Chapitre 14 - Lue-divine
Nous poursuivons notre route, l'air grave. Quelques membres de l'équipage ont même les larmes aux yeux. Tout comme Lisa qui laisse rouler une larme emportée par le vent.
— Ça va ?
— Je sens la douleur de la forêt toute proche et j'imagine la souffrance des êtres vivants qui sont décédés ici. Mon cœur se serre.
— Je suis avec toi et nous allons aider Chloé à mettre fin à ce désastre.
— Merci Hugo, de prendre soin de moi.
— Tu es mon amie.
Je vois ma licorne retrouvée un peu de légèreté et ça me met du baume au cœur. De mon côté, j'essaie de ne pas penser à tout ça, c'est vraiment trop triste.
Nous marchons pendant une bonne heure avant d'arriver au bourg suivant. Les maisons me font penser à celles que l'on voit en Italie, toutes colorées comme si chaque jour était une fête. Sauf qu'ici, elles ont toutes le toit plat et sont dotées de deux portes : une de la taille d'un homme adulte, l'autre un peu plus grosse qu'une chatière. Chloé s'approche de moi et me chuchote :
— Dans ton monde, y'a aussi des maisons avec deux portes ?
— Non.
On se regarde et on peut lire dans les yeux de l'autre la question que l'on se pose : À quoi ou à qui servent ces petites portes ?
Nous nous mettons à observer autour de nous en quête d'indices. Les gens que nous croisons ont la peau mate, comme un léger bronzage, mais aucun de taille suffisamment petite pour pouvoir passer par la petite entrée. J'observe avec plus d'attention, ma curiosité a repris le dessus.
Les hommes ont les cheveux longs attachés en queue de cheval ou par une tresse. Ils sont vêtus d'un pantalon droit et d'une tunique colorée maintenues aux poignets par des élastiques, et dont le col remonte jusqu'au milieu du cou. Les femmes, quant à elles, ont les cheveux jusqu'au bas du dos, et portent toutes une robe serrée à la taille. Certaines s'arrêtent aux genoux tandis que d'autres vont jusqu'aux chevilles dans un ensemble de drapés légers. Toutes les tenues sont décorées de motifs floraux et parfois de quelques animaux brodés.
D'un coup, Chloé et moi tournons la tête et regardons dans la même direction : un pallanère pousse le plus petit battant pour entrer dans une habitation. Voilà à quoi servent les portes ! Ici, les pallanères ressemblent à ceux que j'ai transformé avec ma magie, de grosses boules de slimes dotées d'une bouche et de deux gros yeux à la Chat Potté. Ils vivent donc avec les humains ? Peuvent-ils parler ? J'ai envie d'aller voir mais Chloé m'attrape par la manche et me tire à la suite de notre groupe qui vient de tourner à l'angle de la rue.
Nous entrons dans une sorte de bar avec de larges tables en bois pourvues de part et d'autre de bancs. Des regards surpris se posent sur Lisa qui semblent tout aussi mal à l'aise. Elle préfère de loin les grands espaces mais ne veut pas nous quitter le temps de notre pause pour nous rafraîchir.
— C'est la taverne de ma jeunesse, dit l'un des matelots.
— Alors, que nous recommandes-tu ? demande Bas-tient en s'accoudant à la table.
Ah oui, c'est ainsi qu'on appelait les bars autrefois. Avant que j'oublie, j'interrompts la discussion :
— Les pallanères peuvent-ils parler ?
— Bien sûr, pourquoi ? m'interroge Bas-tient.
Son regard est attiré par la mine sombre de Skaross.
— Quelque chose ne va pas votre... Skaross ?
— De mauvais souvenirs.
Je prends conscience qu'il n'a peut-être pas envie d'exposer à tout le monde comment le tiberium maléfique l'a conduit à transformer en bête monstrueuse les pallanères. Je suis stoppé net dans mes pensées par un homme armé qui apostrophe Skaross :
— Prince, veuillez me suivre.
Ses sourcils froncés et ses lèvres pincées ne me disent rien qui vaillent.
— Je suis venu aidé mon peuple, proteste Skaross en se levant.
— Vous n'avez pas le droit d'être ici sous peine d'exécution pour le meurtre de notre souverain, votre père.
Je sens l'atmosphère devenir électrique. L'équipage est sur le qui-vive, Bas-tient a descendu sa main sur le pommeau de son épée. Je vois la panique dans les yeux de Chloé.
Puis d'un coup le soldat s'effondre sur le sol dans un bruit mat. La tenancière de la taverne a les bras levés au-dessus de sa tête, une poêle dans les mains.
— Suivez-moi. Votre altesse, je vais vous aider. Nous sommes nombreux à espérer votre retour.
Sans hésiter, nous nous levons et la suivons sous le regard curieux, parfois sévère des clients. Elle nous mène dans l'arrière-boutique, attrape un morceau de papier, un stylet et note :
— Voici une adresse où vous serez en sécurité. Je pense qu'il devrait tous pouvoir vous accueillir. C'est un de mes fournisseurs de vin qui dispose d'un petit domaine pas très loin. Allez-y de ma part, Lue-divine, la propriétaire de La Goutte d'Or. Dépêchez-vous, le soldat a envoyé un garçon prévenir la milice.
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