Scène 21

JULIETTE

Dans le noir, Juliette est assise près de la fenêtre. Les étoiles scintillent dans le ciel, c'est le silence dans la maisonnette.

JULIETTE (au public) - Je me demande bien ce que ça fait de pouvoir dormir, de rêver. Que pourrait bien rêver la Vieillesse à votre avis ? Vous n'avez pas la moindre idée ? Moi, je pense que je pourrais rêver de Neo, de Marianne parfois, de votre monde, mais encore de la salle, puis de Mère...Il n'y a pas un jour où je n'ai pas une pensée pour elle. Depuis que nous sommes ici, les traits qu'elle possédait là-bas deviennent flous dans ma mémoire. Il se pourrait que ce soit un des possibles effets de cette forme.

Elle regarde son corps à plusieurs reprises, c'est le dégoût qui se dégage de ses yeux.

JULIETTE (au public) - Je suis la Vieillesse, je suis celle qui vous amène jusqu'à Neo, je le sais déjà...Qui a décidé de tout ça ? Pourquoi je dois représenter la décrépitude ? Je pourrais très bien être comme Marianne, grande, la peau lisse, les yeux brillants. Qu'est-ce qui peut bien me l'interdire ? En quoi parler de Mère est mal ?

Ses jambes tremblent, son corps bascule en avant pour se lever.

JULIETTE (au public) - Je veux savoir ! Qui a choisi pour moi ? Je veux savoir ! Qui ? Qui l'a fait ?

Une soudaine fatigue s'abat sur elle. Elle titube jusqu'à la fenêtre pour s'y soutenir.

JULIETTE - J'ai toujours suivi les ordres, les exigences. Mes questions sont restées sans réponse, mes espoirs n'ont jamais pu aboutir. Que me reste-il, à part de suivre Neo ?

Elle relève son regard vers le ciel étoilé.

JULIETTE (au ciel) - Je n'irais nulle part, je vais rester à ses côtés. Il est seul qui peut me répondre, n'est-ce pas ?