Chapitre 1 - Frustration

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Cela fait déjà trois jours que j'ai quitté Altéphée. Allongé dans mon lit, j'ai enfin le temps de laisser mes pensées se tourner vers ce monde qui me manque déjà beaucoup. Dimanche soir, ma fête d'anniversaire s'est terminée après le coucher du soleil, puis il a fallu préparer le retour à l'école. Les copains m'ont assailli de questions : Pourquoi je n'étais pas venu au basket ? Quand pourraient-ils m'offrir leurs cadeaux ? Qu'est-ce que j'avais attrapé pour rester enfermé tout un après-midi ?...

Chloé m'a même pris dans ses bras, elle semblait vraiment inquiète ; je n'ai jamais manqué un match depuis le CE2. Je dois dire que ça m'a fait tout drôle, j'ai eu l'impression d'avoir du sucre pétillant en train d'exploser dans mon ventre. J'aurais bien fait durer ce moment plus longtemps, mais je n'ai pas osé.

Depuis mon retour, je repasse tous les jours devant le portail aux dragons. Il est de nouveau fermé, impossible de voir au-delà. J'ai bien tenté de grimper mais j'ai fini les fesses par terre. Pourquoi s'est-il ouvert dimanche après avoir gardé ses secrets pendant des décennies ? Je ne comprends toujours pas. Mais, au fond de moi, je l'en remercie car sans cela je n'aurais pas vécu ces incroyables aventures : chevaucher un dragon, me lier à l'un d'entre eux, être l'ami d'une licorne, de trolls et d'un Ïaryss.

Parfois, j'ai l'impression que tout cela n'était qu'un fabuleux rêve.

Dans ces moments, j'attrape mon collier de cuir et caresse l'écaille de dragon orné d'un crin de Lisa incrusté dans la nacre. Mes doutes s'envolent aussitôt. Ils sont remplacés par une vague de tristesse. Peflor a-t-elle survécu ? Et le dragonneau bleu-vert sans lien, qu'est-il devenu ?

J'ai essayé toutes les idées qui m'ont traversé l'esprit afin d'y retourner : escalader le portail, frotter mon pendentif, penser à mes amis, ressentir mon pouvoir de Frelsar, trouver un déclenchement secret pour ouvrir le portail... Que des échecs !

C'est étrange... Au début, même si Altéphée me fascinait, je voulais m'en échapper. J'avais trop peur de Skaross et de son armée démoniaque. Maintenant, je ne désire qu'une seule chose : y revenir au moins une fois pour dire aurevoir à tout le monde. C'est le plus dur : être parti soudainement, sans faire mes adieux. Météora doit regretter de m'avoir choisi, je ne suis pas à la hauteur. Ma magnifique dragonne ! Elle a beau me rassurer en pensée, je ne suis pas convaincu. Oui, c'est la seule bonne nouvelle depuis mon retour, j'arrive à lui parler. Comment ? Pourquoi ? Et surtout pourquoi seulement à elle ? Je n'en ai aucune idée, mais c'est mon petit bonheur quotidien puisque notre communication semble limitée à une liaison par jour.

Mes parents voient bien que quelque chose me travaille. Ils ont cru que la sortie au Parc Astérix m'avait déçu alors que j'attendais depuis des années de pouvoir tester le Grand Splash ou le Tonnerre de Zeus. Ils ont évoqué la pré-adolescence, une dispute avec mes amis, et même le harcèlement scolaire. Comment leur expliquer que j'étais parti dans un lieu fabuleux pour devenir le sauveur d'un autre monde ?

J'ai trop peur de me retrouver devant un groupe de médecins pour chercher ce qui ne tourne pas rond dans mon cerveau, et ces derniers de conclure que je suis fou et qu'il me faut un traitement d'urgence. Et même si on me croyait, grâce à l'écaille de dragon, qui sait ce que l'intérêt de certains pour l'argent pourrait leur faire miroiter comme richesses grâce à la chasse de cet animal de légende. Hors de question de mettre mes amis en danger ! Alors je garde tout en moi. C'est lourd. Par moment j'ai envie de pleurer.

Cette après-midi, papa n'a pas insisté pour que je l'accompagne faire les courses alors je reste seul à la maison, le mercredi maman travaille. J'en ai marre de me morfondre dans mes draps, peut-être qu'un petit tour dehors me redonnera un peu de joie de vivre.

J'enfile mes baskets et mes pas me mènent directement devant le portail au fond de l'impasse. Les mêmes motifs de dragons que ceux d'Altéphée. J'essaie de m'approcher mais on dirait qu'une force m'en empêche désormais. Pourtant je sais bien que la magie n'existe pas dans mon monde. Énervé, je tape du pied de frustration. Ma gorge se serre, j'ai de nouveau envie de pleurer. Mes mains attrapent mon pendentif, je me mets à le frotter, sa douceur m'apaise. Je pense à Météora puis je visualise Lisa... Je ne sais pas pourquoi je m'approche à nouveau du portail. Je vais encore finir par terre...

Clic.

Je sursaute et lâche mon pendentif. Je tends la main vers le portail et je finis comme prévu sur le sol, les fesses en feu.

J'attrape de nouveau l'écaille de dragon pour tenter de calmer la colère qui me gagne.

Grincement.

Ce n'est pas possible ! Cette fois ça s'est entrouvert, comme il y a trois jours. Je n'ose plus lâcher le collier. J'avance prudemment et pousse de ma main libre le battant. La même allée bordée d'arbres et je ne vois toujours pas le bout du chemin. Mes yeux fixent l'herbe. Je me crispe en pensant au seul moyen qui me vienne en tête pour rejoindre mes amis. Mieux vaut ne pas trop y penser. Je fais un grand pas et tombe directement dans un long trou noir. J'ai beau m'y être attendu, je ne peux m'empêcher d'hurler. Et si cette fois, ça ne fonctionnait pas ? Et si cette fois je me fracassais sur le sol ?

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