Seul, au milieu d’une foule.

En transit.

Sur le quai d’une gare, inconnu, ignoré, dépassé...

Suis-je seulement un obstacle à contourner ?

Un objet, posé là.

Sous surveillance, prêt à être détruit.

En transit: plus que quelques années...

Tous ces autres ne sont que papillons, battant des ailes dans la lumière de leurs dernières journées.

Ils courent... sans arrêt... vers un siège, se poser... vers un siège, s’affaisser... vers un siège, rêver.

Rêver une autre vie.

Sans argent à gagner, sans travail où s’user, sans personne à quitter...

Du train, au travers des étendues vitrées, le paysage défile : les arbres nous regardent mourir.

Ils sont là, immobiles.

Ils n’attendent rien.

Ils poussent.

Ils naissent.

Ils meurent.

Ils perdent leurs couleurs.

Il gagnent des verdeurs.

Des vies, des saisons.

Sans craintes: sans pensées.

Ils étaient là avant nous; ils seront là après.

Ils attendent notre possible retour, profitent du soleil en son amour.

La pénombre envahit les wagons, allume les néons, obscurcit les derniers rayons rouges d’un jour ensoleillé.

C’est la mort de ce jour, peut-être le dernier...

C’est la vie en soirée.

Se frayer un passage, les esprits épuisés : embrasser, écouter, rassurer ?

Un monde: l’impression de compter, d’être le centre, pas encore périmé...

Une illusion de quelques années...

Et puis... et puis, et puis, l’ennui, la nuit, l’oubli.

Tout sera recouvert et puis...

Tout sera effacé.

Comme ailleurs, comme partout.

Comme pour tout.

Et le monde, et le soleil, et les étoiles, et la galaxie...

Absorbés, engloutis, atomisés, dispersés pour ailleurs, autrement.

Seul, sur le quai de la gare, je descends du train.

Je suis seul.

Au milieu d’une autre foule... trop pressée d’exister.

Je n’arrive plus à avancer.

Je suis presque déjà mort: ai-je jamais été vivant ?

Grain de sable.

Secoué de marées, profitant du soleil ou bien noyé.