[11-07-2024] Puit

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La nuit déployait ses voiles étoilés, révélant de splendides paysages baignés dans la lueur argentée de la lune. Dans ce calme enchanteur, de nouveaux animaux sortaient de leurs cachettes, tandis que d'autres s'endormaient paisiblement. C'était le cas de Codie, épuisée après une longue journée de labeur, qui allait enfin trouver un peu de repos. Elle repensait à tout ce qui s'était passé : la graine soigneusement plantée par Leenaï, et les reflets cristallins du lac d'Irna. Que leur réservait l'avenir ? Perdue dans ses pensées, Codie ne remarqua même pas qu'elle s'endormait, étendue sur le sol de pierre près du feu de camp, la chaleur des braises réchauffant doucement son corps fatigué.


Taunya, de son côté, observait les étoiles scintillantes dans le ciel nocturne. Il repensait à tous les êtres vivants qu'il avait sauvés au fil du temps. Récemment, il avait secouru Leenaï, une petite humaine blessée lors d'une exploration des ruines dans la cité en cours de rénovation, Endora. Grâce à Codie, il avait appris de nouveaux remèdes pour soigner les siens. Il se remémorait ce lien particulier qui les unissait, lui et l'humaine guérisseuse.


Il tenta de se connecter à son humaine, mais une barrière invisible l'en empêcha. Après plusieurs essais infructueux, il commença à s'inquiéter. Lors de sa dernière tentative, il sentit une perturbation : Codie bougeait. Elle ne devait pas dormir. Pris de panique, il se précipita vers Lupya, qui dormait paisiblement. La louve, immergée dans ses rêves, prit son temps pour ouvrir un œil, mais en voyant l'expression alarmée de son ami, elle se leva immédiatement sans poser de questions.


Avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, Taunya, terrifié, prit la parole d'une voix tremblante :


— Lupya, je... je sens Codie bouger, mais je ne peux pas la contacter.


La louve dressa immédiatement les oreilles, ses sens aiguisés se concentrant davantage. Elle ferma les yeux et établit un lien mental avec Paulo. Quelques mots télépathiques plus tard, elle rouvrit ses yeux dorés pour annoncer d'un ton sérieux :


— Arrête, Taunya, ce n'est pas drôle ce que tu viens de faire. J'arrive à contacter mon humain sans problème !


Le loup fixa le vide un instant avant d'expliquer :


— Je ressens comme une barrière entre nous. Quelque chose qui m'empêche de la sonder.

— As-tu pensé au fait qu'elle ne veuille tout simplement pas te parler ? demanda Lupya d'une voix calme.

— Si c'était le cas, elle me l'aurait dit. Elle est comme moi sur ce point.


Lupya scruta les environs. Ce n'était pas sa nuit de garde, mais elle sentait que son ami avait besoin de réconfort. Elle lui proposa alors une sortie nocturne jusqu'à Endora pour vérifier que tout allait bien. Taunya accepta avec enthousiasme, et tous deux se mirent en route vers la cité humaine.


Le trajet se fit en silence, une prudence tacite s'imposant lorsqu'on savait que la nuit réservait souvent des surprises. Des créatures gigantesques pouvaient surgir et vous engloutir tout cru, du moins c'est ce que racontaient les loups sages aux louveteaux pour les dissuader de s'aventurer hors du territoire. Taunya n'était pas naturellement peureux, mais l'obscurité avait toujours eu le don de le mettre mal à l'aise. Il crut apercevoir des ombres mouvantes et cela le terrifia. Se réfugiant instinctivement dans la fourrure dense de Lupya, il s'attendait à une réprimande habituelle, mais elle resta silencieuse. Elle aimait le sentiment de confiance qu'elle inspirait à son ami. Contrairement à Taunya, elle ne connaissait aucune peur : ses nombreuses expériences variées l'avaient rendue intrépide, et une simple promenade dans une obscurité presque totale ne l'effrayait nullement.


Les deux loups atteignirent les abords de la cité d'Endora, ou du moins ce qui en restait. À la place des ruines en cours de rénovation, ils découvrirent un dôme de pierre aussi sombre que la nuit elle-même. Même les étoiles languissantes dans le ciel semblaient incapables de s'y refléter. Les loups d'or s'assirent et observèrent la structure intrigante.

Lupya, remarquant le regard interrogateur de Taunya, entreprit de lui expliquer ce qui s'était passé depuis le levé du jour. Elle lui raconta l'histoire légendaire d'Irnas et mentionna qu'Ivandors avait découvert un lac semblable non loin de la cité, qu'il avait nommé "Irna" en hommage à cette légende. Avant que la cité ne s'endorme pour la nuit, Leenaï, la jeune humaine sauvée par les guérisseurs des deux races, avait planté une graine qui avait engendré des remparts protecteurs, immunisant ainsi la cité contre les attaques et les invasions.

