Chapitre 24 - Attaque du monstre

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La nuit est courte. Je dors mal, fais des cauchemars. Le pire est celui où j'avance dans un brouillard rougeâtre à chercher Chloé qui m'appelle, sans jamais la trouver.

Je me réveille presque plus fatigué que la veille, le coeur lourd. Lisa m'appelle au loin et me propose une balade en forêt pour me changer les idées. Je mets mes habits que j'ai pu récupérer en douce, même si tout le monde me regarde bizarrement, je suis nettement plus à l'aise. Puis je file dans la salle du petit-déjeuner. Skaross et T'ziss ont presque terminé, tandis que Peflor et Nadil viennent de s'asseoir. Chloé arrive en baillant.

— Comment vas-tu Hugo ? me demande Peflor en tapotant la chaise à côté d'elle.

Je la rejoins et hésite. Elle pose sa main dans mon dos et penche sa tête vers moi avec un sourire chaleureux :

— Nuit difficile ?

— Je... Oui. Dans mon pays, on ne met pas à mort les gens, ça m'a secoué, même si je sais que c'était nécessaire.

— Laisse-toi le temps de digérer cela, tu as été très courageux hier. J'ai vu dans ton regard combien c'était difficile mais tu es resté droit et tu as assumé ta place.

— Merci Peflor.

Un messager entre précipitemment avant que nous puissions poursuivre notre discussion. Il a du mal à articuler tant il est essoufflé. Skaross lui demande de retrouver son calme d'un geste de la main, avant qu'il ne livre la missive en précisant :

— Sur la côte ouest.

— Merci. Va au cuisine te restaurer, propose Skaross devant le visage livide du coursier.

Il a tout juste quitté la pièce que Skaross se lève d'un bon :

— Une nouvelle attaque ! Le port de Spouna est gravement touché et la partie nord de la ville aussi. Je dois me rendre sur place pour comprendre ce qu'est cette bête et trouver un moyen de mettre fin à ce fléau !

Tout le monde se met debout. Je vois l'hésitation dans les yeux de Chloé. Elle est consciente de ce que l'on attend d'elle mais aucune nouvelle vision n'est apparue depuis la prise deu château. Je prends sa main et nous suivons le groupe vers les écuries.

Il faut plus d'une heure pour arriver jusqu'à Spouna et le monstre est déjà reparti. Comme il réapparaît souvent plusieurs fois au même endroit, Skaross prend ses quartiers dans une auberge un peu à l'écart de la ville pour nous tous. La population l'attend avec impatience. Vu le bain de foule qui se profile, il a choisi le calme pour se ressourcer en fin de journée. Si la créature est assez clémente pour le laisser respirer entre deux attaques.

Nous nous rendons directement au port. C'est un véritable désastre : les bateaux sont renversés les uns sur les autres, des morceaux de planches et de poteaux en bois flottent au milieu des carcasses des navires éventrés, une partie des maisons près des quais se sont effrondrées tandis que des morceaux de bois ont explosé des fenêtres et écrasés des toits d'autres habitations. Des poissons gisent sur le sol, certainement projetés par des gerbes d'eau. On croise quelques blessés emmenés en charrette vers l'hôpital qui, à ce que nous entendons, est débordé.

Skaross discute avec des habitants qui se sont approchés en voyant sa couronne. De plus en plus de monde nous rejoint et le roi écoute patiemment les doléances de chacun. Quelques uns ont perdu un membre de leur famille ou un ami. D'autres recherchent un disparu. J'écoute d'une oreille, observe dans le même temps, à moitié présent et à moitié absent. Je pensais être paré avec la guerre que j'ai déjà mené il y a quelques jours (cinq ans pour mes amis d'Altéphée) mais il n'en est rien.

Je suis secoué et n'arrive pas à me concentrer.

Je suis docilement le mouvement, toujours à moitié absent, quand mes amis se dirigent vers l'hôpital. Les portes tout juste passées, nous entendons des cris de douleur, des pleurs. On se bouscule et on s'agit dans le hall. Des blouses sont maculées de sang.

Des pallanères accueillent les nouveaux arrivants, leur servent une boisson chaude et tentent de les aider à retrouver leurs proches.

T'ziss attrape ma main et celle de Chloé et nous tire vers l'extérieur. Nous rentrons tous les trois à l'auberge et il nous installe autour d'une table avec une infusion relaxante, glissée dans sa poche par Peflor, avant de se tourner vers Chloé :

— La Pitie, qu'a-t-elle dit ?

Celle que j'aime regarde le Ïaryss avec un mélange de gêne et d'affolement :

— Rien. Je n'ai pas de vision. Je... Et tous ces gens...

Je pose ma main sur la sienne et mon amie se met aussitôt à pleurer. T'ziss déploie une aile pour venir entourer le corps tremblotant de Chloé.

— Je... suis... désolée...

— Ce n'est pas ta faute, tu n'as à t'excuser de rien, la rassure T'ziss.

Je comprends ce qu'elle ressent, moi qui me suis senti si inutile lorsque tout le monde m'aidait à révéler mes pouvoirs tandis que les morts s'accumulaient dans le royaume d'Altéphée. Pour autant, je ne sais pas comment la consoler. Cela me fend le coeur.

Après de longs sanglots, T'ziss suggère à Chloé d'aller se reposer. Je l'accompagne et reste assis près d'elle jusqu'à ce qu'elle s'endorme, sa main dans la mienne. De mon côté, le sommeil me fuit, pourtant cela me permettrait de ne penser à rien, au moins quelques heures.

Je redescends lorsque j'entends mes amis revenir. Je comprends que je suis de trop mais ma curiosité est plus forte. Je m'installe dans un fauteuil près de la bibliothèque et fais semblant de lire. Je suis encore à porter des conversations, je peux donc suivre les échanges :

— Il nous faut trouver une solution et vite. Je ne supporte pas de voir mon peuple souffrir ainsi ! explose Skaross.

— J'ai parlé avec Chloé mais la Pitie ne lui a rien appris, il faudra faire sans, confie T'ziss.

— Il faut attendre une nouvelle attaque, dit Nadil en regardant chacun dans les yeux.

— Mais... commence Skaross.

— Mais c'est seulement ainsi que nous saurons à quoi nous faisons face. Si nous nous précipitons, nous risquons de perdre davantage. Comme elle se déplace dans les remous des vagues, personne n'a encore réussi à l'identifier correctement. Nous savons seulement qu'elle est dotée de tentacules et qu'elle dépasse la taille des habitations. C'est trop peu.

Je vois du coin de l'oeil Skaross crisper les poings.

— Je vais voir à disposer des patrouilles de surveillance en ville et le long de la côte pour être sûrs d'identifier la bête. Il faudrait une vue aérienne ou sous-marine... Mais les trolls aquaciens ont trop peur et nous n'avons pas de Ïaryss dans nos contrées.

Le dragon d'eau. Il faut que j'en parle à Chloé. Peut-être qu'elle peut l'appeler avec la Pitie. Il pourra sûrement nous aider.

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