[09-07-2024] Forêt

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Au petit matin, en revenant à Endora, les deux chasseurs sauvés furent installés sur la place du marché, dont les pavés humides luisaient à la lumière naissante. Feyne, la couturière, une femme au visage marqué par les années mais dont les yeux pétillaient de bienveillance, les recouvrit de lourdes couvertures de laine pour les maintenir au chaud. Le vent froid du matin faisait frémir les arbres autour de la place, ajoutant une touche de gravité à la scène. Gisla fit sonner la cloche du village, son écho résonnant dans les ruelles étroites et attirant une ruée d'humains. Leur nombre avait doublé pendant l'absence d'Ivandors, les coureurs ayant recruté de nouvelles personnes dans les cités environnantes. Cette nouvelle fut accueillie avec une effusion de joie et d'espoir, les visages fatigués s'illuminant d'un nouveau courage. Les nouveaux arrivants apportaient non seulement des bras supplémentaires pour reconstruire et défendre Endora, mais aussi des ressources précieuses.


Ivandors se plaça aux côtés de Gisla, sa présence imposante offrant un sentiment de sécurité aux habitants rassemblés. Il expliqua en détail ce qui s'était passé depuis la veille, sa voix grave et rassurante captant l'attention de tous. Il annonça le pacte avec la meute de loups d'or des environs, et, à sa surprise, personne ne protesta. Les visages exprimèrent un mélange de soulagement et d'espoir. Gisla, sentant la gravité du moment, se mit à genoux, les mains posées sur le sol humide, et tous la suivirent dans ce geste de respect et de recueillement. Un silence solennel s'installa, seulement troublé par le murmure du vent, alors que chacun priait pour les esprits des loups d'or et des humains morts la veille.


Ivandors releva la tête à l'approche de Dorusa, la nouvelle cheffe de la meute, dont la silhouette dorée se détachait contre le ciel matinal. Il se leva et s'inclina profondément par respect, un geste imité par tous les présents. La louve s'avança d'un pas majestueux vers le feu de camp, mais s'arrêta net, le museau relevé, les oreilles aux aguets. Elle renifla plusieurs fois, cherchant une odeur spécifique parmi les effluves de cendre et de bois brûlé. Dès qu'elle la trouva, elle s'élança en courant, ses mouvements rapides et fluides. Ivandors, perplexe mais déterminé à la suivre, se lança à sa suite. Codie, l'infirmière, emboîta le pas, pensant que sa présence pourrait être utile.


Le petit groupe courait à travers les débris du labyrinthe de ruines, leurs pas résonnant sur les pierres brisées. Dorusa s'arrêta brusquement devant une maison en ruines, flairant l'air à nouveau. L'odeur était plus intense ici. Décidant de s'y aventurer seule, elle savait que les grands humains ne pourraient pas la suivre à travers les passages étroits et encombrés. Ivandors et Codie restèrent en arrière, le cœur battant, attendant son retour avec impatience.


La jeune louve rampa sur quelques mètres, ses muscles tendus sous sa fourrure dorée, et découvrit une jeune fille blessée, à peine âgée de dix ans selon son estimation. Dorusa fit le tour de l'enfant, évaluant la situation avec une précision instinctive. L'enfant était inconsciente, son visage pâle et couvert de saleté. Observant attentivement, Dorusa ne trouva aucune blessure apparente malgré l'odeur persistante du sang frais. Son museau glissa doucement sur le torse de la petite, localisant finalement la plaie. Respectueusement, elle évita de soulever son haut pour une vérification plus approfondie. Assise, elle hurla, un appel strident et urgent. Peu après, deux loups d'or de sa meute arrivèrent en courant, leurs regards alertes et inquiets.


Dorusa leur expliqua rapidement qu'ils devaient extraire la petite avant qu'elle ne rejoigne les esprits d'Étola, les astres célestes. Les loups se relayèrent avec soin pour tirer la petite jusqu'à la sortie où Ivandors et Codie attendaient, prêts à offrir leur aide.


Ils sortirent l'enfant des décombres avec précaution, et Codie, l'infirmière, la prit en charge avec douceur, ses gestes précis et rassurants. Ivandors caressa les trois loups d'or en signe de gratitude, sentant la chaleur de leur fourrure contre sa peau, un geste qui scellait leur nouvelle alliance. Codie, examinant rapidement l'état de la jeune fille, annonça avec détermination :


— Leenaï s'en sortira. Ramenons-la près des chasseurs sur la place du marché.