Le guérisseur de la meute se sentait satisfait d'avoir appris tant de choses que Codie ne lui avait pas encore révélées avant de s'endormir.

Taunya s'approcha des imposants remparts lorsque soudain, une porte se dessina devant lui. Pris de surprise, il recula précipitamment et se dissimula dans un buisson proche, suivi de près par Lupya. Tous deux attendirent, retenant leur souffle pour voir ce qui allait se passer.


La porte s'ouvrit silencieusement, laissant entrer une silhouette élancée aux longs cheveux roux. Taunya reconnut immédiatement Codie, mais Lupya lui fit signe de rester caché. La porte se referma aussitôt, disparaissant comme si elle n'avait jamais existé dans ce monde.


Sans attendre les instructions de Lupya, Taunya tenta de se connecter à son humaine, mais il ne reçut aucune réponse. Une barrière invisible semblait toujours les séparer, et cela le perturbait de plus en plus.


Codie ne sembla pas remarquer la tentative de connexion mentale de son loup d'or. Elle avança d'un pas assuré sans jeter un regard aux loups qui l'observaient. C'est à ce moment que Lupya comprit quelque chose d'important. Attendant que l'humaine s'éloigne suffisamment, elle partagea sa théorie avec son ami :


— Ton humaine doit être noctambule.

— Je ne comprends pas, répondit Taunya, intrigué.


— Parfois, quand on est plongé dans un sommeil profond, on peut accomplir des actions complexes sans en avoir conscience.


Taunya fixa Lupya avec curiosité, se demandant si elle n'avait pas confondu les termes :


— Ne voulais-tu pas dire "somnambule" ?

— Ah oui, j'ai fait une erreur, admit Lupya en baissant la tête avec une pointe de gêne.


Taunya ne dit rien de plus et fit signe à Lupya de suivre Codie. La louve s'élança à la suite de l'humaine tandis que Taunya s'approchait des remparts. Il les renifla soigneusement, un sentiment de malaise grandissant en lui. Pris de panique soudaine, il se rua à nouveau dans la fourrure dense de Lupya, comme un enfant effrayé par l'ombre d'un fantôme.


Suivre Codie dans un silence presque glacial n'était pas une tâche aisée pour tous. Heureusement, Lupya pouvait parfois communiquer mentalement avec son humain, mais elle se sentait désolée à chaque fois pour son ami Taunya, qui ne parvenait pas à établir ce lien. Profitant de leurs échanges, elle demanda à Paulo s'il y avait d'autres humains sortis, mais la réponse fut négative : Codie était la seule à être hors des remparts d'Endora.


Le paysage changea brusquement. La forêt majestueuse laissa place à une succession imposante de montagnes, chacune plus imposante que la précédente.


Codie s'enfonça dans les montagnes avec une aisance déconcertante, tandis que les loups peinaient à éviter les obstacles. L'intérieur de la montagne était si sombre que Lupya et Taunya se heurtèrent plusieurs fois en cherchant à avancer. Soudain, une lumière surgit de nulle part, illuminant la grotte et les incitant à accélérer le pas pour rattraper l'infirmière. Taunya s'arrêta soudainement pour renifler l'air. Outre l'odeur d'une source d'eau à proximité, il détecta un danger latent. Il avertit Lupya d'une voix basse :


— Je sens quelque chose d'inquiétant dans cette grotte.

— Quoi qu'il en soit, continuons de la suivre. Si jamais elle est menacée, nous la défendrons, répondit Lupya avec détermination.


Les paroles réconfortantes de son amie réchauffèrent le cœur de Taunya.


Soudain, Codie s'arrêta sans prévenir. Si les loups n'avaient pas été sur leurs gardes, ils l'auraient percutée. En contournant l'humaine, ils découvrirent un puits. Codie s'assit au bord, laissant ses jambes pendre dans le vide. Les loups restèrent prudemment à l'écart pour éviter de la pousser accidentellement.


La voix de l'humaine résonna dans l'obscurité :


— Pourquoi te caches-tu, Maître ?


Quelqu'un devait lui répondre, mais les loups ne percevaient rien. Codie reprit la parole :


— Tu veux que je les détruise ? Comment puis-je y parvenir dans ce corps si frêle ? Un rien pourrait le briser. Elle ne supportera pas ma puissance.


Elle fit une pause, écoutant une réponse silencieuse, avant de continuer :


— Tu veux que je trouve un autre réceptacle, mais qui serait un bon choix selon toi ?


