emprunt d'iréel au ronchon boréal
réécriture de la scène du poète dans ett drömspell d'august strindberg
diktaren – jag är en poet
j'écris des poèmes, ça veut dire
je laisse saigner mon encrier
et ça croûte sur du papier silencieux
les manuscrits ont de l'humilité
ils aiment les recoins sombres et les fonds de tiroirs
et si l'on parvient à les rencontrer c'est uniquement lorsqu'on les en tire
alors comment as-tu fait, fille de dieu, pour sortir de la page et te présenter devant moi
dottern – dumheter, personne ne m'as écrite
j'ai été conçue dans les vapeurs du ciel
je t'ai rêvé, toi et tous les hommes
vous pensez être faits de terre, et que la durceur de vos bras peut soulever les monts,
mais vous êtes comme des nuages qui rampent,
on y peut voir un visage parfois qui nous semble parler
mais bien vite le vent balayera la silhouette
comme tous les autres avant tu partiras sans prévenir
diktaren – et les lépreux sur la banquise, les chiens du désert, et l'œil du tournesol jusqu'à la tempête qui t'a projetée au port d'ici
dottern – comment sais-tu pour
diktaren – je sais tout ton voyage, j'ai tout écrit, je t'ai écrite rêvant ces mondes, et je t'écris me rêvant, je t'écris me rêvant t'écrire me rêvant t'écrire me rêvant t'écrire (igen och igen)
dottern – nej, je te rêve m'écrivant te rêver m'écrivant te rêver m'écrivant (igen och igen)
la litanie monte crescendo, les corps s'engagent
diktaren remarque que l'eau imaginaire (le céphalorachidien ambiant quoi) monte tout autour, il se tait, elle ne se tait pas
diktaren – tyst
elle se tait
diktaren – la mer monte, la grotte s'inonde, nous mourrons d'ici vite, noyés, avec de l'eau, dans les poumons, qui respirent...
dottern – oh, c'est bon, noyés, noyés, prétexte à la noix, tu meurs, väl, så, vad, c'est qu'un rêve, on y meurt qu'en pensée
diktaren – si vraiment tu me rêves, et que l'eau nous noie, ja, tu te réveilleras ailleurs, dans un autre rêve, avec d'autres hommes, mais moi, j'aurai juste recondensé ma gueule de nuage, j'aurai regagné la flaque informe d'où j'émane, et tu m'oublieras
dottern – et si je ne te rêve pas, et que l'eau nous noie, tu mourras simplement comme meurent les hommes d'en bas, paquet de terre diluée en boue
diktaren – hjälp mig, dérêve l'eau, dénoie-nous
elle lui tend un tuba
dottern – förlåt, je ne peux rien faire de plus
exit, svart
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