Chapitre 5 (3/5)
Déstabilisé, le Guerrier Débutant répondit qu’il n’en avait que quinze. Son amie prêtresse et le reste des spectateurs étaient tout aussi étonnés que lui. D’habitude, les aventuriers débutaient leur carrière le plus tôt possible, soit à quinze ans l’âge requis. Ce qui n’était effectivement pas le cas du Guerrier du Désert.
-Et tu t’es enregistré seulement maintenant ? demanda le jeune homme. Pourquoi ?
-J’ai simplement réalisé que je n’étais pas prêt. La mort m’a manqué de peu et j’ai pris conscience de mes lacunes.
Le Guerrier Débutant ne répondit pas, cherchant le sens profond des paroles de son confrère. Il aurait aimé discuter davantage avec le Guerrier du Désert, mais il l’arrêta d’un geste de la main.
-Navré, ajouta-t-il, mais je crois que je suis attendu.
En effet, sur le bord du terrain se tenait l’Amazone et le reste du groupe.
-Travaille ce que tu as appris aujourd’hui et tu n’auras aucun mal à terrasser les gobelins et les autres monstres.
Le Guerrier novice remercia l’Épéiste pour ses conseils et proposa aux autres aventuriers de s'entraîner avec lui. Le Guerrier en armure lourde ne se fit pas prier.
De son côté, le Guerrier du Désert rejoignit ses camarades.
-Tu t’es bien amusé on dirait, plaisanta le Nain.
-Un petit entraînement matinal.
-Qui a eu son petit effet semble-t-il. Dit l’Elfe qui fit remarquer que beaucoup de regards étaient braqués sur le jeune homme.
Cela n’avait rien de bien étonnant, sa maîtrise de l’épée n’avait pas manqué de surprendre les spectateurs. Le mage suggéra donc de se regrouper dans la taverne afin de pouvoir discuter en toute tranquillité. Une fois réunis dans le hall de la guilde, les aventuriers se rassemblèrent autour d’une grande table de chêne circulaire, Oull quant à lui voleta jusqu’au dossier de la chaise de son maître.
Sans plus attendre la combattante ouvrit la réunion :
-Aujourd’hui nous accueillons notre nouveau camarade. Dit-elle avec un large sourire.
Le Guerrier du Désert remercia le groupe de l’avoir accueilli et se présenta en bonne et due forme.
-Je viens du lointain pays des Dunes au sud-est du continent. Je suis né dans la tribu des « Lions du Soleil », un clan de nomades du désert. Nous sommes des guerriers, mais aussi des marchands et des tisserands. La vie dans le désert est dure et risquée, par conséquent, dans notre communauté il est obligatoire pour tous les enfants d’apprendre l’équitation, l’escrime et le tir à l’arc pour la chasse.
Le jeune homme passa ensuite quelques minutes supplémentaires à parler du climat et des immenses dunes de sable qui jalonnaient son pays. Quand il eut fini son récit, les yeux de son public brillaient comme des étoiles. Mais alors que ses camarades proposaient de parler des différentes stratégies et formations de combats possibles de leurs futures missions, une voix féminine interpella le Guerrier du Désert.
-Excusez-moi.
L’aventurier se retourna, face à lui se tenaient trois personnes : la réceptionniste aux cheveux de blé qui l’avait reçu lors de son premier jour, sa collègue prêtresse du dieu de la loi et une troisième femme, plus âgée aux cheveux noirs coiffés en carré et au regard sévère vêtue d’un costume masculin aussi sombre qu’un cristal d’onyx. Le jeune homme se leva et demanda :
-Que puis-je pour vous ?
-Nous avons besoin de vous parler, c’est très important. Répondit l’Hôtesse de Guilde.
Le Guerrier du Désert se sentit tout à coup mal à l’aise, il déglutit bruyamment.
-Soit, je vous suis. Dit-il alors en tâchant de conserver son calme.
Sous les yeux inquiets de ses compagnons, l’Épéiste suivit le trio à l’étage du bâtiment. Les officiels de la guilde l’invitèrent à entrer dans une pièce meublée d’un bureau et d’un canapé. Le jeune homme venu du désert du sud n’avait vu que peu de mobilier de ce genre. Chez lui on se couchait à même le sol, sur de larges coussins, dans de rares cas on utilisait un fauteuil en bois tressé, c’était donc, pour lui, la première fois qu’il s’asseyait ainsi. Retirant son sabre et sa rondache pour plus de confort, le jeune homme prit place sur le canapé à la demande de l’Hôtesse. Son camarade volatile n’ayant pas pu le suivre à l’intérieur se posa sur le rebord extérieur d’une fenêtre.