Ivandors et Codie portèrent la jeune fille avec soin, leur progression lente mais assurée à travers les ruines. Les loups d'or restèrent en arrière, leurs museaux frémissant en reniflant les alentours, toujours sur leurs gardes.


Arrivés sur la place, ils déposèrent Leenaï sur une couverture que Feyne avait préparée avec soin, ses mains habiles ayant cousu une étoffe douce et épaisse. Codie se dirigea rapidement vers la droguerie en ruine la plus proche, mais ses espoirs s'effondrèrent en ne trouvant rien d'utile. Elle avait oublié de refaire des stocks de remèdes médicinaux et s'en voulait terriblement, sentant le poids de sa responsabilité sur ses épaules. Elle se retourna, le visage marqué par l'inquiétude, et vit Dorusa s'approcher avec assurance. Codie savait que la louve comprenait leur langue, alors elle lui expliqua avec une voix tremblante :


— Je n'ai plus de remèdes pour les blessés. Nous avons utilisé toutes mes réserves. Le temps que je retourne à la capitale, j'ai peur que la petite ne tienne pas.


Codie s'effondra au sol, ses genoux heurtant la terre dure. La cheffe de meute, sentant sa détresse, se rapprocha doucement et frotta son museau contre le bras de l'humaine pour la rassurer, ses yeux dorés remplis de compassion. Si Codie comprenait le Lorpouss, elle aurait entendu Dorusa lui murmurer avec une voix apaisante :


— Ne t'inquiète pas. Je vais prévenir Taunya, un guérisseur de ma meute, pour qu'il puisse venir et voir ce qu'il peut faire.


Codie, trouvant un réconfort inattendu dans le geste de la louve, se releva et se dirigea vers Ivandors pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. Ses pas étaient lourds, mais elle était déterminée à trouver une solution pour sauver la jeune Leenaï. Ivandors, voyant l'expression sur le visage de Codie, sut immédiatement que les nouvelles étaient graves, et son regard se tourna instinctivement vers Dorusa, espérant que l'alliance avec les loups d'or apporterait une lueur d'espoir en ces temps sombres.


Avant même qu'elle n'ouvre la bouche, Ivandors, déjà informé de la situation, l'attendait avec un regard grave. À ses côtés se tenaient Lupya et un jeune loup marqué d'une étrange cicatrice sur le museau, symbole de ses compétences particulières. Ivandors fit les présentations d'une voix calme mais assurée :


— Codie, voici Taunya, un guérisseur de la meute de Dorusa. C'est un excellent guérisseur. En attendant ton retour, il a stabilisé la blessure de Leenaï.


Lupya, se tenant droite et fière, prit la parole. Sa voix rauque et déterminée résonna, traduite par Ivandors pour Codie :


— Ce que je vous propose, c'est de partir à la recherche de plantes médicinales pour sauver l'enfant. Je suis la meilleure chasseuse de ma meute. Taunya m'a montré plusieurs endroits où nous pourrions trouver ce dont nous avons besoin. Dès que vous serez prêts, nous partirons. Le plus tôt sera le mieux pour Leenaï.


Codie, bien que surprise par l'offre d'aide de Lupya, acquiesça rapidement. La détermination dans ses yeux reflétait son urgence de sauver la petite. Elle se précipita pour rassembler son matériel, chaque seconde comptant.


Ivandors convoqua Paulo et Pierro, leur demandant de préparer des sacs avec des rations pour le groupe. Les deux hommes s'exécutèrent sans tarder, comprenant l'importance de leur mission. Pendant ce temps, Ivandors s'assit près de Taunya, cherchant un moment de calme avant le départ. Il lui parla en Lorpouss, leur langue partagée :


— Merci de veiller sur elle pendant notre absence.

— C'est normal, répondit Taunya avec une douceur dans la voix. Je ne pouvais pas laisser Lupya ici, elle aurait pu causer des problèmes. Elle connaît bien les plantes, car elle m'aide souvent à refaire mes stocks. Sa présence nous sera précieuse.


Ivandors, touché par les paroles de Taunya, le serra dans ses bras avec reconnaissance. Se levant, il entendit la cloche retentir, annonçant que le repas était prêt. Gisla avait préparé un ragoût de légumes, et tous s'assirent autour du feu, le silence seulement interrompu par le crépitement des flammes et les soupirs de satisfaction. Même les loups d'or, habituellement méfiants, partagèrent ce moment de répit, savourant le ragoût offert.