Une nouvelle pause suivit, puis elle reprit :


— Le chef homme-loup ? Il est sous le contrôle des sirènes d'Irna. Personnellement, j'avais pensé à Pierro, mais cette idiote l'a laissé se faire tuer par les assassins.


Encore une pause, avant qu'elle n'ajoute :


— Oh, c'est vrai, je n'y avais pas pensé à celui-là. Il est robuste et fort psychiquement. Il ne devrait pas se laisser manipuler par l'homme-loup.


Un silence lourd de sens précéda sa réplique suivante :


— Je sais bien que pour changer de réceptacle, je dois abandonner celui-ci, mais j'aimerais en profiter pour déclencher une...


Codie sembla écouter encore une fois, puis répondit :


— Oui, tu as raison, je vais faire attention.


Sans un mot de plus, Codie se leva et se tint debout sur le rebord du puits, puis sauta dedans. Un bruit d'éclaboussure se fit entendre lorsqu'elle entra en contact avec un liquide. Taunya et Lupya se regardèrent, perplexes et dans l'incapacité de comprendre ce qui venait de se passer.


Le loup d'or tenta une nouvelle fois d'entrer en contact avec Codie. Cette fois, au lieu de rencontrer la barrière habituelle, il se heurta à une présence démoniaque. Reprenant ses esprits, il se tourna vers Lupya, qui le regardait, intriguée, et lui expliqua ce qu'il venait de ressentir.


Lupya, à son tour, essaya de contacter son humain, Paulo, mais se heurta à une barrière invisible, similaire à celle décrite par Taunya. Elle voulut sortir de la grotte, mais laisser son ami seul lui semblait inconcevable. D'une voix attristée, elle annonça :


— Je n'ai pas réussi à le contacter. Je suis désolée.


Ils échangèrent un regard, indécis quant à la marche à suivre. Devaient-ils rester ici et attendre on ne sait quoi, ou retourner prévenir les humains de ce qui s'était passé ?


Un bruit étrange résonna dans la grotte. Ne trouvant aucune cachette, les loups restèrent immobiles, prêts à voir ce qui allait se passer. Codie émergea du puits, indemne. Elle passa devant eux sans les remarquer et se dirigea vers la sortie de la grotte. Sans se consulter, Taunya la suivit, tandis que Lupya s'approchait du puits. Plus elle avançait, plus elle ressentait un malaise grandissant. L'oppression devenait presque insupportable, mais elle parvint à se pencher suffisamment pour voir le fond du puits. Ce qu'elle y vit lui glaça le sang : une ombre disparut soudainement, lui arrachant un gémissement de terreur. Elle venait de vivre la peur de sa vie.


Essoufflée, Lupya rejoignit Taunya et lui raconta ce qu'elle pensait avoir vu. Taunya était perplexe. C'était la première fois qu'il voyait Lupya aussi effrayée. Il pressa son museau contre celui de son amie pour la réconforter. Peu importait si Codie avait pris de l'avance, ils pourraient la rattraper plus tard.

Lupya calmée, ils reprirent leur mission : suivre Codie et la protéger au besoin.


Vu le chemin qu'empruntait l'humaine, ils pensèrent qu'elle retournait à Endora, mais il n'en fut rien. Ils la virent s'approcher d'un territoire qu'ils connaissaient bien, celui des lièvres d'argent. Ces petits animaux, bien que magnifiques à regarder de loin, étaient redoutables de près avec leurs dents acérées capables de faire fuir n'importe quel prédateur. Codie se cacha derrière un buisson, observant les lièvres avec attention. Les loups l'imitèrent, conscients qu'être découverts ici pourrait leur valoir une confrontation avec leur chef.


Le temps s'écoulait lentement et, mis à part une envie pressante de faire leurs besoins, rien ne se passait. Plusieurs lièvres d'argent passèrent près d'eux sans montrer de signes qu'ils avaient remarqué leur présence.


Quand l'aube commença à poindre, étendant ses premiers rayons dorés sur la terre, Codie décida de repartir. Elle se leva brusquement et se mit à courir vers la cité des humains. Les loups, fatigués de leur nuit de veille, peinèrent à la suivre. Arrivée devant les remparts, Codie leva les mains vers le ciel avant de s'effondrer soudainement. Taunya s'approcha rapidement pour vérifier qu'elle ne s'était pas blessée tandis que Lupya, paniquée, contactait d'urgence Paulo pour qu'il leur ouvre la porte.


L'attente dura quelques instants, mais parut une éternité pour Taunya, qui faisait les cent pas. Finalement, Paulo arriva accompagné d'un autre humain et ils portèrent l'infirmière jusqu'au feu de camp.


Épuisés, les loups s'installèrent à proximité et s'assoupirent rapidement, leurs corps lourds de fatigue après cette nuit éprouvante.

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