VIEUX
Nos souvenirs défunts ne seront plus vécus.
Il n’y aura plus de fois dans la brume étagée :
Ce paysage est mort de bien trop de fumées ;
Notre passé s’éteint en sa lente décrue.
Les sommets répétés de l’usine arrêtée
Sont rongés de gangrène et de mort suspendue ;
Ils ne dessinent rien dans leur ciel disparu :
Leur arête si vive est un deuil programmé.
Livrés à des courants par leurs vitres brisées,
Leurs reflets ne sont plus qu’illusions sous la nue,
Transpercés par la pierre d’un silence têtu,
Parcourus des néants d’un air désaffecté.
La fureur de l’acier n’a toujours pas fondu :
Elle est là comme en rêve, elle est là, condamnée.
Seul l’écho d’un fracas la fait se redresser :
La fureur et l’acier, des soupirs, aperçus…
L’immensité vidée du grand hangar vaincu
S’étend de tout son rien sous son ciel trop forgé !
Elle est jonchée des pas aujourd’hui aspirés
Par un futur trop lourd pour des présents déçus.
Les arbres décharnés font des ombres ténues,
Hantant de leurs maigreurs les miroirs mutilés…
Et ce ballet macabre épuise en majesté
Les regards dispersés de destins méconnus.
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