Après le repas revigorant, l'équipe d'expédition se mit en route, guidée par Lupya et Dorusa en tête, suivies de près par Ivandors, Codie, Paulo et Pierro. Ils passèrent devant le lieu sinistre du massacre de la veille, marquant une pause pour honorer les esprits des défunts avant de reprendre leur chemin dans un silence respectueux.


Lupya et Dorusa accélérèrent soudainement leur course sans prévenir. Les humains tentèrent de suivre leur rythme effréné, mais peinaient à maintenir le pas. Ils continuèrent jusqu'à atteindre un endroit baigné par la lumière des astres, où le vert luxuriant des plantes se reflétait sur les arbres alentour. Codie, attirée par la curiosité scientifique et le besoin pressant de secourir Leenaï, s'avança pour inspecter les plantes, mais un hurlement perçant la figea sur place. C'était Lupya, appelant à l'aide.


Ivandors, alerté par les cris de Lupya, s'élança et la trouva prise dans un piège de chasseur habilement dissimulé. Pierro, non loin, riait bruyamment de la situation, ignorant la gravité de ses actes. Avec l'aide de Paulo, Ivandors réussit à libérer la louve du piège. Codie, indignée et bouillonnante de colère, assomma violemment Pierro qui s'effondra, sonnée. En fouillant ses affaires à la recherche d'explications, elle découvrit une note compromettante : "Localisez l'homme qui communique avec les loups d'or et éliminez-le. Apportez sa tête pour recevoir votre récompense."


Elle montra la note à Paulo, dont l'expression trahissait la confusion et l'incompréhension :


— Je ne savais pas qu'il était venu pour ça. Quand vous êtes partis de la capitale, Pierro est venu avec Jaiko et deux autres chasseurs pour traquer les animaux des environs. Ils cherchaient des fournisseurs de viande et de fourrures, c'était bien payé, alors j'ai accepté. Mais je ne pensais pas qu'il y avait d'autres motivations derrière tout ça.


Lupya, bouillante de rage contenue, hurla à Ivandors :


— Si nous avions su, nous l'aurions éliminé en priorité ! Laissez-le nous, nous saurons quoi en faire !


Ivandors se trouva désemparé, partagé entre la justice immédiate et le respect des lois de la meute. Codie, partageant son dilemme moral, observa silencieusement la scène se dérouler. Paulo, sans comprendre entièrement les intentions de Lupya, s'approcha de Pierro avec détermination, dégainant son couteau.


Les griffes de Lupya brillaient d'une lueur menaçante, ses yeux fixés sur Pierro, tandis que Dorusa acquiesçait d'un signe de tête. Ensemble, ils se lancèrent à l'attaque. La louve, avec une précision mortelle, lacéra la gorge de l'homme, tandis que Paulo, d'un geste précis, atteignit son cœur avec le couteau. Pierro tomba sans un mot, ses yeux révulsés fixant le ciel nocturne.


Dans le silence qui suivit, l'expression d'indifférence remplaça rapidement celle de rage sur les visages des exécuteurs. Ils savaient que des sacrifices étaient nécessaires pour assurer la survie de leur groupe, même si cela impliquait des actes d'une brutalité que la plupart ne pourraient jamais comprendre.


Dorusa, Ivandors et Codie observaient la scène macabre en silence. Lupya, encore frémissante d'adrénaline, hurla de satisfaction et se frotta affectueusement contre les jambes de Paulo. Un lien indéfectible venait de se forger entre eux. Pendant ce temps, Codie vérifia que Pierro était bien mort et procéda à la fouille de ses affaires, récupérant tout ce qui pouvait être utile. Une fois les effets personnels du chasseur dans leurs sacs, ils reprirent leur marche, chacun plongé dans ses pensées.


Lupya, agile pisteuse, établissait un lien mental avec Paulo, exprimant sa gratitude pour avoir combattu à ses côtés. Paulo lui répondit par la pensée qu'ils étaient désormais unis comme des frères d'armes, liés par le sang versé.


Reprenant leur progression, Lupya guida Codie vers un bosquet particulier où poussaient des plantes médicinales essentielles. À travers Ivandors qui servait d'intermédiaire, elle expliqua :


— Ici, tu trouveras des plantes anti-poison, anti-paralysantes et anti-coagulantes, un peu de tout ce dont nous pourrions avoir besoin.


