Colis surprise

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Stella

Je ressors avec mes courses dans un temps que je juge acceptable. Le ravitaillement est fait pour une semaine, voire plus. L’essentiel est dans mon caddie : du café, des yaourts à la vanille et cette boisson pétillante sucrée dont je raffole. Le genre de produit donc je ne peux pas me passer.

Après vient la nourriture du quotidien. Pas forcément équilibré, mais je ne fais pas de pub pour maigrir. De toute façon, il y a trop de disparité entre les individus pour que ce qui marche sur moi marche sur d’autres. Du reste, la génétique a été gentille avec mon corps. Un bon tirage pour contrebalancer celui de ma famille.

Tout juste installée dans ma voiture, je cherche un bonbon à la menthe. Le genre que je ne mange que lorsque je conduis. À croire que ça m’aide à décupler mon attention. Si ça ne marche pas, il reste l’effet bon haleine, c’est toujours mieux que rien.

Je mets le contact. Un coup d’œil à la jauge essence m’apprend que je peux encore attendre avant de faire le plein. Tant mieux. Direction la poste à présent.

La voiture s’engage dans des petits chemins de traverse pour éviter les grandes artères. J’arrive sans souci devant un vaste bâtiment jaune et gris : le centre de tri du courrier. J’utilise l’accès pour les visiteurs. J’entre. Fac à l’accueil, des clients font la queue. Sans leur prêter attention, je les contourne. Avec ma clé, j’ouvre la petite boite mise à ma disposition. Quelques lettres et paquets gagnent le sac que j’ai pris avec moi. J’y découvre aussi, un avis de passage pour récupérer un colis plus volumineux. La moisson est bonne cette semaine. J’ai hâte de révéler les surprises qu’on m’a envoyées.

Dans la file, je patiente. Je réfléchis à ce que je vais faire en rentrant, mis à part une tasse de café brûlante. Est-ce que j’ouvre tout de suite les cadeaux ? Dès que je reçois quelque chose, je me sens telle une enfant. Lorsqu’il s’agit de cadeau, je n’ai jamais été exigeante. Même un petit mot me fait plaisir s’il provient d’une personne que j’aime.

Ici, les envois que je réceptionne ont leur importance, parce que des gens ont pris du temps pour me les préparer, même si parfois c’est dans un but intéressé. C’est comme tout, je fais le tri. Je garde le bien et laisse le mauvais de côté.

Arrive mon tour, je transmets l’avis de passage et réceptionne un colis dans un carton juste assez grand pour ne pas passer dans la boite aux lettres. La terreur des facteurs à n’en point douter.

Je repars avec mon chargement. Fin de mon moment de sociabilisation avec des personnes réelles, je m’en retourne vers le monde du net. Le chemin du retour est un peu plus long. Je regarde des bandes de gamins traverser sur les passages piétons. Certains se poussent et crient, d’autres adoptent un air sérieux pour parler d’un dessin animé à la mode. Ça ne me fait pas rêver. Je suis contente d’être adulte sans avoir besoin de me farcir la poussette, les biberons et autres. Ce n’est pas fait pour moi.

Une fois aux pieds de mon immeuble, je prends conscience que je vais devoir faire plusieurs voyages. Il faut avouer que le colis volumineux ne m’aide pas. Même dans un sac, il ressort pour m’empêcher de me saisir des hanses.

Je fais contre mauvaise fortune bon cœur et me dit qu’au moins, je ferais du sport en plus. On se console comme on peut. Dans le hall d’immeuble, une odeur citronnée me saute aux narines. Le ménage vient d’être fait. Le sol n’est pas parfaitement sec. Je prends garde à ne pas marcher sur les tâches humides.

Par chance, l’ascenseur est propre lui aussi, j’en profite pour poser mes sacs par terre. Avec un petit tremblement, il se met en route. Direction le septième ciel ou peut-être un peu plus bas. Ma bêtise me fait sourire, signe que cela fait trop longtemps que je n’ai pas parlé à qui que ce soit. Je devrais peut-être téléphoner à quelqu’un pour prendre de ses nouvelles.

De retour chez moi, je décide de me faire plaisir en allumant une bougie au parfum de litchi. L’odeur est subtile, mais agréable. Je ne veux rien de trop entêtant.

Mes courses rangées, je choisis de m’occuper des paquets. Je prends soin d’ouvrir les lettres sans abîmer l’emballage. Dedans des petits mots : encouragements, compliments sur ma beauté… Des fois, je découvre des cartes postales, ce qui me surprend. Savoir que des gens ont gardé en mémoire mon goût pour est toujours agréable. Ce sont de minuscules riens qui habillent mon quotidien.

Dans une enveloppe, je trouve plusieurs photos d’un homme qui me demande en mariage. Si sur les premières, il est vêtu sur les suivantes, il tente de mettre en avant ses arguments en se montrant dans toute sa nudité et son excitation. Ce n’est pas la première ni la dernière fois que ça arrivera. Au moins, celui-ci veut une relation stable et non pas juste coucher avec moi pour m’afficher sur un tableau de chasse.

Mon portable se met à sonner alors que je trie les courriers en deux tas : ceux qui me font plaisir et ceux que je n’aurais pas envie de relire. Sans savoir pourquoi j’ai tendance à garder toutes traces de ses interactions.

Sur l’écran, un nom s’affiche « Samuel ». Je réponds aussitôt.

– Allô ?

– Salut, cousine, je ne te dérange pas.

Un sourire se dessine sur mon visage lorsque j’entends la voix rauque de Samuel.

– Non, je triais mon courrier.

– Tes factures ou celui de tes fans ?

Je grimace alors qu’une photo tendancieuse s’échappe d’une enveloppe.

– Mes fans comme tu dis.

– Beaucoup de cadeaux ?

– Un préservatif, ça compte ?

Il me répond du tac au tac.

– Ça dépend, il est usagé ou non ?

– Heureusement non.

Un rire résonne dans mon oreille.

– Vérifie la date, il pourra te servir s’il n’est pas périmé.

C’est pour cette raison que j’adore mon cousin, nous avons le même humour. Jamais il ne s’est opposé à ce que je fais. Au contraire, il m’a soutenu. Lui ne me voit pas comme une petite fille fragile ou comme une paumée.

– Je te l’offrirais pour ton prochain anniversaire, tu en auras besoin avant moi, je pense.

– Un préservatif de seconde main, tu m’envoies du rêve.

Tout en le gardant en ligne, je m’empare d’une paire de ciseaux pour ouvrir le colis. La lame glisse sur le ruban adhésif.

– Dédicace-le, alors. Je suis certain que n’importe quelle femme serait folle de moi, une fois que je lui montrerais.

– « Validée par Stella », ça te va comme dédi…

Je m’interromps en découvrant le contenu de la boite. Mon cœur se met à battre la chamade. Inquiète, la voix de Samuel résonne dans ma tête :

– Stella ? Ça va ?

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