9 octobre – Océan Pacifique Sud

Après avoir sauté d’avions de ligne en jets privés pendant trois jours (et salement contribué au réchauffement climatique, je n’en suis pas fier), nous avons embarqué juste avant l’aube à bord du catamaran Élysée, qui nous attendait avec son équipage à Papeete, en Polynésie française. Nous avons mis le cap sur les îles Pitcairn en prévision de jeter l'ancre, en soirée, au plus près de l’endroit où le hasard avait jeté son dévolu.

Le trajet me semblait interminable et particulièrement éprouvant. J’avais beau regarder l’horizon, agrippé à la proue, je sentais mon estomac égrotant juste derrière mes dents, décidé à se jeter par dessus bord. Les mains serrées sur la fine rambarde, je regrettais le sable de l’Algérie et le froid mordant de la Sibérie. Sur le pont, Olivia détonnait avec le luxe insolent que j’avais exigé pour cette dernière balade, et dont je ne profitais guère. Dans sa tenue de baroudeuse, chemise kaki truffée de poches et pantalon de treillis noir, elle discutait avec le capitaine, d’un air grave qui ne faisait qu’ajouter à mon angoisse. Elle m’annonça la nouvelle avec un faux détachement et une forte inquiétude dans ses yeux noisette : une tempête nous arrivait dessus et il n’y avait aucun moyen d’y échapper. Je lui ai demandé comment un engin bourré de technologie, en contact permanent avec les satellites, pouvait s’être laissé surprendre. Elle haussa les épaules, coupant court à toute platitude sur ce qui semblait être notre destin.

C’est à ce moment que je me suis rendu compte de mon comportement odieux durant toute notre aventure, en contradiction avec sa volonté de tirer parti de chacune de nos destinations bizarres, avec enthousiasme et curiosité, sans regarder à la dépense, mais sans faste. À dire vrai, louer ce bateau de luxe et tracer tout droit pour en finir avec notre escapade, c’était mon idée.