Avec une habileté naturelle, la louve creusa dans la terre et extrait plusieurs variétés d'herbes, qu'elle apporta soigneusement à Codie. Paulo traduisit, étonnant tout le monde sauf Ivandors :


— Ces plantes sont celles dont tu as besoin pour sauver Leenaï. La salive des loups d'or aidera à appliquer les feuilles plus efficacement sur sa plaie.


Codie, agréablement surprise, demanda :


— Tu comprends ce que Lupya dit ?

— Oui, depuis notre combat côte à côte, je ressens son esprit dans le mien. Ne t'inquiète pas pour Lupya, elle a un bon fond.


L'infirmière regarda alternativement Lupya et Paulo, tentant de comprendre cette connexion inhabituelle. Ivandors intervint pour expliquer :


— Quand un esprit voit un être en détresse, il peut établir un lien avec un autre être vivant, qu'il soit humain ou animal. Cela permet de communiquer sans aucune barrière linguistique et de réaliser bien des choses. Ce ne sont pas que des légendes d'enfance, elles sont bien réelles.


Dorusa observait attentivement Ivandors, perplexe. Codie ramassa les plantes soigneusement sélectionnées par Lupya et les rangea dans une bourse. Le groupe se réorganisa et reprit la route en direction d'Endora, chacun portant en lui les réflexions induites par les événements récents.


Le retour vers Endora fut plus animé que l'aller. En chemin, Dorusa fit une proposition à Ivandors :


— En observant vos enfants à Endora, j'ai remarqué leur curiosité pour notre langue. Que dirais-tu de permettre à nos louveteaux de passer du temps avec eux pour faciliter la communication entre nos peuples ? J'ai également noté que la petite Leenaï semblait chercher quelque chose. Étant donné que vous, les grands humains, ne pouvez pas toujours accéder aux chemins étroits, laissez-nous vous aider en veillant sur vos enfants si vous êtes d'accord.

— J'ai moi-même réfléchi à quelque chose, Dorusa. En hiver, malgré votre pelage, vous semblez souvent souffrir du froid. Nous pourrions vous aider en construisant des abris et des nichoirs pour vos petits. Qu'en penses-tu ?

— Je vais soumettre cette idée à notre conseil, mais je pense que cela sera bien accueilli...

— Attends, vous avez un conseil ?

— Oui, et vous ?

— Non, à part Codie, Gisla et moi-même, nous n'avons pas de conseil.

— Je te conseille d'en former un. Tu verras la différence immédiatement. Si tu veux, nous pouvons même le créer ensemble pour renforcer notre alliance.

— J'accepte avec grand plaisir.


Dorusa hurla de joie, suivie par Lupya et Paulo. Tous les membres du groupe les imitèrent. À l'horizon, la cité d'Endora se dessinait, motivant chacun à accélérer le pas.


À peine arrivés à Endora, Codie se hâta vers Taunya avec les plantes médicinales en main. L'infirmière, habituée à l'urgence, ne perdit pas de temps et se mit immédiatement au travail. Avec précision et délicatesse, elle prépara le remède puis l'appliqua méthodiquement sur la plaie de Leenaï. Le jeune guérisseur, Taunya, posa sa patte avec une douceur qui contrastait avec sa stature imposante, veillant à ne pas utiliser ses griffes pour bien étaler la mixture guérisseuse.


Pendant ce temps, Feyne, la couturière, s'approcha discrètement avec un morceau de tissu qu'elle tendit instinctivement à Codie pour essuyer ses mains. Concentrée sur sa tâche vitale, Codie ne remarqua pas que le loup d'or, attentif aux besoins de l'infirmière, avait saisi le chiffon entre ses crocs. Il attendit patiemment que Codie libère sa main pour déposer doucement l'objet près d'elle.


Cette scène touchante ne passa pas inaperçue pour Feyne, qui trouva magnifique de voir un loup d'or et une humaine collaborer de manière si harmonieuse pour sauver une vie. Taunya, une fois le traitement appliqué, replaça délicatement le vêtement sur Leenaï et s'assit à côté d'elle, offrant sa présence rassurante.


Codie, habituellement réservée, ressentit un profond sentiment de gratitude envers Taunya. Sans hésiter, elle se laissa aller à l'émotion et le remercia d'une étreinte sincère. Ce geste simple scella non seulement leur partenariat médical, mais aussi un nouveau lien fort entre les guérisseurs des deux races, prouvant que la coopération et la compassion pouvaient transcender les différences.


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