Douce satiété
Le battement persistait.
Il était la seule chose qui persistait.
Était-ce toujours les coups de celui qui la frappait ?
Elle ne pensait pas. Son cœur pouvait le faire aussi.
Battre.
Battre.
Battre.
Toujours et encore...
Paresseusement engourdie par son tempo, elle ne pouvait que se laisser aller, voguer sur le son de son tambour.
Lorsque tout à coup, un parasite vint perturber son hymne vital. La malmenant, la maltraitant, détruisant tous les efforts cadencés par ce rythme chanté qui aurait dû battre pour l'éternité.
Une sensation nouvelle la submergea tel un raz de marée, une fraicheur qui lui inondait le corps.
Il fallait qu'elle se rende compte.
Il fallait qu'elle voie.
Il fallait qu'elle se réveille.
Elle bondit sur ses pieds, pleinement éveillé, dégoulinante d'une eau qui plaquait inconfortablement contre elle l'étrange robe noire qu'elle portait.
Ramassée sur elle-même, elle examina la pièce d'un rapide coup d'œil. Sobre, dénué de tout meuble, elle ne comprenait qu'une lourde porte devant laquelle se trouvait deux personnes, barrant ostensiblement l'accès. Trois autres personnes étaient présente, deux l'une à côté de l'autre discutant entre elles à voix basse, et la dernière plantée, toute seule au milieu de la pièce.
Elle n'eut pas le temps de se concentrer plus longtemps que le bourdonnement revint, grandissant, comme celui d'avant que son cœur ne devienne son tempo. D'abord aussi faible qu'un moustique, il devint rapidement aussi puissant que le mugissement d'un millier d'âme en peine, hurlant leur souffrance et leur désespoir d'une seule voix au timbre infini.
Insoutenable. C'était insoutenable.
Elle se prit la tête entre les mains.
Comment pourrait-elle faire ?
Comment pourrait-elle faire ?!
Quelque chose lui toucha l'épaule. Les voix répondirent pour elle.
Dans un réflexe inhumain, elle attrapa ce qui l'avait effleuré et l'envoya au sol avec une violence inouïe. Une fraction d'instant plus tard, elle l'écrasait, une main sur sa gorge, l'autre levée, prête à frapper. L'action avait été irréelle de rapidité.
Elle resta plusieurs secondes ainsi, à tenir une vie au creux de sa paume, l'esprit trouble, ne sachant réellement qu'en faire.
L'homme au visage rougit par le choc leva doucement une main. Elle la suivit du regard d'un air soupçonneux, prête à resserrer son emprise mortelle à chaque instant. Arrivée à hauteur du poitrail, il déploya lentement un doigt, et le tourna délicatement en direction du centre de la salle.
D'un mouvement sec, elle leva la tête vers ce qu'il désignait.
L'homme, seul, en plein milieux de la pièce.
Sa simple vue la fit vaciller, décuplant les voix aux centuples. Il fallait qu'elle se nourrisse !
Celui-là n'était pas comme les quatre autres. Il était de ceux, mou et lent qui déambulait à l'extérieur en trainant des pieds. Le mot lui revint.
Humain. Il était humain.
Il était mangeable.
Si elle ne le faisait pas tout de suite, elle mourrait, ici et maintenant.
Sans plus attendre elle le chargea, s'arrêtant tout aussi net, le visage à quelque centimètre de son oreille. Elle dévoila une dentition aussi acérée qu'assurément inhumaine, dont elle planta toute la largeur dans l'épaule de sa proie. Le craquement sinistre d'une clavicule et de quelques autres petits os ponctua la fermeture de sa mâchoire sur le pauvre homme.
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