quelqu'un s'est mis à faire ça

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un jour quelqu'un s'est mis à faire ça
personne ne lui avait rien demandé, mais il s'avère qu'il y avait un parterre qui traînait quelque part par terre et qu'il plut à ce quelqu'un de s'installer sur ce parterre et de le découper du reste des par terre pour en faire quelque chose d'autre
et ce jour-là, quelqu'un s'est mis à parler
selon la source de la légende, les raisons de cette prise de parole varient, certains disent qu'il voulait être entendu d'autres personnes sur d'autres par terre, d'autres qu'il avait besoin de dire et que parler reste la première et la meilleure manière de dire, je crois que c'est peut-être un peu des deux, et d'autres choses aussi que les exégètes de l'événement ont zappées, parce qu'ils ne peuvent pas envisager qu'il n'y ait peut-être pas de raison, que quelqu'un s'est mis à faire ça un jour par accident, en toussant si fort que d'autres ont compris, et que les autres ont appelé ça parler
oui, peut-être que quelqu'un s'est mis à faire ça sans le vouloir, et ce sont les autres qui voyaient ça qui étaient fâchés de ne pas comprendre et qu'il n'y ait pas de raison directe qui se sont dit allons coller une raison à cette parole par exemple en l'écoutant
oh, après ça, on n'en parle pas, c'est bon qu'à remplir des bouquins, des bouquins sérieux pleins de dates sérieuses et de détails sérieux sur des événements dont on a de sérieux doutes qu'ils se sont réellement passés
et puis, les suites ont ça de gênant qu'elles tentent toujours de justifier, et alors on est carrément foutus, c'est trop tard, et après que quelqu'un s'est mis à faire ça les gens ont trouvé ça si sensé qu'ils en ont fait toute une histoire avec des bouquins des dates des détails et des événements, alors tout de suite dès que quelqu'un a parlé on en fait de la politique et de la religion, de l'art et du divertissement, et ces étiquettes sont gênantes parce qu'il faut les délimiter, et paf, conférences, débats, aristote
alors qu'encore une fois c'est peut-être juste quelqu'un qui toussait différemment, sur un parterre particulièrement délimité des autres par terre

à vrai dire j'ignore si beaucoup de monde se pose encore la question
je veux dire ça fait tellement longtemps que quelqu'un s'est mis à faire ça, et les discussions sur ça, et les discussions sur les discussions sur ça, et ainsi de suite ont pris tellement plus d'ampleur que ça - quelqu'un qui parle - qu'on en vient à oublier la cause originelle
pire, on la balaye d'un revers parce que de toute manière on ne peut pas savoir parce que c'est trop vieux parce que c'est trop loin, on préfère parler des gens qui parlent des gens qui parlent, plutôt que de se dire
un jour quelqu'un s'est mis à faire ça
et de rester coi parce qu'on ne sait pas pourquoi, le cul par terre à chercher le tout premier parterre où quelqu'un a crié du sens pour que les autres écoutent peut-être ou juste pour parler, ou pour rien

on fait ça souvent, parler pour parler des gens qui parlent, parce qu'on a peur de se rappeler qu'on ne sait pas pourquoi ni depuis quand, de s'avouer que nos parents ont imité leurs parents et ainsi de suite jusqu'à ce fameux quelqu'un qui s'est mis à faire ça, moi aussi je fais ça souvent et je me dis putain si quelqu'un avait su qu'on en ferait un pareil fromage, il n'aurait peut-être pas trait la vache
souvent on me demande de me lever de mon par terre, d'en faire un parterre tout colligé et de parler de gens qui parlent de gens qui parlent, et surtout je n'ai pas le droit de m'en offusquer, pas le droit de leur dire mais qu'est-ce qu'on est en train de faire, parce que ça leur ferait peur, et ils me diraient mais pourquoi t'es venu ici si c'est pas pour faire ça, qu'est-ce que tu fous là en fait

je crois qu'ils s'en fichent de celui qui un jour a fait ça, et de tous les autres après, parce qu'ils font ça comme s'ils étaient les premiers et les derniers, ils parlent, et ça leur suffit si bien
ils ne comprennent pas qu'on puisse se poser des questions, plus précisément les questions insolubles où l'on se condamne à ne pas comprendre
ils s'abandonnent à l'évidence de ce qui se passe autour d'eux, parce que c'est

je les méprise souvent, mais autant je les admire, parce qu'ils me rappellent l'espoir que c'est de se dire le soir dans le creux du cœur quand les heures déçues rouillent les joues
un jour je me laisserai taire, et pour la première fois je parlerai sans commenter, et alors je me serai mis à faire ça, et ce jour-là

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