Les gâteaux canadiens

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Mon année d'échange universitaire au Canada fut enrichissante, à tout point de vue. Elle fut aussi remarquable en terme d'expérience dans le sens où j'y ai perdu mes papiers trois fois de suite et je ne les ai plus jamais reperdu.


La première fois fut complètement en dehors de ma responsabilité. Avec des camarades de classes, on a fait une soirée billiard dans le centre commercial du campus. C'est moi qui me suis porté caution pour le matériel de billiard en donnant mon permis de conduire français, car inutile là-bas. Après avoir passé une bonne soirée, je rends les boules et j'attends mon permis en retour. Embarras en face. Incompréhension chez moi. A l'évidence, ils ont perdu mon permis.

Je suis passé dans le bureau du manager pour expliquer mon cas et surtout décrire ce bout de papier rose ridicule à leurs yeux. J'ai enchainé sur la police du campus avec déclaration de perte, et le déclenchement de mon assurance française avec toutes les complications des témoignages anglais à traduire officiellement. Un mois plus tard, le manager m'a contacté, s'est excusé et m'a finalement remboursé le coût du timbre fiscal en cash. Un homme intègre. Deux mois plus tard, mon assurance me rembourse elle aussi. Je suis peut être un peu moins intègre.


Mais je suis tenace. J'ai appris à continuer les recherches. Cette fois-là, c'était une soirée cinéma. Six personnes à caser dans une voiture pour cinq, je me porte volontaire pour y aller à pied, à 3 km, mais on me propose un vélo. Parfait. Cependant, j'ai peur qu'on me le vole et d'être obligé de rembourser le vélo. On me prête un anti-vol. Merveilleux. Je pars de suite et j'arrive après les autres. Normal. J'ai oublié le film, mais pas le fait qu'il a commencé à pleuvoir à la sortie vers minuit. On me propose de rentrer en voiture en se tassant et de récupérer le vélo le lendemain. Je refuse en ne voulant pas laisser la selle se tremper sous la pluie et je commence mon petit bonhomme de chemin.

Arrivée à la résidence universitaire, je m'apprète à ranger le vélo et je réalise qu'il n'y a plus de clé. Pas dans mes poches. Pas sur l'antivol. Je l'ai ouvert pour revenir du cinéma donc la clé est sur le chemin. Je refais le trajet aller et retour, en regardant toujours le bord de la route du retour. Rien. Il pleut toujours, c'est déprimant. Je valse avec cette déprime et je repars pour un tour scrutant le caniveau. Rien, à part les sous-vêtement trempés par la pluie qui a redoublé. Las, et je retourne me coucher et pis merde, un tour encore.

A mi-chemin, je retrouve la clé noire, posée en travers d'une grille d'égout qui collecte les flots grandissants. La clé aurait pu tomber légérement inclinée et se perdre dans une fente. Elle aurait surement été poussée dans l'égout si j'avais attendue la lumière du jour pour recommencer les recherches. J'ai eu de la chance. Non, j'ai forcé ma chance.


La seconde fois où j'ai perdu mes papiers sur le sol canadien, c'était plus grave. C'était ma carte d'identité et c'était ma faute. Au retour d'un match de squash dans un club de Toronto, j'avais égaré mon portefeuille au fond du vestiaire. De couleur noir, je n'ai probablement pas vu qu'il était sorti de ma poche. En fait, j'ai reçu le lendemain soir un appel téléphonique d'un homme me disant qu'il avait récupéré mes papiers. Curieux, je m'aperçois qu'effectivement j'ai vécu un jour sans réaliser avoir perdu mes papiers.

Très heureux, j'invite l'inconnu dans mon appartement, sous-loué à une étudiante en stage, et je lui promets un gâteau suivant la recette de ma grand-mère, un simple gâteau au yaourt, mais la première recette donnée par ma grand-mère à six ans. Le soir, il arrive et me rend mon précieux alors que je découpe le fameux gâteau. Je raconte ma vie, je m'ouvre. Il prend ses aises en attendant. Mais un peu trop à mon goût, car je ne sais pas en fait ce qu'il attendait de moi en plus. J'ai repensé à ma virée en stop en Vendée où j'ai dû faire mine de sauter d'une voiture en marche pour que le conducteur, que je craignais violeur, me relâche enfin. Ce canadien bodybuildé était certainement plus fort que moi. Et s'il m'avait tout simplement repéré et volé mes coordonnées ? J'ai pris peur mais j'ai essayé de le cacher. Je l'ai remercié poliment et demandé à ce qu'il reparte dès la première part engloutie. Je ne sais pas si j'ai été parano et injuste.


La troisième fois fut du n'importe quoi. Ma tante me rendait visite pour 2 semaines, avec en tête un road trip jusque Québec. Mais d'abord, j'avais l'intention de célébrer avec le gâteau de sa mère. L'aéroport était à 45 minutes en car de mon apartement mais je ne connaissais pas la fréquence, alors je suis parti plus d'une heure en avance. J'ai attendu le car vingt minutes par moins vingt degrés, mais à l'abri du vent qui faisait chuter sous les moins trente. Fatalement, je suis arrivé cinq minutes en retard à l'aéroport, j'ai donc bondi du car et couru vers le bon terminal puis les arrivées. Je craignais que ma tante attende, voire prenne un taxi vers mon adresse. Pas de téléphone portable à l'époque. Finalement, l'avion a du retard et elle apparait plus d'une heure après. Embrassade chaleureuse mais fatigue mutuelle des trajets. On file vers le kiosque pour acheter les billets de car.

Et là, plus de portefeuille. Affolement et reconcentration immédiate. J'explique au manager où se trouvait mon siège, à l'arrière droit dans le noir et que j'ai pris le car aller il y a plus d'une heure. Avec trois cars faisant la navette, ça faisait un bus toute les demi-heures. J'ai fouillé le premier car moi-même. Le deuxième fut inspecté en vain par le chauffeur pendant son arrêt en ville. Le troisième fut le bon. Le portefeuille fut retrouvé comme je l'avais dit. Bon de joie, tempéré par l'attente de 45 minutes pour le retour à l'aéroport. Ma tante se détend enfin.

Un nouveau trajet pour le centre-ville pour rejoindre ma tour de 33 étages en plein quartier chinois. J'explique dans l'ascenseur que mon apart est au étiquetté au 19e étage mais que en fait c'est le 17e au standard européen car il n'y a pas ni rez-de-chaussée ni de 13 étage. Arrivés au 19e, ma porte est entre-ouverte et il y a un post-it dessus : "J'ai prévenu les pompiers." Angoisse. J'ouvre complètement. Tout est intact. Ouf. Mais il y a une très forte odeur de crâmé malgré la fenêtre ouverte. En rentrant dans la seconde pièce, la cuisine, je vois mon gâteau totalement noirci, posé calmement sur ma cuisinière. Quatre heures d'absence inattendue mais en laissant le gâteau dans le four ! Le job des pompiers fut facile et j'ai évité la catastrophe.

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