrangées, la voix rauque et dure de son père martelant son esprit. Une larme glissa lentement le long de sa joue, une larme amère qui s'échoua sur sa robe. Maryam, une main compatissante sur l'épaule de son amie, hésita un moment avant de prendre la parole.

— Je... je suis vraiment désolée, ma chérie.

Fanny n'avait pas le cœur à discuter ni même à partager sa déception. Elle venait de recevoir un coup de couteau dans le cœur, laissant une plaie qui mettrait un certain temps pour cicatriser. Elle bouillonnait de l'intérieur, ruminant sa peine, repensant à toutes ces promesses non tenues, à cet avenir avorté. Le centre de son univers venait de s'écrouler et rien n'avait plus d'importance. Le regard plongé dans la noirceur des jardins de l'hôtel, Fanny fit ce qu'elle avait l'habitude de faire ; elle étudia la situation, la synthétisa et prit une décision sur la suite à donner. Puis, elle ravala sa fierté, essuya le coin de ses yeux du bout des doigts et posa ce masque d'indifférence dont Maxime Coste avait le secret, celui qu'elle avait finit par adopter en de telles circonstances.

Lorsqu'elle fit face à Maryam, un sourire inquiétant s'était figé sur son visage, ce sourire allait affronter la foule, ses collègues, son directeur général mais surtout Roger Hollande, qui venait de perdre toute l'estime qu'elle lui portait depuis toutes ces années. Jamais plus, elle n'accorderait sa confiance avec autant de crédulité. Elle s'en faisait la promesse.

La salle du restaurant s'était vidée peu à peu, les salariés s'étant dispersés avant le retour au cœur de la capitale pour certains. Ceux qui étaient véhiculés commençaient déjà à saluer leurs camarades pour regagner le parking. La fin de cette journée éprouvante sonnait mais Fanny devait terminer la mission qui lui avait été confiée jusqu'au retour devant les locaux de la compagnie aussi, elle se dirigea vers le groupe des grands directeurs et de quelques collaborateurs qui étaient encore attablés. Maryam qui la suivait de près, lui demanda si elle était bien sûre de vouloir affronter Roger Hollande.

— Ne t'en fais pas. Je contrôle.

Chaque pas vers Roger s'accompagnait d'une insulte mentale, une flopée d'injures qu'elle rêvait de lui envoyer à la figure.

— Roger ! s'exclama-t-elle d'une intonation à glacer le sang.

— Fanny...je...il faut que...enfin...

Sa voix chevrotante trahissait l'inconfort de la position dans laquelle il se trouvait. Aucune excuse ne vint gratifier sa collaboratrice d'une quelconque explication, ce qui lui laissa l'occasion inespérée de déverser toute sa colère envers son directeur. Malheureusement, cette opportunité fut avortée avec l'arrivée d'Alexis Ramirez dans son champ de vision. Elle se ressaisit immédiatement et glissa son sourire vers le visage enjoué de son nouveau Directeur marketing, celui qui lui avait volé la vedette, celui avec lequel elle allait devoir composer durant le reste de sa vie. Elle prit son courage à deux mains, ne révélant aucune de ses faiblesses et le félicita d'une voix assurée.

— Merci à vous, Mademoiselle Coste. J'ai hâte de pouvoir faire équipe avec vous surtout quand je vois l'excellent travail que vous avez effectué ce soir. Nous allons sûrement faire des merveilles ensemble, ajouta-t-il en arborant une mine enjouée.

— J'en suis persuadée. Sur ce, il est temps de rentrer. Nous avons eu assez d'émotions pour la soirée, vous ne croyez pas ? Interrogea-t-elle tout en plongeant son regard assassin dans celui de Roger.

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