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Les premiers rayons de soleil venaient de poindre à l'horizon, emplissant le salon d'une douce clarté. Fanny, une tasse entre ses doigts, soufflait les volutes de son café du bout des lèvres, teintant la baie vitrée d'une légère buée. Le maquillage de la veille avait glissé sur ses pommettes trahissant ses ruminations nocturnes. La trentenaire n'avait pas fermé l'œil de la nuit, pensant et repensant à l'échec de la veille. Elle n'avait rien vu venir et s'en voulait d'avoir donné tant d'importance à ce qui semblait ne pas lui être destiné.

Son appartement ressemblait à un champ de bataille, les mouchoirs jonchaient le sol, des bols de glace trainaient sur la table basse et des papiers de chocolat s'étaient glissés entre les interstices du canapé. Habituellement organisée et méthodique, ce matin-là, ne subsistaient plus que des débris d'elle-même.

Elle demeura longtemps à la fenêtre à contempler le monde, l'esprit vidé par toutes les émotions de la veille. La trahison de Roger l'avait profondément blessée. Elle se demandait comment elle avait pu se méprendre sur son caractère, sur ses intentions. Les conversations confidentielles, les projets partagés, tout semblait désormais entaché par cette révélation amère.

Et maintenant, avec Alexis Ramirez comme nouveau directeur, elle se sentait encore plus désemparée. Bien qu'il fût charmeur, avec son sourire irrésistible et son charisme naturel, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe de méfiance. Elle venait d’apprendre une bonne leçon, de se méfier des apparences et des faux-semblants. Elle se demandait si derrière ce visage avenant se cachait aussi un potentiel de trahison, si derrière ses paroles encourageantes se dissimulaient des intentions moins louables.

Dans cet état d'esprit tourmenté, l'idée de se rendre au travail était devenue insupportable. Elle n'avait aucune envie de croiser le regard de Roger, de devoir échanger des politesses hypocrites avec lui. Quant à Alexis, elle préférait éviter toute interaction pour le moment. Ainsi, elle décida de poser un congé, préférant s'accorder une journée de répit, loin de ces tensions et de ces sentiments confus. Elle avait besoin de temps pour digérer ces récentes révélations, pour prendre du recul et décider de la meilleure façon de gérer cette situation délicate. Et pour l'instant, cela commençait par s'éloigner de l'atmosphère toxique de son lieu de travail et éviter toute confrontation avec ces deux personnes qui avaient bouleversé son monde.

Un email envoyé aux Ressources Humaines, elle retourna sur le canapé, s'enroula dans son plaid à grosse maille douillet et confortable puis appuya sur "lecture", reprenant le cours de "la vie rêvée de Walter Mitty". L'histoire de cet homme ordinaire, enfermé dans son quotidien, qui n'osait s'évader qu'à travers des rêves à la fois drôles et extravagants, va complètement changer du jour au lendemain. Elle se disait qu'il suffisait parfois d'un petit coup de pouce du destin pour pouvoir trouver la force d'avancer.

Peut-être que sa chance, à elle, arriverait, avec un peu de patience. Cette idée la réconforta et redonna un nouvel élan à son moral.

Un coup d'œil par delà la fenêtre suffit à lui donner quelques idées pour ne pas se morfondre toute la journée. Elle mit de nouveau une pause sur son film, incapable de rester en place.

Depuis son plus jeune âge, Fanny avait la réputation d'être une très mauvaise acolyte de soirée. Lorsque son frère Lucas la trainait au cinéma, le jeune fille s'endormait avant la fin des péripéties. Elle ne se souvenait pas d'un seul film qu'elle aurait eu le plaisir de terminer dans son intégralité. Maryam en avait d'ailleurs fait les frais et s'était promis de ne plus jamais l'y emmener.

Fanny n'aimait pas spécialement l'inactivité. Rester passive devant un film ne l'intéressait guère. A contrario, elle aurait pu passer des heures bloquées entre les lignes de ses auteurs préférés, à se glisser dans la peau d'un Hercule Poirot, à s'inviter dans les contes d'Andersen ou même à s'émouvoir à l'excès aux côtés de Jane Austen. Elle adorait sentir son cœur battre la chamade, l'adrénaline parcourir ses veines, et le frisson de l'inconnu. C'est alors qu'elle y repensa.

Sans plus attendre, elle enfila rapidement son jogging, attrapa ses écouteurs, et se dirigea vers le parc, espérant retrouver l'évasion qui lui manquait tant. À contre-courant, Fanny bravait le flot des travailleurs, une expression de malice à la commissure des lèvres. Une vague de liberté l'envahit. Chaque pas la rapprochait un peu plus de cette sensation de plénitude qu'elle chérissait tant, celle que lui procuraient ses footings matinaux.

Au bout d'une bonne heure, à sillonner le parc de long en large, traversant le même petit pont à plusieurs reprises, Fanny rencontra de nouveau de fameux "dog sitter", celui qui lui avait tenu la jambe, le weekend précédent. Elle bifurqua aussitôt. Aujourd'hui, elle ne voulait aucune interaction et encore moins avec la gente masculine. Cette journée lui appartenait et rien ni personne n'allait embrumer cette vacance. Un pas de côté et la jeune femme se retrouva là où il l'attendait. Étrangement.

Le vent doux souffla à travers les pages du livre posé sur le banc, comme s'il voulait murmurer ses secrets à quiconque serait prêt à écouter. Fanny, attirée par ce murmure léger, se dirigea vers le livre qu'elle avait déjà commencé à lire lors de sa dernière promenade dans le parc. Chaque page tournée était comme une invitation à se plonger plus profondément dans l'histoire qui s'y déroulait, tandis que la brise continuait sa danse subtile, ajoutant une dimension de magie à cette lecture en plein air.

Pendant près de deux heures, elle fut absorbée par la lecture captivante de cette histoire, tandis qu'un sentiment de mystère s'insinuait dans son esprit, résonnant profondément en elle. Elle avait l'impression que ce récit reflétait sa propre vie. Un frisson la parcourut alors, et elle leva les yeux de son livre, son regard océan submergé par une cascade d'émotions. Elle se sentait totalement emportée par l'histoire.

Au moment où elle envisageait de poser le livre sur le banc pour y renoncer une fois de plus, quelque chose l'en empêcha. Elle ne pouvait pas se résoudre à abandonner la lecture, elle voulait connaître la suite mais le temps filait et son estomac tonnait son mécontentement. Alors, elle décida de couper court. Lorsqu'elle tenta de corner la page, elle découvrit un message écrit à la main de l'autre côté. En tournant le feuillet, elle put lire l'inscription suivante : "La vie est un cadeau que nous pouvons nous offrir, jour après jour."

Avec un sourire radieux et le cœur empli de gratitude pour cette rencontre fortuite avec un message si inspirant, Fanny reprit son petit bout de chemin mais cette fois-ci avec une nouvelle perspective, une assurance tranquille qui éclairait chacun de ses pas. Peu importait ce que l'avenir lui réservait, elle savait désormais qu'elle avait en elle la force et la résilience nécessaires pour affronter chaque défi avec grâce et détermination.

Et tandis qu'elle s'éloignait du banc, le livre serré contre son cœur, Fanny savoura le sentiment de liberté qui l'envahissait, reconnaissante pour cette journée qui avait pris une tournure inattendue, mais ô combien enrichissante. Car aujourd'hui, plus que jamais, elle se sentait véritablement maître de son destin.

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