-Bien, dit la jeune femme installée derrière le bureau, savez- vous pourquoi vous êtes là ?
-J’avoue que non. Ai-je commis une faute ?
-Jusqu’à preuve du contraire non. Précisa la grande brune qui prenait place sur un fauteuil.
La prêtresse de la loi prit place à son tour dans un fauteuil, à la droite du bureau. Un filet de sueur froide coula dans le dos du Guerrier du Désert, il avait la désagréable sensation d’être un accusé au cours d’un procès. La voix mentale du djinn résonna alors dans son esprit :
-Allons détends toi un peu gamin.
Sable se matérialisa à ses côtés, derrière le dossier du canapé. En entendant la voix puissante qui glissait comme le vent du désert, le jeune homme se détendit et reporta son attention sur ses trois interlocutrices. L’Hôtesse de la Guilde sortit plusieurs documents d’une chemise et après y avoir jeté un rapide coup d’œil, fixa ses yeux sur le jeune guerrier enturbanné.
-Bien, la raison pour laquelle vous êtes ici est assez simple : nous avons quelques questions à vous poser. Dit la jeune employée.
-Je vous écoute.
-Bien, dis la jeune femme en plissant les yeux, vous avez commencé votre carrière d’aventurier il y a un peu plus d’une semaine n’est-ce pas ?
-C’est exact.
-Bien, saviez-vous déjà manier les armes avant de vous engager ?
Le Guerrier du Désert comprenait assez bien le but de cette question, la Guilde voulait s’assurer de la véracité des informations que le jeune aventurier leur avait fournies lors de son enregistrement.
-Oui, j’ai suivi un entraînement de plusieurs années. Dans mon pays c’est quelque chose de normal.
La femme brune et l’Hôtesse regardèrent la prêtresse du coin de l’œil, elle ne dit rien et se contenta d´un petit hochement de tête. La réceptionniste se racla la gorge avant de reprendre :
-Hum…Très bien. Maintenant une dernière chose, pouvez-vous nous raconter ce qu’il s’est passé dans la crypte, ainsi que le combat contre la Nécro-Ombre.
Sans poser de question, le Guerrier du Désert s’exécuta. Il n’omit aucun détail, il raconta ce qu’il avait découvert en arrivant dans le souterrain, le combat contre les gobelins et finalement celui contre le démon de la crypte, il veilla à ne pas parler du djinn. Quand il eut achevé son récit, les trois femmes échangèrent des regards. La prêtresse de la loi garda le silence, confirmant l’honnêteté de l’Épéiste. Le jeune aventurier espérait que l’interrogatoire était terminé. La grande femme brune parla alors pour la première fois :
-Dites-moi comment avez-vous su que cette compagnie allait être en situation critique ?
Le Guerrier du Désert sentit les poils de sa nuque se hérisser.
-Dois-je vraiment répondre à cette question-là ? Demanda-t-il d’une voix pleine d’inquiétude.
-Il vaudrait mieux. Répondit son interlocutrice.
Le jeune aventurier inspira profondément et réfléchit rapidement. Il ne pouvait pas leur parler de son rêve sans leur parler du Djinn, et il préférait ne pas en parler, le miracle de la prêtresse l’empêchait de mentir, il était coincé.
-Je sais ce que tu peux dire sans que cela soit un mensonge. Dit alors Sable
Son camarade tendit l’oreille, totalement concentré, puis d’un ton calme et serein il dit :
-Je peux vous dire que j’ai reçu ces informations d’une source très fiable. Mais pour des raisons personnelles, je préférerais ne rien dire.
Un lourd silence s’installa dans la pièce, la prêtresse de la loi lança à nouveau son miracle. Le Guerrier du Désert tripota machinalement ses mains, tandis qu’une goutte de sueur coulait le long de son front.
-Il ne dit pas tout. Conclut la prêtresse sur un ton qui se voulait sans appel.
-Qu’est-ce que vous nous cachez ? Demanda l’Hôtesse.
L’Épéiste soupira et passa sa main sur son visage trempé de sueur froide.
Annotations